Le train électrique.


Bien sûr, comme tous les gamins, j'adorais les locomotives. À vapeur (le Papa Noël m'avait porté la fameuse Pacific 231C), mais surtout les électriques, les BB avec leur caténaires en métal pliable et les motrices diesel. Et surtout celles qui tractaient des trains de marchandises en fait. C'était chouette les trains de marchandises! Ces wagons tous différents, le frigorifique marqué STEF, étincelant, argenté, les citernes rebondies, les inscriptions, les couleurs, il y avait même des foudres sur roulettes, Mitjavile, pour transporter le jaja comme disait mon père. J'imagine la tronche des prohibitionnistes, en France, si on laissait les gosses d'aujourd'hui jouer avec cet engin du Diable!


Les engins de voie, aussi, ça avait de la gueule! Avec leurs grues. Et les aiguillages télécommandés pleins de branchements et les fils de deux couleurs qu'on faisait passer sous la planche en panneau de particules qui sentait si fort la colle à bois.
Mais, ce qui me fascinait par dessus tout, c'étaient les décors de ces trains électriques. En France, ils restaient assez basiques. Jouef ou les trucs du genre, mis à part une ou deux gares et une école qui ressemblait à la mienne, avaient du mal à nous faire voyager. En revanche, dès qu'on passait la frontière, qu'on allait en Suisse (ou à un degré moindre à Strasbourg), il y avait Faller. On trouvait ça dans des magasins de jouets à étage, très grands, avec des vendeurs en blouse grise et des stylo-billes dorés dans la poche.


Faller, une marque incroyable! Il étaient capables de recréer "la vraie vie" au 1/87e, échelle HO comme on disait dans l'univers du modèle réduit (à ne pas confondre avec le 1/72e des avions de chasse!). Tout était possible chez eux, même des maisons en construction, les cabanes de chantier, les ruines, les fermes avec des cochons, les serres, des usines, un moulin, une scierie, des campings… Et puis aussi tout le matériel, en véritable plastique, pour imiter la nature, beaucoup de mousse, du flocage vert, de la fausse terre bien marron. 
Évidemment, avec Faller, "la vraie vie" avait un petit côté boche, ce qui vue l'origine de la marque n'était guère étonnant. Une Allemagne assez sixties, avec des station-services qui sentent la prospérité retrouvée et des ouvrages d'art fraîchement reconstruits. 
 

Beaucoup d'entre vous vont se foutre de moi. C'est vrai, c'était un peu kitsch, bien propret. N'empêche, Faller, c'était vraiment le must. Je me souviens des emballages, avec ce bandeau latéral jaune et rouge, un nom que l'on oublie pas, qui reste gravé. Et que d'heures passées à monter les maquettes! Quel travail de patience, il fallait être drôlement minutieux. Tant pis si aujourd'hui on trouve ça un peu ringard, j'avais huit ou neuf ans, on est toujours un peu couillonnet à cet âge-là.
Je vais vous faire une confidence, un peu plus tard, adolescent, quand pour la première fois j'ai aperçu une bouteille de riesling de la célèbre famille alsacienne éponyme, je me suis d'abord demandé s'ils avaient un lien avec les maquettes de train…


Pourquoi je vous parle de modélisme ferroviaire? Oh, juste à cause d'une phrase lue hier alors que l'on remettait à Lyon les prix du Bocuse d'Or. Quoi? Oui, je sais, le Bocuse d'Or, ça a à voir avec la RATP, en tout cas avec Métro, pas avec la SNCF. Non, mais la phrase faisait écho à un truc que j'avais écrit ici, où j'évoquais une certaine façon de décorer les assiettes. Hier soir, c'était Sophie Brissaud, journaliste et auteur, qui disait: "les plats du Bocuse d'Or, c'est toujours des petits machins froids hyperchiadés espacés sur une assiette ? Moi, je vois ça, je pense pas à quelque chose qui se mange, je cherche où faire passer le train électrique."


Bon, c'est vrai, l'avantage des maquettes Faller, c'est qu'on se contentait de regarder, on n'avait pas à les manger. Pardon? C'est pareil avec cette tambouille-là? C'est pas bon, bricolé avec des produits de merde, juste fait pour regarder? Ah, tant mieux, bonne nouvelle! Ça m'emmerderait de bouffer un train électrique. Surtout les caténaires en métal pliable des BB.





Commentaires

  1. Vrai que tout ce décorum dans l'assiette fait en sorte de me couper l'appétit. En revanche, une bonne bouteille de Riesling Schlossberg 2002 de ces dames Faller, là je ne dis pas non !

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  2. Oui ça coupe l'appétit, un peu comme devant le miroir dans la salle de bains après avoir mangé... En fait, moi, ça me rappelle aussi mon adolescence et plus précisément quand des morceaux étaient coincés dans mon appareil orthodontique.
    Echelle 1/72e ou 1/87e, sûrement.

    Tom B.

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