La Via Catalana ou l'héroïsme subventionné.


À Washington, Moscou, Pékin, Londres, Berlin, Paris, les responsables politiques ne parlent que de ça. C'est la Une des journaux, à peine bousculée par la sortie de l'iPhone low cost. Inquiet, le Monde n'a d'yeux que pour le drame qui se joue: que va-t-il se passer en Syrie? La bombe à retardement va-t-elle exploser au Proche-Orient?
Il existe heureusement un îlot de tranquillité, en dehors du Temps, qui permet d'échapper à l'angoisse planétaire face au problème du moment, la Catalogne. Cette région du Nord-Est de l'Espagne se fiche comme de son premier drapeau de la misère du monde et des guerres à venir; depuis quinze jours, on n'y parle que d'une chose, fondamentale, essentielle, prioritaire, la fête "nationale". Ici, ça s'appelle la Diada, et, faute d'Histoire glorieuse, de faits d'armes retentissants, on y célèbre la défaite, lors d'un avatar post-mortem de la Guerre de Succession espagnole des insurgés catalans assiégé à Barcelone. C'était le 11 septembre 1714, les dirigeants catalans s'était "trompés" de camp, préférant les Hasbourg aux Bourbons.
Traditionnellement, la Diada est l'occasion de manifestations régionalistes, plus ou moins folkloriques, patoisantes, célébrant un Âge d'or, un paradis, une "nation" déchus (dont on peine à retrouver la trace dans livres d'histoire sérieux). Avec la crise terrible qui frappe l'Espagne (la Catalogne est la région la plus endettée du Royaume), cette fête devient l'occasion de démonstrations de force nationalistes, indépendantistes, où l'on a de cesse de dénoncer "le pillage de la région" par le reste de l'Espagne.
Avec un cynisme rare, les politiciens locaux sautent sur l'occasion pour chauffer les estrades, incanter et jouer aux chefs d'états comme les gamins au docteur ou à la marchande. Ça distrait le bon peuple, et c'est autant de temps où l'on évite de parler des vrais problèmes, le chômage, la dette et la corruption. Le scénario est bien rôdé, il ne date pas d'hier, Montalbán a déjà raconté tout ça en détail*.



Cette année, le temps fort de cette Diada, c'est la Via Catalana, une chaîne humaine organisée par un mouvement indépendantistes subventionné, l'ANC. Un projet qui consiste à relier le Delta de l'Èbre à la frontière franco-espagnole du Perthus**. On prévoit une participation massive, plus sieurs centaines de milliers de personnes, la manifestation devrait être un succès; on le sait, en période de crise, l'égoïsme et le nationalisme constituent des valeurs sûres. Et, un peu partout, sur les médias régionaux (largement subventionnés eux aussi par le parti national-populiste au pouvoir), on explique, sans se démonter, sur la lancée des organisateurs, qu'il s'agit d'un remake de la Voie balte du 23 aout 1989.
La Voie balte, pour ceux qui ont oublié, c'est une immense chaîne humaine de 560 kilomètres de long qui avait relié Vilnius à Tallinn, en passant par Riga pour demander l'indépendance des pays baltes. Ce sont les images qui illustrent ce billet. Entre un million et demi et deux millions de personnes (sur une population de sept millions d'habitants ce qui est comparable à la Catalogne) ont participé à cette manifestation qui avait provoqué la colère de Moscou. La date n'avait pas été choisie au hasard, elle commémorait le cinquantième anniversaire du pacte germano-soviétique, entre communistes et nazis.
Il va sans dire que cette Voie balte fut un acte d'héroïsme collectif d'une ampleur rare. Bien qu'adoucie par Gorbatchev, la dictature communiste déliquescente était encore là, avec son KGB, son goulag et ses chars. Et là, franchement, il faut quand même être gonflé pour oser comparer ce moment de courage collectif avec la Via Catalana! Une Via catalana organisée dans une démocratie européenne, avec la bénédiction (et les subventions) des autorités locales, sous la protection de la police (2565 fonctionnaires mobilisés, soit un tiers des forces catalanes)! Pardonnez-moi, mais c'est sous Franco qu'il aurait fallu la faire cette chaîne humaine pour que la comparaison soit possible!
Enfin, que voulez-vous, c'est l'Espagne, un pays dans lequel on entretient toujours un rapport particulier à l'Histoire. Entre amnésie, romans de cape et d'épée et bourrage de crâne. C'est la Catalogne avec son ethnocentrisme exacerbé, son nombrilisme maladif… 


Le démagogue en chef des national-populistes catalans, Artur Mas a d'ailleurs franchi juste avant la Diada, pour exciter les foules, un nouveau pas vers le ridicule absolu. Pour lui, le mouvement pour  l'indépendance est comparable à la marche pour l'égalité des droits de Martin Luther King. Rien que ça! Comme il s'intéresse désormais à l'égalité et au respect des différence, je lui suggère de vite se débarrasser de son mentor, Jordi Pujol, le héros vivant du catalanisme contemporain. Pujol (dont un autre des amis, Duran i Lleida, veut "soigner" les homosexuels) est l'auteur d'un texte remarquable qui décrit bien le fond de la pensée nationaliste qui, en Catalogne comme partout, pue de la gueule. Dans ce texte, publié pour la première fois en 1958 et réédité avec l'accord de l'auteur en 1976, il décrit "l'homme andalou", figure absolu de l'étranger, de l'autre, du non-catalan.
"El hombre andaluz no es un hecho coherente, es un hombre anárquico. Es un hombre destruido (...) es, generalmente, un hombre poco hecho, es un hombre que hace cientos de años pasa hambre y que vive en un estado de ignorancia y de miseria cultural, mental y espiritual. Es un hombre desarraigado, incapaz de tener un sentido un poco amplio de la comunidad. (...) constituye la muestra de menos valor social y espiritual de España. (...) es un hombre destruido y anárquico. Si por la fuerza numérica llegase a dominar, sin antes haber superado su propia perplejidad, destruiría Cataluña. Introduciría en ella su mentalidad anárquica y paupérrima, es decir, su falta de mentalidad. "
Martin Luther King aurait sûrement adoré. Espérons en tout cas que les Catalans entendent son message de tolérance et de respect de l'autre. Et que leurs rêves ressemblent moins à des cauchemars…



* Lisez à cet égard son essais Barcelones.
** La grande Catalogne dont on nous rebat les oreilles ici quand il s'agit de faire ventre, de faire foule n'est évidemment pas concernée, la manifestation s'arrête bien évidemment aux limites de la région administrative espagnole.
Ça me rappelle d'ailleurs une anecdote qui nous ramène au vin, je m'étais étonné en constatant que dans la sélection de vins catalans d'un sommelier barcelonais, nationaliste extrémiste, ne figurait aucun vin du Roussillon, des Baléares ou de Valencia, des pays catalans comme ils disent. Lui trouvait ça normal…


Commentaires

  1. Peut-être pas complètement faux sur certains points, je crois que le tour d'horizon pourrait être un peu plus vaste si l'on souhaite comprendre ce que représente la diada et un possible référendum pour ces gens. Il est vrai que résumer en une page, aussi bien écrite soit elle, la complexité du peuple catalan (qui ne sont pas tous Artur Mas, Duran i Lleida ou Jordi Pujol), de leurs sentiments pour leur terre et de leur relation avec l'Espagne et les espagnols, n'est pas chose facile.

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    1. Le propos n'est évidemment pas de résumer les aspirations de la population de cette région en une page, il est juste de relativiser, au regard de l'époque et de certaines réalités concrètes.

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    2. Excuse-moi Monsieur?

      Est-ce que vous avez des problemes avec la catalogne et les catalans?

      Une liste de presonages pour vous comprendre un peux meilleur la Catalogne et les catalans.
      (Une conseil: vous pouvez oubrir une bon boitelle de vin, a peut etre, de l'empordà..)

      Abat Oliva
      Arnau de Vilanova
      Ramon Sibiuda
      Pau Claris
      Els Miquelets
      Mossèn Cinto Verdaguer
      Joan Maragall
      FRANCESC PUJOLS

      Ça c'est une petite degustation..

      bon apetit!

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