Pourquoi les femmes goûtent-elles mieux que les hommes?


Quand on est un homme, parfois, ça agace un peu. Mais c'est ainsi, les femmes ont plus de goût, plus de nez en tout cas que nous. J'imagine que vous l'avez déjà constaté, en cuisine, ou en goûtant du vin. Moi, c'était la semaine dernière encore, sur une terrasse du Minervois, avec la compagne d'un vigneron, pas spécialiste de vin, et qui en deux secondes, l'air de rien, nous a déshabillé une bouteille.
En un mot comme en cent, au niveau de l'odorat, entre hommes et femmes, nous ne sommes pas égaux. Alors évidemment, longtemps nous avons mis ça sur le dos de phénomènes culturels, éducatifs, psychologiques*, de tout un tas d'explications qui relevaient davantage des conjectures ou des élucubrations que de démonstrations. Or, même si c'est passé relativement inaperçu, la preuve, la preuve scientifique de cette inégalité existe, depuis moins d'un an.


Les savants appellent ça un dimorphisme sexuel. Et ce dimorphisme, ce sont des chercheurs brésiliens qui l'ont mis en avant, à l'Université fédérale de Rio de Janeiro. C'est évidemment au niveau de l'odorat que ça se passe, lequel intervient aussi bien au niveau du nez qu'en bouche. Et pour comprendre pourquoi l’olfaction était plus performante chez les femmes que chez les hommes, l'équipe du professeur Roberto Lent a remonté la filière.
Il a d'abord une nouvelle fois vérifié, objectivé comme on dit, la supériorité olfactive féminine, avec une batterie de tests plus ou moins complexes.
Puis, les scientifiques se sont intéressés aux capteurs, aux récepteurs olfactifs des hommes et des femmes. Échec: le nombre de récepteurs olfactifs est approximativement le même pour les deux sexes.
C'est donc tout naturellement vers le cerveau que se sont dirigées les recherches, très précisément, sur cette porte d'entrée, ces décrypteurs des odeurs que sont les bulbes olfactifs; cette extension du cerveau réceptionne les signaux émis par les récepteurs. À l’aide d’un appareil permettant de déterminer le nombre de cellules dans une partie précise du cerveau, un isotropic fractionator, ils ont étudié post-mortem les bulbes olfactifs de 7 hommes et 11 femmes et calculé le nombre absolu de cellules. Remarque importante : cette expérience a été réalisée chez des individus ne travaillant pas dans un domaine impliquant une olfaction particulièrement développée.


A la grande surprise du professeur Lent, la différence est nettement significative entre les deux sexes: les bulbes olfactifs féminins comportent en moyenne 43% de cellules en plus que leurs homologues masculins. Or les chercheurs estiment que le nombre de neurones dans le bulbe olfactif détermine les capacités olfactives de l’individu. Cette étude permet donc d’établir une base anatomique à la différence de “nez” entre hommes et femmes, que les chercheurs extrapolent comme une adaptation ancestrale afin de trouver le meilleur partenaire. Les résultats complets sont à lire ici, en ligne, dans la très sérieuse revue à comité de lecture PLOS ONE.
Pour en revenir au sujet qui nous concerne, la dégustation œnologique, il est évident que même si elle fait principalement appelle à l'olfaction, sous ses différentes formes, elle nécessite également une part culturelle. Pour reconnaître, ou qualifier des vins, il faut disposer dans son cerveau d'une bibliothèque qui ne peut se créer qu'en goûtant beaucoup. Mais à culture égale, c'est clair, l'inégalité sexuelle est évidente, les femmes partent avec une meilleure boîte à outil que les hommes.



* en dégustation, j'avais même envisagé la possibilité que les femmes triomphaient grâce à une spontanéité préservée, du fois que pendant longtemps la responsabilité incombait au mâle, lequel, lui, n'avait pas droit à l'erreur, sa virilité étant en cause. Selon cette théorie (fumeuse?), elles disaient sans crainte, sans pression, ce qu'elle pensaient lire au fond du verre tandis que dans le même temps les hommes sur-calculaient leur réponse.
Cette attitude du dégustateur macho, heureusement disparue dans pas mal de pays, a encore de beaux jours devant elle dans des pays latins comme l'Espagne où c'est la quéquette qui tient le verre.

Commentaires

  1. La quéquette qui tient le verre ? C'est nouveau ça et c'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd ! ;-)

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    1. Ah, ça, on en a un paquet en Espagne, des dégustateurs machos ibéricos, adeptes d'ailleurs le plus souvent de la pipe à Pinocchio.

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  2. Pour relativiser les résultats de l'étude : https://youtu.be/OgM4um9Vvb8

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    1. Che(è)r(e) anonyme (signez svp),
      la conférence de cette neurobiologiste / militante féministe ne relativise rien du tout. Et notamment pas à ce qu'ont montrées toutes les études préalables au travail des chercheurs brésiliens, à savoir la supériorité olfactive féminine. En revanche, plusieurs publications ont relativisé les interventions jugées souvent plus politiques que scientifique de Catherine Vidal.
      On en parle ici, dans Le Nouvel Obs: http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1218933-sexe-et-cerveau-la-neurobiologiste-catherine-vidal-a-tort-et-il-faut-que-cela-se-sache.html

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    2. Cher Vincent,
      Je sors de mon anonymat involontaire lié à une erreur de manip’

      Merci d’avoir porté à ma connaissance cet article de l’Obs (et tout particulièrement à l’article de Nicolas Gauvrit auquel celui-ci se réfère : http://www.scilogs.fr/raisonetpsychologie/le-sexe-du-cerveau/). Dans cet article, les auteurs critiquent à juste titre la faiblesse méthodologique et le manque de légitimité de Catherine Vidal, entre autre en ce qui concerne sa position « absolutiste » en faveur de l’explication par les facteurs environnementaux des différences entre les sexes.

      Si tu lis bien leur propos, ils mettent également en garde contre la création de « Neuromythes » : ces a priori sexistes que l’on construit à partir d’une extrapolation fausse ou biaisée de recherches neuro-scientifiques… dont ton titre est un très bel exemple !

      Je te l’accorde, il est plus digeste et accrocheur d’écrire « les femme dégustent mieux que les hommes » que « une étude pourrait nous amener à penser que - si la relation entre la capacité à évaluer les qualités organoleptiques d’un vin était lié à la prédominance du nombre de neurones dans le bulbe olfactif - il y aurait une prévalence à la capacité de déguster chez certaines femmes » ;)

      Ce qui me chagrine dans ce « neuromythe », c’est qu’il va être largement relayé, et que l’on va se le coltiner pendant des années, à base de remarques sur « c’est normal, c’est génétique, c’est prouvé par la science ».

      Ceci étant dit, je suis d’accord avec ta conclusion (auquel je rajouterai le conditionnel que les chercheurs utilisent dans leur étude) : il semblerait que les femmes partent avec une meilleure boite à outil. Mais parler de « supériorité olfactive féminine » est un abus de langage, qu’il faut vraiment relativiser. Lire à ce sujet le chapitre « Variabilité inter- et intra-sexe » de l’article de N. Gauvrit, tout particulièrement sur la notion de « taille d’effet ».

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    3. Non, Arnaud, "supériorité olfactive féminine", c'est la constatation née des études préalables. Et d'une certaine façon, c'est un fait acquis. L'étude brésilienne a elle exploré les raisons anatomiques de cette supériorité olfactive féminine et offre sa réponse.
      Pour ce qui est des titres de trois lignes…

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    4. Mais après, on a le droit d'estimer que sa bonne foi et ses convictions surpassent les publications de revues scientifiques à comité de lecture…

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    5. http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0111733

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  3. L’innocence des gens qui n’ont pas de préjugés, cela vaut tout les es spécialistes …. c’est bon ou c’est pas bon, that’s all

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  4. Génial! J'ai aussi toujours cru que c'était culturel : les femmes dégustant un vin alors que les hommes dégustent trop souvent la fiche technique avant. Parfois aidés en cela par des vignerons qui vous racontent tout avant même d'avoir senti le vin.
    Merci pour ce billet!

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