Robert Parker n'est qu'un leurre!


Je suis vraiment un crétin! Pourquoi ai-je mis tant de temps à le comprendre? Robert Parker Jr, qu'il est de bon ton de critiquer désormais dans les milieux autorisés alors que l'on sent que la retraite approche, est en fait le plus fidèle allié des amoureux du bon vin. Son avis est précieux, que dis-je indispensable avant de choisir telle ou telle bouteille, tel ou tel millésime: si sa note (ou celle d'un de ses sbires) excède 90-92 points, passez votre chemin. Inéluctablement, vous seriez en face d'un de ces jus à côté desquels une tartine de saindoux arrosée d'un verre d'huile ferait figure d'amuse-bouche aérien.
Car c'est là, que nous devons rendre grâce à notre cher Uncle Bob, il y a effectivement quelque chose d'aérien dans son jugement. D'aéronautique, en tout cas. Par gentillesse pour nous qui préférons boire le vin plutôt que de boursicoter avec, les cotations du Wine Advocate sont en fait des leurres, un peu à la façon que ceux utilisent les avions de chasse pour échapper aux missiles ennemis. C'est fort! C'est très fort! Grâce à cette admirable technique, il détourne les acheteurs mal dégrossis, les nouveaux riches et les buveurs de Coca-Cola des vins digestes, sains et équilibrés dont nous régalons, qu'ils viennent de la Loire, du Sud-Ouest ou encore du Languedoc-Roussillon. Mieux encore, grâce aux leurres, tandis que la bleusaille se rue sur les millésimes lourdingues qu'il fait mine de vénérer, il nous permet en Bourgogne ou à Bordeaux de continuer à trouver à des prix (presque) honnêtes de jolies bouteilles, davantage axées sur la finesse ou l'élégance. Vraiment, merci!


Évidemment, la technologie progresse à grand pas. Et j'ai été récemment impressionné par les derniers leurres mis en place par Robert Parker Jr. Si l'on en croit le message superçonnique* publié il y a quelque temps sur son compte Twitter et reproduit ci-dessus, notre Ernest Laverdure de la dégustation est désormais capable de déboussoler les missiles avant même d'avoir décollé. En clair, il n'a même plus besoin d'aller goûter pour savoir si c'est bon ou mauvais. "Si tous les cons volaient…" me glisse une vigneronne…


Mais quittons un peu Bordeaux où, quand les clowns qui se produisent lors du grand cirque des primeurs auront rangé leurs nez rouges, quand les vins seront finis et embouteillés, 2011 nous réservera sûrement un ou deux bons coups à boire que nous iront tranquillement chercher chez le caviste du coin. Revenons à cette Bourgogne qui nous a occupés la semaine dernière avec notamment la présentation de l'exquis millésime 2010. Quel bonheur, après les excès de ces 2009 adulés par la critique, de retrouver des pinots vibrants, si bourguignons, et des chardonnays du même tonneau, de retrouver, tout bêtement, ce que nous venons chercher dans cette région.


Une des plus émouvantes dégustations de la semaine a eu lieu à Meursault, chez Jean-Marc Roulot. Sans chichis, comme d'habitude, mais quel beau tour de cave! 2010 est l'occasion de goûter des blancs comme les aime le héros de Rio Sex Comedy**, tranchants, purs. Dans les bouteilles "raisonnables", j'ai tout particulièrement apprécié le Meix-Chavaux, un modèle d'équilibre qu'il me tarde de revoir dans quelques années.
Après le millésime en cours, Jean-Marc Roulot s'en va chercher deux flacons, histoire de remonter un peu le temps. D'abord, un Tessons 2007. 2007, "millésime hétérogène" tranchent avec une pointe de dédain les Docteurs de la Loi; nous, nous sommes face à un meursault harmonieux et long, agréablement rafraîchi par de fines notes de cédrat, l'ensemble est assez irrésistible, on a envie d'en boire (tout en se disant qu'il serait bon de l'attendre encore un peu). Vient ensuite un Bouchères 2005; loin de moi l'idée que ce vin n'est pas bon, je pense même que pris séparément, nous le trouverions tous excellent. Mais voila, juste avant, il y avait ce Tessons 2007, vin de "millésime hétérogène", qui nous rend le 2005, vin "d'année pour journalistes", un rien massif, moins distingué. N'en tirons pas de conclusions hâtives, il en faut pour tous les goûts, n'empêche que le coup des leurres, ça m'épate!


* Le Mur du Çon, ça ne vous fait penser à rien?…
** Que ceux qui n'ont pas encore vu ce film de Jonathan Nossiter rattrapent au plus vite leur retard, le DVD est disponible.

Commentaires

  1. Si Parker décrète que 2011 n'a aucun intérêt, n'est-ce pas pour écouler les éventuels invendus des autres millésimes ? Et pourquoi se rendrait-il à Bordeaux pour goûter un millésime "sans intérêt" ? Peut-être pour revoir ses vieux potes et se taper la cloche dans les bons restaurants...

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    1. C'est vrai que quand j'ai lu ce tweet il y a une semaine, j'étais assez interloqué, j'ai même pensé à une blague…

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  2. Allez je ne résiste pas :-)

    Quelle leurre est-il ? Leurre d'été ou leurre d'hiver ?

    Je sors...

    François

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    1. Moi je suis plus Pointer Lucky Craft, ou spinner bait et toi? Surtout en début de saison...

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  3. Billet bien enlevé qui a "leurre" de me plaire!

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  4. Quand on cessera de penser que puisque l'on a raison, l'autre à tort...L'humanité aura fait un grand pas

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  5. Superbe l'huile Vincent, merci beaucoup.
    Roquette de jardin, pousse d'épinards...

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    1. De nada, Fred. Les œufs étaient excellents également!

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  6. Réponses
    1. http://www.dailymotion.com/video/x122q7_frank-zappa-you-are-what-you-is_music

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  7. Ça dit simplement que le 07 est plus souple et prêt à boire plus vite que le 05, plus dense. De là à jeter les journalistes avec l'eau du bain, convenons, mon cher Vincent, qu'il y a une petite marge. Crier sans cesse haro sur le journaliste est une dérive. Oui, oui, oui.

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    1. C'est ce qu'on pourrait croire, Nicolas, mais ce n'est pas exactement ça, l'unanimité (un autre grand vigneron participait) s'est faite d'ailleurs sur 2007, sur ce qu'il est et ce qu'il sera. Il est plus question de délicatesse, de finesse d'arômes. Concernant, notamment, les blancs de ce Domaine, l'expérience a été renouvelée plusieurs fois; Jean-Marc Roulot lui-même ne fait pas mystère des 3 millésimes qu'il aime le moins dans la décennie: 2009, 2003 et 2005. Et, il n'est pas le seul…

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    2. Mais encore une fois, tant mieux que Robert Parker Jr et d'autres attirent les spéculateurs sur les millésimes que nous aimons moins, ça crée des espaces!

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  8. avec Parker, c'est le leurre et l'argent du leurre...

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