La bulle discount.
Demain, c'est l'Épiphanie. Une fête qui en Espagne, monarchie catholique, et dans une bonne partie du monde hispanique, a conservé tout son importance. C'est demain, aux Reyes, que les gamins, encore en vacances, recevront leurs cadeaux "de Noël", demain aussi que dans les villes, de Barcelone à Séville en passant par Madrid, la cavalcade des Rois Mages sera accueillie par des foules immenses.
Du coup, alors qu'une bonne partie de l'Europe a repris le travail, ici le temps marche à pied, on profite du soleil printanier, les familles sont réunies, les restaurants bondés. Et l'ambiance évidemment, dans un pays qui souffre encore mais qui a redémarré, est à la fête. Toutes les occasions sont bonnes pour déboucher une bouteille de bulles, locale ou importée. Mousseux, champagne, peu importe, tout fait ventre, pourvu que ça pétille.
La bulle réellement est partout, on trinque à la maison, au bistrot mais aussi à la télé, qu'on soit présentateur endimanché, ministre cravaté* ou bien sûr le Roi. Hier midi encore, à l'entrée d'une poissonnerie-restaurant populaire, la serveuse nous accueillait, une flûte d'un cava somme toute buvable à la main: "¡felices fiestas!" Et ce matin en lisant les nouvelles, j'ai compris comment, dans un pays où le salaire minimum atteint péniblement les 752 euros, tous ou presque arrivaient à faire sauter autant de bouchons pour les fêtes.
Ce n'est pas exactement un article qui me l'a appris, juste un publicité dans la colonne de droite d'El País. Comme il se doit, on y proposait du vin effervescent: un excellent champagne de Leclapart (pas un des meilleurs rapports qualité/prix du marché), un mousseux catalan classique et, en tête de gondole, une bulle valencienne en bouteille "de luxe" à 3,92€ TTC. Oui, vous avez bien lu, 3,92€, il ne manque aucun chiffre! Ne m'en demandez pas plus sur ce moscatel dont le vendeur nous dit qu'il "est légèrement doux", parfait pour les toasts du dessert mais qu'il se mariera très bien avec les pâtés et les foies gras. C'est une grosse coopérative qui produit ça, Cheste Agraria.
3,92€, ça ne fait quand même pas lourd, ne serait-ce qu'en tenant compte des matières sèches qui ne sont pas basiques pour ce Reymos. Intrigué, j'ai donc un peu fouillé le site d'Uvinum où m'avait conduit la pub d'El País afin de voir s'il y avait d'autres "bonnes affaires" du genre. Et effectivement, il y en avait! Pour un peu, mon Reymos à 3,92€ passerait pour un Dom Pérignon de la bulle discount. Parce que de la bulle en bouteille de soixante-quinze centilitres, on en trouve à moins de deux euros sur le même site. Et dans certaines grandes surfaces, on fait encore plus fort en flirtant avec les 1,50€! En brut, en rosé, en demi-sec, souvent à base d'airén, ce cépage (un des plus plantés au Monde) qui passe allègrement du coñac au champán…
Car l'industrie du mousseux tourne à plein régime en Espagne. En Catalogne, bien sûr, où elle demeure un business lucratif malgré ses pubs "à l'ancienne", mais désormais une bonne partie du pays.
Car l'industrie du mousseux tourne à plein régime en Espagne. En Catalogne, bien sûr, où elle demeure un business lucratif malgré ses pubs "à l'ancienne", mais désormais une bonne partie du pays.
Ai-je envie d'arroser ma galette des Rois** avec une des ces merveilles de la technologie et du commerce? Pas vraiment, même si je pense que malheureusement certaines ne seront pas pires qu'un champagne industriel bas-de-gamme. Il n'empêche que c'est une réalité du marché du vin, et en l'occurrence du vin effervescent. À côté de notre coûteux champagne, la bulle discount existe et se vend. Plutôt bien d'ailleurs au Royaume d'Espagne.
** Faut-il se mortifier un peu plus, nous, Français, en rappelant la consternante histoire de François Hollande refusant de boire du champagne à Reims, avec Angela Merkel, parce que le champagne, "ça fait riche"?
* À propos de galette des Rois, comment ne pas vous inviter à vous régaler de ce grand et bel exemple de journalisme-godillot, offert le week-end dernier par Le Figaro Madame, un comparatif des galettes des Rois parisiennes. Comme le veut la logique des "mangeurs de photos", il n'y est évidemment que de l'aspect de ces gâteaux souvent hors de prix. D'où
viennent les amandes. D'où vient le beurre? La farine? Les œufs? De
tout cela, il n'en est évidemment pas question. On préfère parler de la
forme (un must ci-dessous, la tôle ondulée), de l'aspect, de la fève bling-bling que l'on trouvera à
l'intérieur. Du Paris Hilton version pâtissière…
Comment cela s'appelle-t-il: "vendre en-dessous du prix de revient"? Je croyais que c'était prohibé en Europe.
RépondreSupprimerEt en prime, la bouteille à 3,92 a le look d'un flacon de Krug à 392 ! ;-) Bonnes fiesta !
RépondreSupprimersur le sujet un article d'un blogueur du vin Italien :
RépondreSupprimerhttp://www.lemillebolleblog.it/2014/12/19/franciacorta-sugli-scaffali-a-689-euro-il-duro-lavoro-di-cinquantanni-gettato-alle-ortiche/