Poches de sang, pots de vin.


Las bolsas de sangre, les 211 fameuses poches de sang de l'Affaire Puerto, ces pièces à conviction que la Justice espagnole n'a pas voulu remettre aux instances internationales, à l'issue du procès du Docteur Dopage… Pas de doute qu'elles ont coûté cher, très cher à la candidature de Madrid aux JO 2020, les questions posées par le jury aux maîtres d'œuvre du dossier ont été claires. Mais, dans leur logique, les Espagnols avaient-ils d'autre choix que de les détruire? Pouvaient-ils laisser révéler ainsi les noms des 211 tricheurs, cyclistes, tennismen, athlètes, footballeurs, clients d'Eufemiano Fuentes? 
Sans raccourci aucun, pas même celui de l'eucharistie, ce sang m'amène au vin. Et je repense immanquablement à la propension qu'on a trop souvent dans le Mondovino*, outre-Pyrénées, à faire de "petits arrangements avec la réalité". Certes, les Espagnols ne sont pas les seuls à tricher. "Balaie devant ta porte, Franchute!" Il n'empêche…
Me vient bien sûr à l'esprit l'affaire du Jumillagate. Pas tant le système Pay for Jay, le système de "péage" mis en place par l'ex-Master of Wine Pancho Campo avec certaines entreprises et Denominaciones de Origen du pays**, que la réaction qui a suivi localement: la plupart des professionnels ne s'indignaient pas de l'existence de ce système scabreux mais du fait qu'on l'ait révélé! Je repense aussi à ces bodegas hâtivement repeintes en vert, juste le temps de signer les papiers, à ces boutiquiers, ces sommeliers, devenus, d'un coup de baguette magique, plus nature que nature, soudain frappés d'amnésie, oublieux de leurs pipes à Pinocchio. Et à cette image, en Priorat, au cœur d'une magnifique vallée de Poboleda, lors d'une visite dans un domaine "bio". Nous étions avec un groupe d'importateurs Anglais, le viticulteur, la main sur le cœur, des trémolos dans la voix, leur racontait son amour, sa passion pour l'écologie. C'était beau. Émouvant. Le type, un vraqueur*** connu, pour leur prouver son respect pour la Terre, leur montrait ses parcelles. Enfin, pas toutes. Celles pour la photo. Pas la grande, par exemple, qui était juste derrière nous (et qui lui appartenait), désherbée à mort, façon napalm Vietnam 70's
"En Espagne, on annonce le double et on ne fait que la moitié" m'avait dit il y a quelques mois un vigneron andalou un peu désabusé par ce genre de façons de faire. Viendra un jour (l'échec de Madrid et la victoire des "Jeux atomiques" aidera peut-être à réveiller les consciences) où il faudra, plutôt que de croire aux miracles, au bingo ou aux super-héros américains, se poser la question de la durabilité de ces façons de faire. Ou de ne pas faire.



* On pourrait aussi parler d'agro-alimentaire, de gastronomie, de corruption, de comptes publics…
** Un système impliquant le Wine Advocate révélé par Jacques Berthomeau et moi-même, puis par le travail opiniâtre de Jim Budd. Des révélations qui ont abouti (même si les intéressé ont nié tout lien de cause à effets…) aux évictions de Jay Miller et Pancho Campo.
*** En Priorat, la course au vrac est un des sports les plus pratiqués. On trouve en réalité, derrière des noms de Domaines connus, du vin de négoce (parfois bon), acheté à ce genre de viticulteurs et trimballé en citerne. J'avais même pensé un jour à baptiser une cuvée Camions del Priorat

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