La volupté du péché.
Le pied de porc sauce ivrogne, est-ce bien chrétien un jour d'Épiphanie?
Vous savez, ce pied qui a fini de confire dans le vin rouge (un peu oublié, vaguement piqué, c'est meilleur), laqué au vin rouge pour parler world-cuisine. Enfin, celui qu'on mangeait aux abattoirs. Quelques échalotes du jardin, du poivre du Kerala, préparez le pain, le pinard et les doigts!
Porc, ivrogne, chrétien, Épiphanie, jardin, pinard… méfions-nous des mots, la France tiédasse veille, la France de trois arrondissements de Paris avec son armée clientéliste de fonctionnaires vétilleux. Interdisons les mots, censurons, surveillons. Ça n'a rien à voir, mais vous l'avez vue cette belle loi, ce beau cadeau de Noël (autre mot interdit) fait aux internautes, le flicage du Web? Les instits, quand on leur donne le pouvoir, je me demande s'ils ne sont pas pires que les curés. Ils apprennent vite en tout cas.
Putain que c'est bon, le pied de cochon! Bon comme un cul. Bien décaper les osselets, se lécher les doigts. Et se resservir du vin. Boire. Des belles gorgées, du cabernet-franc des varesnes, de ces terres roturières, limoneuses, siliceuses, que la Vienne, au bas de Cravant-Les-Coteaux, vient lécher. Le jus est plus dense, moins aérien que sur les parcelles nobles, il remplit la bouche et se mâche comme la gélatine du pied. Plus ou moins bien conservée, la bouteille a chemisé, ce qui ajoute à son charme, la patine. Va savoir pourquoi, je repense presque avec nostalgie à Mitterrand qui lui savait lire et soutenait les écrivains de son bord, même quand ils étaient un peu moins de Droite, bien moins cyniques que lui.
La Patrie est en danger? Je ne sais pas si des hordes sauvages, si les Huns, les Barbares ou les Mauresques sont aux frontières. Je ne sais pas si "l'Occident se suicide" comme l'affirme Houellebecq (dont le discours est bien plus mesuré qu'on veut bien le dire). Il me semble surtout que la connerie ordinaire, la médiocrité bigote, le gâtisme institutionnel triomphent. Et menacent. Sournoisement. Épaulés par la haine couarde des grincheux, des frustrés, des téléspectateurs. Cours, camarade, les vieux camarades sont derrière toi!
Je pense aussi, c'est plus futile mais tellement révélateur, à ces hordes de Français, toujours plus nombreux, que je vois débarquer à Barcelone et qui viennent ici dépenser tranquillement leur argent, sans se soucier du regard des envieux, des concupiscents.
Épiphanie ou pas, le pied de cochon doit sûrement être un un péché. Mais un péché voluptueux. "Frais" aussi, comme on dit aujourd'hui. Comme les libertins alanguis des toiles et des dessins de Boucher. Léger et gourmand. Naturel. Sans conséquence.
Je me suis endormi dessus. Une gentille sieste. Jusqu'à ce cauchemar, un réveil en sueur. On m'avait fait prendre de bonnes résolutions, fait mettre de l'eau dans mon vin. Retour au politiquement, au culinairement correct. Nous étions à table, dans un restaurant looké Ikea, j'avais commandé un pied de cochon et voilà qu'on m'apportait une assiette carrée, design, constellée de fleurs de chez Métro. De la becquetance de gastronome en carton, de coiffeur-visagiste. De la bouffe de la Collection Harlequin, toute en pétales de rose. Comme une descente aux enfers.
Beurk ! (la dernière photo, pas le tableau... ;-)) !
RépondreSupprimerOui, c'est une image piquée sur Internet, un cuistot du Languedoc qui fait le clown à la Piste aux Étoiles plutôt que de laisser parler son terroir.
SupprimerTrès beau texte, Vincent. Je partage ton goût pour l'instruction ... mais rarement par le biais des enseignants. Note qu'on en rencontre quand même de bien (si, si, je te le jure). Pour me dédouaner, ma grand-mère mat. était instit. (méthode analytique, elle m'a appris à lire,j'avais 5 ans), mon grand-père mat. directeur d'école primaire, et mon grand-père pat. prof de latin et de grec. Donc, j'ai le droit de critiquer ! Avouons que les instit. sont souvent plus malins que les curetons. Et parfois, ils sont les deux en même temps: la compagnie de Jésus. J'les aime bien, moi, les Jésuites. Après les moines de Saint-Bernardin, ce sont mes préférés.
SupprimerOui, Monsieur Vincent, très beau texte, bien confit et tout de dévotion à notre ami le cochon et son compère des vignes.
RépondreSupprimerAlors, bravo et merci pour cet alléluia d'un pied de cochon, belle épiphanie goûteuse et son pendant vinique en parousie éclatante, baroque à souhait et digne de la compagnie d'un p'tit jésuite pâtissier et pas trop sulpicien pour glisser sur le coeur fendu, délicieux berlingot*...
Bien à vous, Monsieur Vincent
*Pour mémoire : https://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=mW1JxFb_7aM