Le verre qui rétrécit.


Quand ça ne va pas très fort, finalement, regarder les choses par le petit bout de la lorgnette, ça rassure. Tiens, regardez ce matin, l'euro qui continue de se casser la gueule, et ce  bordel à la bourse de Zurich. Un euro pour un franc suisse, on y est presque, on y sera peut-être le temps que je termine ce papier, les choses vont si vite dans l'univers numérique de l'agent virtuel.
Vous allez me dire que le franc suisse, puisque vous n'êtes pas savoyard, que vous n'avez pas de frontière à traverser quotidiennement, de maison à vendre, de station de ski à remplir , ça vous en touche une sans faire bouger l'autre. Les choses monétaires, ce grand domino puant, sont malheureusement beaucoup plus compliquées que ça et l'on ne sait pas trop dans quel sens tout cela partira.
En attendant, mon petit bout de la lorgnette à moi, c'est le vin. Pas le vin de Savoie qui du coup ne peut qu'en profiter, mais le vin suisse ce grand inconnu des œnophiles français avec lequel je vous rebats les oreilles de temps à autres. Remarquez, en France, sauf effet de mode momentané où les moutons pendant deux mois boivent tous les même truc, le vin d'ailleurs, on met un point d'honneur à n'y rien connaître, être ignare en la matière confine au snobisme.


N'empêche que je suis amoureux du vin suisse. Oh, bien sûr, pas de tous les vins suisses! Il n'y a que les couillons, les attachés de Presse ou les vendeurs d'aspirateurs qui sont capables de vous raconter qu'ils aiment tous les vins d'une région ou d'un pays; c'est leur métier. Mais, comme d'autres en bourse, je capitalise de magnifiques émotions avec ces vins qui parfois me parlent un langage qui me semble familier. Je vous en ai racontées deux-trois, avec des OVNIs de Cornulus, cette syrah de Maye (sûrement le meilleur vin que j'ai jamais bu en Priorat…), cette autre syrah de Fully et tant d'autres moins connus, des rouges principalement, qui montrent une précision viti-vinicole, une fierté positive du terroir dont nombre de régions française pourraient s'inspirer. Cette fierté, j'en reparlais récemment ici, quand il s'agissait d'imposer des préférences cantonales pour que chaque restaurant, chaque bistrot ait l'obligation de proposer à ses clients un coup de vin du coin. 
Les Suisses (ça n'existe pas, d'ailleurs, "les Suisses) ont leurs défauts, comme tous les peuples, comme tous les hommes, mais j'aime leur approche du vin. Peut-être parce que chez eux, la vigne demande encore plus d'attention, plus d'amour pour venir nous faire plaisir. Peut-être aussi parce que, culturellement, par éducation, ils préfèrent le travail aux certitudes, aux idées toutes faites.
N'empêche qu'avec cette histoire de franc qui monte ou d'euro qui dégringole, déjà que c'était compliqué de boire ces grands vins suisses, ça va devenir quasiment impossible. Sauf à être tennisman, pilote de formule 1, acteur franco-genevois…


Voilà donc un papier stupide, "complètement con" vont trancher les exégètes, ou en tout cas ceux dont la pauvre vie ne se résume qu'à mater avec aigreur celle des autres. Pourquoi pas? Mais, ça sert aussi à ça un blog, non? À parler à la première personne, à dire à chaud ce que l'on pense, à livrer des impressions. Il n'est pas nécessaire chaque jour de donner la pompeuse impression, tel un sous-préfet, que l'avenir de l'humanité est suspendu à ses mots.
Me reste quand même, au delà de la joie de vous avoir répété mon amour helvète, une sensation qui me rappelle ces mots de mon pote L'Amiral. "Le Monde des marins est de plus en plus étroit" m'expliquait-il. Entre les pirates, les terroristes, les guerres, on peut bien moins naviguer qu'il y a vingt ans…" Sensation que j'ai l'impression (en étant immensément privilégié) de vivre dans le monde du vin, de voir mon verre rétrécir. Pour ne voir les choses que par le petit bout de la lorgnette.
Parce que cette désagréable sensation que le Monde se rétrécit autour de nous, comment ne pas la ressentir? Surtout quand on est ressortissant d'un pays comme la France qui, depuis des années, vit dans le confort mou des calmants, est administré plutôt que gouverné, n'a pas toujours fait les bons choix. Cette sensation, il faut absolument se la chasser de l'esprit, sous peine de dépression. Penser à recréer. Et vite s'emparer des dernières munitions en provenance du Valais, de Vaud, du Tessin… Pour se souvenir. Et se dire qu'il y a des choses bien plus graves.



Commentaires

  1. Effectivement que ça risque de devenir difficile de boire suisse pour vous, mais pour les vignerons ce n'est pas si problématique (en tout cas pour les producteurs susceptibles de vous/nous intéresser), sachant que si la production suisse est inférieure à 1% de la production mondiale, son exportation est inférieure à 2%...
    Si vous êtes passionné de vins suisses, je vous exhorte à dépasser ces quelques domaines très connus qui représentent le haut du panier mais qui ne sont pas les seuls à remplir ce panier!
    Pourquoi Ovnis Cornulus??????
    NicoJ

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    1. Oui, concernant les volumes export, ils sont mentionnés dans l'autre chronique mise en lien, c'est peu.
      Pour ce qui est des domaines, comme je le précise, je ne cite que les plus connus. Cela étant, quand on a la chance de tomber sur une bouteille de ceux-là, il faudrait vraiment être couillon pour s'en priver!
      OVNIs, parce que je l'en ressenti comme ça. Cette force intérieure sur les belles cuvées…

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    2. Je comprends. Cependant, vu de l'intérieur, je trouve un peu dommage de ne citer toujours que les mêmes, qui sont dans le haut du panier mais qui ne sortent pas tant que ça du lot de ce haut de panier... si je suis clair???
      Pour les qualifier d'OVNIs dans les vins suisses, il faudrait avoir une vision globale... Et je pense plutôt que c'est le propre du vin suisse que de produire multitude d'OVNIs.
      Vous qui aimez apparemment les petits domaines à dénicher, avec des prix intéressants, ceux-là ne le sont pas forcément, surtout Cornulus...
      Il y a tant de petits vignerons, trop modestes et peu bavards (à la suisse on dira), moins bons en communication, qui méritent d'être découverts plutôt que les quelques-uns potes...
      Je souhaite une approche plus rebelle et moins consensuelle des vins suisses...
      NicoJ

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    3. Souhaitez, mon cher, souhaitez…

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  2. Excellent Anonymous, vous avez raison. Il en existe des pépites, mais chut, sinon il y en aura plus pour nous.

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