Le nouveau Sidi-Brahim ?
Et de nouveau, il est question de mariage! Ça doit être à cause de mon environnement immédiat; à l'approche du printemps, voilà qu'on y cause beaucoup de noces et d'épousailles, Pronuptia Vs La non-demande de Brassens. Quand on n'a que l'amour…
Pas de bague ni de contrat, rassurez-vous, juste une bouteille et un plat. Dans la droite ligne de cette chronique hautement matrimoniale que je vous avais proposée, célébrant les liens indissociables d'un rouge-vert du Swartland et d'un poulet aux cèpes. Aujourd'hui au contraire, il est question de vins non pas en sous mais en sur-maturité, les jus brûlés de soleil, cramoisis qui se baladent dans les camion-citernes du Priorat.
L'appellation en question, on ne la présente plus, c'était la grande mode de la fin des années quatre-vingt-dix, début deux-mille, celle qui faisait la joie des chasseurs de tendance. Depuis, le soufflé est un peu retombé. Il est vrai que ces vins qui peuvent impressionner en dégustation ne sont pas toujours d'agréables convives: que faire à table de leur quatorze-quinze-seize-dix-sept degrés d'alcool, de cette lourdeur parfois un peu sucrailleuse généreusement agrémentée, dans la plupart des cas, d'une épaisse couche de confiture de bois? À la limite, ce qui les sauve, surtout avec les novices du goulot, c'est cette violente acidité volatile assez caractéristique de beaucoup de vins de schistes et qui leur donne un semblant d'équilibre. À la la limite…
Pourtant là encore, la solution réside dans le mariage. Un accord quasi-parfait que j'ai découvert avec un peu de hasard et une pointe de logique. Sur les vins trop riches* de ce pays pauvre, il faut partir dans les extrêmes. Il faut oser, se souvenir du Priorat médiéval aussi arabe que les ruelles de la casbah de Porrera, bien avant d'ailleurs que les moines catholiques n'y installent le prieuré (priorato en espagnol, priorat en catalan) qui donna son nom à ce petit canton des hauteurs de Tarragone.
Car le plat de référence sur ces vins plus que capiteux dont Montalbán craignait la brutalité, c'est le couscous. Un beau couscous de poule et de mouton, riche en légumes, copieusement rehaussé de ras-el-hanout et de cardamome, noyé in-extremis sous la coriandre fraîche, vivifié d'une râpée de gingembre, épaulé d'une paletilla de cordero d'Aragon rôtie au miel.
L'harissa ne lui fait pas peur, au contraire, comme s'il avait le souvenir du maure, le priorat s'attendrit, perd de son agressivité, se civilise. Je ne vais pas aller jusqu'à dire qu'il se boit comme de l'eau, mais l'idée est là: il redevient une boisson. Une sorte de Sidi-Brahim des temps modernes, en plus chic, quoi.
* On évitera bien sûr les cuvées en chêne massif, dont la buvabilité est inversement proportionnelle à leur prix, elles ne s'accordent qu'avec la daube, mais dans la marmite, en sauce. Je me suis régalé du drôle de Bellesa Perfecta 2008 de mon beauf', quasi introuvable, mais je vous conseille le Planetes Àmfora d'Ester Nin ou le Font de La Figuera d'Anne Cannan.
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