Les murs ont des yeux.
C'est un des ces lieux alternatifs à la berlinoise que l'on trouve dans le quartier de Poblenou*, à Barcelone. À portée de fusil des hôtels de luxe comme le Me et des cages à lapin à touristes. On est dans la mouvance d'un collectif d'artistes qui s'appelle La Fundició. Les habitants du lieu tiennent un petit bistrot et, quand ça leur chante, un marché alternatif. Leurs tags, souvent très créatifs, rythment la vie du quartier et en font un musée à ciel ouvert, sûrement un des plus intéressants de Barcelone qui n'est pas très riche en la matière. J'y avais puisé il y a cinq ans un Más Amor triomphant, aujourd'hui recouvert par un immeuble et devenu une étiquette de vin.
Vous vous souvenez de cette affiche de la seconde Guerre mondiale? "The walls have ears", "les murs ont des oreilles"? J'y repensais tout à l'heure en passant, à vingt mètres de La Fundició, devant cette palissade de chantier fraîchement peinte, signée Jupiterfab.
Là, à l'angle de Pallars et Ciutat de Granada, sous la cheminée de brique d'une ancienne usine miraculeusement conservée, les murs ont désormais des yeux. Une image, une fresque saisissante devant laquelle il est difficile de ne pas s'arrêter et garer son vélo.
Là, à l'angle de Pallars et Ciutat de Granada, sous la cheminée de brique d'une ancienne usine miraculeusement conservée, les murs ont désormais des yeux. Une image, une fresque saisissante devant laquelle il est difficile de ne pas s'arrêter et garer son vélo.
Jupiterfab, en fait, c'est un artiste italien, Fabrizio Bianchini qui œuvre entre Barcelone, Toronto et Rotterdam. Il est train de créer une série d'œuvres dans Poblenou; l'idée est de montrer les anciens habitants de ce quartier en pleine gentrification, où les ateliers deviennent des lofts ou des galeries.
Au delà de ce projet baptisé NOW P9, le travail de Fabrizio Bianchini interroge ce qu'il y a derrière les visages, les regards que nous croisons dans la rue. Derrière le masque, la recherche de l'humain. Suivez ce lien où il parle davantage de lui, de sa peinture et de son message.
Au delà de ce projet baptisé NOW P9, le travail de Fabrizio Bianchini interroge ce qu'il y a derrière les visages, les regards que nous croisons dans la rue. Derrière le masque, la recherche de l'humain. Suivez ce lien où il parle davantage de lui, de sa peinture et de son message.
Au delà du message de Fabrizio Bianchini, et peut-être même à l'inverse de son message, comment ne pas penser à l'actualité? Dans cette guerre qui ne dit pas son nom, à ces murs qui auront immanquablement de plus en plus d'yeux et d'oreilles. Alors qu'on nous parle d'un Patriot Act à la sauce française ou européenne. Que des yeux numériques, des caméras continueront de se greffer sur les murs de nos villes. Que nos téléphones seront parfois écoutés, nos messages privés, lus, voire interdit comme le suggère le premier ministre anglais qui veut prohiber des systèmes de messagerie instantanée comme iMessage ou Whatsapp.
Comment ne pas repenser, dans sa ville natale, aux coups de mentons sarkoziens de Manel Valls? Le "premier ministre de l'Intérieur français", l'ami du white, un des nombreux
adeptes de la liberté d'expression à géométrie variable, celle ne s'applique qu'à ceux qui sont d'accord avec nous (cf. son médiocre amalgame sur Houellebecq).
En d'autres termes, et les yeux de ce mur de Poblenou nous interrogent aussi là-dessus, va-t-on, ou faudra-t-il limiter notre liberté pour la protéger?
* Je vous avais notamment parlé de Poblenou, le "Manchester" du Barcelone triomphant de la fin du XIXe siècle, quartier où vivaient aussi beaucoup de pêcheurs locaux, qui se réunissait dans ce lieu, Els Pescadors, devenu un des meilleurs restaurants de poisson de la ville.
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