La fin de la petite graine?
Selon la formule consacrée, j'apprends par la Presse que la Cour de Justice de l’Union Européenne saisie par le grainetier nancéen Baumaux, appuyé par l'Espagne*, la France et la CE, vient de signifier à Kokopelli l'illégalité de son activité. Enfin, “j'apprends par la Presse”, c'est ce que j'aurais aimé écrire si les journaux, entre les achats de pétro-footballeurs et les passionnantes interrogations sur la robe de Cécile Duflot, avaient eu le temps de nous en dire quelques mots. Malheureusement non (si j'exclus un post sur Mediapart). C'est sur le Web que je l'ai appris. Mais, comme le disait un des mes vieux patrons adorés, “l'actu, ce sont des choix”…
Pour ceux qui n'ont pas suivi les épisodes précédents, notamment quand j'évoquais les empoisonneurs de tout poil (industriels et alliés moléculaires) qui détruisent le patrimoine de nos potagers et de nos vergers, Kokopelli est une association, un peu soixante-huitarde mais très efficace, qui vend par correspondance toutes les semences des fruits et légumes de variétés anciennes qui nous permettent de préserver nos primeurs de la “modernisation”. La Cour de Justice lui intime donc l'ordre d'arrêter de vendre ses graines. Elle l'accuse notamment de favoriser "la mise en terre de semences potentiellement nuisibles ou ne permettant pas une production agricole optimale."
Cette décision est inique. Pourquoi ? Je m'en tiendrai aux conclusions de l'Avocat général de la Cour telles que les rapportait l'avocat de Kokopelli en janvier dernier : “ le magistrat conclut à l’invalidité de l’interdiction de commercialiser des semences d’une variété non inscrite au catalogue officiel, et ce aux motifs que cette interdiction, portée par la législation européenne aussi bien que par la réglementation française, viole le principe de proportionnalité, la liberté d’entreprise, la libre circulation des marchandises, ainsi que le principe de non discrimination. […]
De plus, l’avocat général n’a pas manqué d’affirmer, au contraire de ce qui était avancé par nos nombreux adversaires, que, d’une part, les règles relatives à l’admission des semences au Catalogue Officiel n’ont «aucun rapport avec la santé des plantes», d’autre part, que «il appartient aux agriculteurs de décider des variétés qu’ils cultivent», enfin que cette législation limite excessivement le choix des consommateurs, qui n’ont «ni accès aux denrées alimentaires ou autres produits issus de variétés qui ne satisfont pas aux critères d’admission, ni la possibilité de cultiver eux-mêmes ces variétés, par exemple dans leur propre jardin». De même, l’avocat général rappelle à juste titre que «le fait que les agriculteurs soient cantonnés à des variétés admises réduit enfin la diversité génétique dans les champs européens». Il en conclut logiquement que «les inconvénients de l’interdiction de commercialiser des semences de variétés non admises l’emportent manifestement sur ses avantages.»” Fin de citation.
Force est de constater que la Cour n'a pas suivi les conclusions de son Avocat général. C'est encore ce genre de décisions désastreuses prises par des gens dont on dira au Café du Commerce qu'ils ne sont que “des crânes d'œufs qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez”. Je suis profondément navré de voir que l'Europe, par le biais de sa Cour de Justice a apporté sa pierre à l'éternel édifice de la Connerie, donnant par là même, une fois de plus, du grain à moudre à tous les nationalistes, à tous les populistes, à toute cette vermine qui se nourrit, s'empiffre, se délecte des détresses grandissantes.
Dans ce dossier, on a tout dit, les pires mensonges, les plus basses attaques, associant même l'image des bab's créatifs et travailleurs de Kokopelli à celle de Monsanto. Pourquoi pas ? Plus c'est gros, plus ça passe. On a bien sûr aussi expliqué qu'on faisait ça pour notre bien à tous, pour nous protéger, etc, etc… Alors qu'il ne s'agissait pas de trancher philosophiquement entre l'un et l'autre, juste de préserver le droit à la différence. Les écologistes quant à eux étaient occupés à faire de la politique et à comptabiliser leurs futurs élus…
Alors, comment faire? Comment résister? En faisant une nouvelle pétition, riront certains. C'est un des moyens de faire pression, cette pétition**, je serai le premier à la signer, en y croyant. Il faudra de toutes les façons faire comprendre à nos hommes politiques qu'il est temps, là comme ailleurs, de faire de la politique. Quand c'est possible, et là, c'est possible. Sans cacher son inaction ou ses propres actions ceux derrière l'Europe et ses fonctionnaires.
Et puis, nous pourrons un par un résister, faire à notre tour du lobbying, un lobbying "citoyen". En refusant, comme le font beaucoup d'entre nous depuis des années, le légume d'usine, celui qu'on achète comme un bœuf, en poussant un caddie. En utilisant aussi l'arme fatale du boycott, il faudra bien y venir. Chacun fait ce qu'il veut, mais je sais ce que je ferai si je vois une poche de graines marquée Baumaux dans un magasin.
Et enfin, tout simplement, en achetant au plus vite une bêche, une pioche et des graines chez Kokopelli***, en les plantant, en récoltant les fruits et les légumes auxquels elles donneront naissance et, c'est l'essentiel, en préservant une partie de la récolte pour créer sa future semence, celle de l'année d'après; il ne faut en aucun cas laisser perdre cette richesse, ce trésor que les Anciens nous ont transmise, ne pas laisser se briser la chaîne! À chaque fois que je pense à ça, je pense aux tarbais hors-norme de cette vieille jardinière de Marssac-sur-Tarn, échappés à notre gourmandise et sélectionnés minutieusement chaque année sur une nappe en toile cirée pour nous donner encore plus de bonheur par la suite.
Car, c'est bien évidemment là que veulent en venir tous les “gentils” qui se soucient de notre santé, de la qualité alimentaire, du principe de précaution et de tout le saint-frusquin: éradiquer ces vrais légumes, ces vrais fruits qui leur font de l'ombre. Pas en termes de quantité (Kokopelli, combien de divisions?) mais de qualité. Pour eux, les “gentils”, il importe de supprimer l'élément de comparaison. Quand aura disparu la dernière Cornue des Andes, quand sera éteint l'ultime Coco de Bonnac, ils seront bien tranquilles, les générations futures n'auront rien, comme référentiel, dans leur bibliothèque du goût et des parfums, pour comprendre que ces “gentils” leur font avaler de la merde, leur merde alors devenue monopolistique.
* il est intéressant de voir comment l'État espagnol dont j'évoquais la collusion avec les multinationales de la malbouffe vient se greffer, lui et lui seul, sur ce dossier. Cela soulève des questions…
** ajout de dernière minute, cette pétition existe, je l'ai signée, c'est ici.
*** il faut aussi suivre les efforts des "concurrents" de Kokopelli, d'autres entités qui, avant que la Justice ne leur interdisent tentent de faire survivre la vraie graine.
*** il faut aussi suivre les efforts des "concurrents" de Kokopelli, d'autres entités qui, avant que la Justice ne leur interdisent tentent de faire survivre la vraie graine.
Ce n'est hélas pas de la connerie, c'est une démarche consciente, délibérée de mise en coupe réglée de tout ce qui existe au monde pour permettre à des multinationales parasitaires de faire du fric, au sens le plus vulgaire du terme, pour des personnes qui en sont déjà gavées mais qui en veulent toujours plus. leur vision du monde exclue toute liberté, contrairement à ce que le terme "libéral" voudrait faire croire. la seule voie pour eux, c'est une voie payante. La taille et la gabelle ! Et tant pis si cela remet en cause les écosystème, détruit la biodiversité, ruine des paysans, ou fait mourir de faim des millions de personnes... Ces types sont des nuisibles, des tiques, des vermines. Et contrairement à ceux de la nature, eux n'ont aucune fonction positive...
RépondreSupprimerVincent, en parlant de propriété intellectuelle (cf billet précédent) tu en penses quoi en ce qui concerne les semences qui sont toutes déposées et propriété de grandes multinationales type Monsanto?
RépondreSupprimerJ'en pense que cette question pourrait s'apparenter à un sophisme.
SupprimerTiens en parlant de Sophisme, j ai un truc en cours ...
SupprimerJe n'en doute pas, mais là, c'est un peu court.
SupprimerHé ho !
SupprimerNous parlions de semences et de sophisme hein !
je n'ai rajouté qu'un "S" ... , mais quand même pas un "M" à monsanto.
Comme dirait Jacouille : Mais que Queeny... que Queeny :p
Allé Hips ! un coup de roundup pour tout le monde ;)
Quelle belle idée du débat contradictoire!!
RépondreSupprimerPareil, je l'ai aussi appris par internet. Quelle honte. Mais je croyais que l'interdiction ne concernait que la vente aux professionnels et pas aux particuliers (ça reste nul pour autant). Si kokopelli ne peut plus vendre, alors cela s'applique à tout les types de clients? je vais me renseigner...
RépondreSupprimerSinon, j'ai fait une recherche et j'ai trouvé pas mal de kokopelli sur internet. Une solution? si la commercialisation de ces précieuses semences est interdite alors les semenciers peuvent toujours donner les graines. Comment? ils se transforment en association et les personnes qui veulent avoir les graines n'ont qu'à payer une cotisation annuelle par exemple. ça permet de contourner la problématique de la commercialisation. J'ai entendu dire qu'il y a pleins d'associations en Espagne qui font pareil, mais pour "distribuer" du cannabis. Et d'après ce que je sais, ces associations sont très riches... et gérées par des mafias ukrainiennes ou albanaises... Alors ce qui est toléré d'un coté, devrait être toléré de l'autre, non? Quelle honte quand même ce serait d'en arriver à traiter les graines "hors catalogue officiel" de la même manière que la drogue.
En conclusion: les "Baumaux" c'est l'ennemi, et Bruxelles c'est LE diable.