Le vin qui guérit de la banlieue.


Je ne sais pas exactement si je suis un vrai paysan, ou un vrai citadin, toujours-est-il qu'entre la rase campagne et le centre-ville, je ne respire plus. La banlieue ou ce qui lui ressemble m'asphyxie, l'inhumanité de ces périphéries hasardeuses qui tissent leur gangue hétéroclite et impersonnelle m'étouffe. Immédiatement, je songe à Buffet froid. Et encore sans la troublante voix de Geneviève Page.
Mais le manque fait faire n'importe quoi. Je sais que dans une de ces zones hostiles un dealer peut me fournir de quoi calmer mon angoisse. Diagonal 609-615, m'a-t-on chuchoté à l'oreille, là où, pied au plancher, la longue avenue barcelonaise file se noyer dans l'interlope et le béton frais.


Ambiance pots d'échappements pressés et rabais voyants. Juché sur mon vélo qui sent bien l'hostilité des autochtones à son égard, je mesure l'incongruité de la situation en passant devant la vitrine Benetton. Benetton, les pulls pseudo-italiens, pas le troisième-ligne-aile du SUA et du XV de France! Jadis, dans une autre vie qui ressemblait singulièrement au début de celle-ci, la vraie, il m'était arrivé de venir chercher ma came dans ce coin perdu. Avant que la fringue ne l'emporte, c'étaient des dealeuses qui officiaient ici, Marie-Louise et Isabelle. On appelait ça Lavinia, et leurs "united colors" oscillaient entre rouge, blanc et rosé.


Car ma came, vous le savez, c'est le vin. Des stupéfiants, j'en ai essayé pas mal d'autres, la plupart sûrement, mais c'est celle qui me convient le mieux. Et me rend le moins con. Il faut vraiment que je l'aime pour venir chercher ma dose dans cette zone du bout du Monde colonisée par la mafia de la fringue d'importation et des téléphones portables.


Exit Lavinia, donc. Là, ma cible, c'est Plaisirs du vin, les cavistes agenais, comme Benetton (pas celui des pulls pseudo-italiens et du rugby de Trevise…) qui ont installé une succursale à Barcelone. Pourquoi Raynal & Bertossi, les tauliers, ont-ils choisi ce lieu improbable, à côté du Corte Inglés, au sous-sol du centre commercial Pedralbes? Posez-leur la question, moi je n'en sais rien, pour l'instant, mon problème, c'est de trouver une putain de borne pour poser mon Bicing*.


Évidemment, entre escalators, chinoiseries et parfumeries aux envahissants effluves, je me paume dans le dédale surchauffé. Commence à m'agacer. Perds patience.
Mais l'appel du rouge est le plus fort. Je sais qu'ils ont du Vin est une fête de mon copain Élian Da Ros. Et je n'en ai pas bu depuis plusieurs mois. Je tremble. Il faudra un jour que je vous raconte la (belle) histoire de ce jus dont Ernest aurait sûrement bu un ou deux magnums au retour d'une partie de pêche pyrénéenne. C'est un des pinards les plus joyeux que je connaisse. De la drogue, on vous dit!


Et là, juste à côté d'une salle de gym dans laquelle les types descendent en ascenseur pour aller se regarder courir sur des tapis roulants, sur qui je tombe? Élian. Plein fer! Enfin, Élian en photo, sa gueule de rock star en vitrine.
À l'intérieur, il n'y a pas trop de vins du Sud-Ouest, ce qui peut se comprendre au pays des buveurs de pipes-à-Pinocchio, le Sud-Ouest, ce n'est pas assez vulgaire pour eux. Mais heureusement, du Vin est une fête, en bouteille et en magnum. La dame est gentille avec moi malgré mon côté renfrogné, comme si elle avait compris mon état de manque et mon parcours du combattant. Elle doit compatir. Je reviendrai, pour cet îlot de gentillesse en milieu hostile, et pour Élian dont le vin me guérit de tout. Y compris de ma phobie de la banlieue. Enfin presque.



* Le Bicing, ou comment s'emparer d'une idée géniale, le Vélib' et en faire une grosse merde.
** Pour Élian et aussi pour Plageoles ou encore ce beau muscadet de Jérémy Huchet, Clos Les Montys, que Michel Smith m'avait fait goûter il y a quelques années au Salon des Vins de Loire, du melon chic, très bourguignon.



Commentaires

  1. Bon hein, puisqu'il faut bien être chauvin, l'idée c'est le vélov, bien 2/3 ans avant le vélib. Originaire du patelin des trois fleuves.

    :)

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    1. Soyons honnêtes, avant le beau succès du Vélib', le précédent, historique et exemplaire, c'est le Vélo jaune de Michel Crépeau à La Rochelle.

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