Vin et pesticides: la suite.


Un droit de suite aujourd'hui, la suite de la tentative (réussie) de buzz du magazine Que Choisir sur la "contamination" des vins par les "pesticides", bel exercice de montage de mayonnaise que j'évoquais dans mon billet d'hier. Avec deux réactions dans deux médias qui ne se sont pas contenté de recopier soigneusement le dossier de Presse que leur avait envoyé la dame en tailleur rose-fuschia.
La première de ces réactions, c'est celle de Pascal Chatonnet. Ce n'est pas rien, c'est son laboratoire, Excell, qui a réalisé les analyses pour Que Choisir (il s'offre au passage un joli coup de pub). Le scientifique s'exprime dans les colonnes du quotidien Sud-Ouest et, très clairement, avec une diplomatie très bordelaise, il reconnait que le mensuel "expert, indépendant, militant" a survendu (comme on dit en jargon journalistique) l'info. "Son titre est accrocheur [‘‘La peste soit des pesticides’’], explique Pascal Chatonnet, mais l’information principale est que les résidus trouvés dans les 92 vins analysés ne représentent pas de danger pour la santé du consommateur. Il s’agit de quantités infinitésimales. Aucune inquiétude en termes de toxicité » L'intégralité de l'entretien est à lire ici, dans Sud-Ouest. Il y est notamment question des progrès, comme je le soulignais hier, de la nécessaire poursuite des efforts afin de rendre la viticulture encore plus transparente.


Seconde réaction, celle d'un œnologue de terrain qui sait aussi prendre du recul sur les choses. Ça se passe dans le magazine en ligne Vitisphère, le narbonnais Marc Dubernet y explique tout simplement que "la présentation de ces résultats n’a pas de sens. Les tableaux présentent les teneurs en résidus totales de chaque vin. C’est une aberration scientifique, ajoute le docteur en Chimie et en œnologie. Chaque molécule a une LMR spécifique qui tient compte de sa dangerosité sur la santé humaine. Il y a des molécules qui, même à forte dose sont sans danger alors que d’autres peuvent être nocives à très faible teneur La somme des teneurs de molécules ayant différentes LMR ne rime à rien. Ce qui est important, c’est de connaître les doses de chaque molécule détectée en comparaison avec leurs LMR respectives." Un entretien à lire ici, dans Vitisphère. Marc Dubernet évoque également les progrès réalisés depuis trente ans et les directions pour l'avenir.


Commentaires

  1. Tout cela ressemble à une bataille d'expert avec chacune des parties défendant sa propre chapelle. Certes la presse adore le sensationnalisme et je comprends le besoin de le relever lorsque les ficelles sont trop grosses, mais attention à ne pas tomber dans l'angélisme et la dénégation du problème, qui il me semble est bien là, car c'est le vin et le client, complètement paumé au milieu de ces accusations, qui en pâtissent.

    Cette remarque ne vous est pas directement adressée, c'est simplement le sentiment que j'ai en lisant les réactions des gens du vin à ce sujet.

    Loïc (un client qui aime le vin)

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    1. Je n'ai pas l'impression qu'il y ait de dénégation d'un côté comme de l'autre. Il me semble même lire dans ces deux déclarations (pas du tout contradictoires) un écho de ce que j'écrivais à la fin de mon billet d'hier. Oui, il y a du travail pour faire encore mieux.
      Ce qui est sûr, c'est que la victime du buzz hygiéniste de Que Choisir, c'est le vin.

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  2. Ouf ! Je respire... Grâce à toi, Vincent, je vais pouvoir vider ma bouteille de Corbières ! ;-)

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  3. Vincent. Tu as raison au moins sur un point, il nous faudrait être plus précis, nous autres journalistes, prendre du recul par rapport à ce genre d'analyses, qui en ce qui me concerne, me dépassent. Par contre, on peut effectivement s'étonner qu'aucun niveau maximum de pesticides n'ait été retenu pour le vin, aucune obligation d'étiquetage non plus. Je ne pense pas que le consommateur de vin prenne un risque à cause des pesticides, mais le vigneron, si, et il y a des exemples récents - dont on devrait parler beaucoup plus; lors si le dossier de Que Choisir fait, avancer ce débat, m^me en s'appuyant sur des données contestables, je me dis que c'est mieux que l'immobilisme.

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    1. Je commence par la fin, Hervé: peut-on parler d'immobilisme? Non, je ne crois pas même si la "filière viticole" comme disent les énarques aurait pu se mobiliser davantage sur les questions environnementales. Ne serait-ce, par cynisme (comme je l'ai écrit dans le billet précédent) que pour des raisons "marketing" et de communication. L'immobilisme, c'est aussi quand ça ne bouge pas, or, comme le souligne Marc Dubernet, les choses ont énormément évolué ces dernières années. Pas suffisamment, certes, mais elles ont évolué.
      Pour le reste, que dit cette enquête? Que tous les échantillons testés, au regard des connaissances actuelles, ne présentent pas de toxicité*; même les plus chargés (et il y en a!) sont bien moins dangereux qu'un kilo de tomates de supermarché. Par parenthèse, pour être chauvin, j'aurais été curieux qu'on introduise dans "l'étude" quelques vins étrangers issus de pays d'Europe ou pas où l'on est moins regardant sur les molécules (ça nous expliquerait peut-être mieux l'origine de certains trucs trouvés dans des vibs de table de l'échantillonnage).
      Non, je ne crois pas que Que Choisir fasse avancer le débat, ils font du sensationnalisme à bon compte, en surfant sur la vague. Il se font un coup de pub (le labo Excell aussi d'ailleurs). En passant, ils se permettent des amalgames honteux, expliquant au passage que tous les échantillons sont "contaminés", bio ou pas, insultant par exemple un type comme Olivier Jullien en Languedoc.
      Au final, ce qui restera dans la mémoire du grand public, ce ne sont pas les données chiffrées mais une nouvel fois le "danger" du vin. Et en cela c'est un nouveau mauvais coup contre le vin:
      "Pesticides en bouteilles" Que Choisir
      "Pesticides: 100% des vins français en contiennent!" BFMTV
      "Alerte aux pesticides dans le vin... même bio" France Info
      "Des pesticides dans tous les vins... même bio" TF1
      "Vins : des traces de pesticides dans toutes les bouteilles" RTL
      "Du vin et... des pesticides dans nos bouteilles" France3
      "Les vins ont trop de pesticides" La Santé publique
      "Des taux élevés de pesticides dans les vins de la région" Midi libre.

      * le pire, c'est que le magazine le reconnait dès le début de l'article après l'avoir "survendu" en Une, dans l'édito et dans sa campagne de com' de rentrée.

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  4. D'un autre côté, quand tu vois ce qu'on déguste parfois, ils feraient mieux d'en utiliser...

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