Caresser la Méditerranée mais explorer d'autres îles.
Les vins des îles n'ont-ils pas un caractère particulier? Pas si loin d'ailleurs de celui que l'on prête aux insulaires. Un côté taiseux, sobre, relativement hermétique à l'exubérance. Un rapport à l'immensité, à notre petitesse. Une leçon d'humilité parfois.
Ce vin des Baléares que nous avons dans le verre, je vous en ai déjà parlé (ici). Méditerranéen, certes, mais sans ce côté tapageur, clinquant que l'on va trouver sur le continent aux mêmes latitudes. Château Paquita, ce nom en forme de pied-de-nez, si proche de la bonne gueule d'Eloi Cedo, le vigneron avec lequel nous avons encore bu quelques canons l'autre jour à Barcelone. Château Paquita, c'est Majorque, Mallorca. On peut s'en régaler avec un riz noir mais il me semble que l'accord idéal, c'est avec cette jolie petite "expo de voyage" sur Maillol en Grèce, actuellement au musée Frederic Marès de Barcelone. Allez caresser les rondeurs de sa Méditerranée, et buvez un verre de ce rouge, de ce 2014 fraîchement sorti, à la fois sensuel et flegmatique.
Il y a aussi cette phrase de Sylvain Tesson, "je me suis installé sur île. À présent, j'attends qu'elle s'en aille." Tesson, je pense à la Sibérie, à un des albums des aventures de ce Tintin suisse du vin, Jacques Perrin. Et la phrase m'invite, sur les traces du découvreur helvète (il a arrêté de vendre des morgons nature dix ans avant que les branchés et les fonctionnaires ne commencent à en boire…), à explorer d'autres îles. À quitter Majorque et la Méditerranée, passer Gibraltar, voguer au large de l'Afrique, vers cette terre en forme de Sicile, Tenerife.
Du vin, ici? Sous les tropiques? À trois cents kilomètres au sud de Madère, et de ses crus, merveilleux, mais habilement fortifiés? Eh oui, dans la vallée de La Orotava, sur la côte nord de l'île. Un blanc en plus, un blanc étonnant, en fermentation spontanée, rehaussé d'une aimable pointe oxydative, remarquablement équilibré. Du listán et une espèce de mélange de cépages locaux, cultivés en long cordon tressé et suspendu, à l'aplomb de sols forcément volcaniques.
Le vin s'appelle Trenzado (tressé) et est produit par la bodega Suertes del Marqués à laquelle on doit aussi un aimable rouge, 7 Fuentes à base de listán noir. Trenzado, c'est un bateau, sur l'océan. Un voyage.
Beau travail Vincent Pousson, "full South ahead"! Et je me souviens dans l'instant de ce joli volume dans L'Imaginaire de Gallimard que je relie toujours à Jacques de Loustal.
RépondreSupprimer«Il existe je ne sais quel composé de ciel, de terre et d'eau, variable avec chacun, qui fait notre climat. En approchant de lui, le pas devient moins lourd, le cœur s'épanouit. Il semble que la Nature silencieuse se mette tout d'un coup à chanter. Nous reconnaissons les choses. On parle du coup de foudre des amants, il est des paysages qui donnent des battements de cœur, des angoisses délicieuses, de longues voluptés. Il est des amitiés avec les pierres des quais, le clapotis de l'eau, la tiédeur des labours, les nuages du couchant.
Pour moi, ces paysages furent ceux de la Méditerranée.» - Inspirations méditerranéennes - Jean Grenier
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