La peau, la chair du vin.


Velouté, râpeux, anguleux, soyeux, piquant, suave, vif, caressant… Le vin, nous le sentons, nous le goûtons, mais aussi nous le touchons. Que serait la dégustation, ou le simple fait de boire, sans ces sublimes sensations tactiles qui nous donnent toute la dimension d'un cru?
"Au total, explique Émile Peynaud, nous disposons de quelques centaines de milliers de cellules sensibles qui se renouvellent totalement en l'espace de quelques jours. La langue joue le rôle essentiel dans la perception des goûts. Chez l'adulte, le palais, les joues et les lèvres n'ont que de rares papilles et servent surtout à la perception thermique ou tactile".

Toucher le vin, fouiller sa texture, dépasser la facilité des arômes, du goût. En faire un péché de chair. Peu enclins à la sensualité, les scientifiques décrivent cet instant comme de la "chimio-perception de contact", par opposition à l'olfaction, qui est elle une "chimio-perception à distance". Partir au contact du vin, le pénétrer de fait. À coups de langue.
Car comme l'explique Émile Peynaud*, les mouvements de langue eux-même ne sont pas innocents: "une grande partie de la surface de cet organe est insensible. Si l’on dépose, avec précaution, une goutte d’un liquide doué de saveur, on ne ressent rien, jusqu’au moment où, grâce aux mouvements de la langue et à la diffusion dans la salive (essentielle la salive!), la substance sapide arrive au contact de la partie de la langue pourvue de papilles". Toucher, fouiller, on y revient.


Il y a autant de peaux et de chairs qu'il y a de vins. Sur certaines, repérables aisément, trop maquillées, trop apprêtées, on glisse vite. Œnologie peut rimer avec cosmétologie, avec par exemple ce botox pinardier qu'est la gomme arabique. À l'inverse, d'autres interpellent, on les touche comme on les goûte. Je pense à ce mot d'une invitée, d'une novice, hier soir, découvrant la liqueur d'un pedro-ximénez andalou**: "on dirait de l'huile" s'est-elle exclamé. Ce n'est évidemment pas de goût mais de texture qu'il s'agit. De toucher. La peau, la chair du vin.




* In Le Goût du Vin, (avec Jacques Blouin), DUNOD, Paris, 1980.
** Il s'agissait d'un P-X très accessible, et au demeurant délicieux, initiatique, idéal pour une première caresse, celui des Bodegas Barón (évoquées ici à propos de la belle manzanilla "pasada en rama" qu'avait également bien aimé mon camarade naturiste Olif), El Chicharito dont l'étiquette planante appelle le buvard ou le pétard. Pour une version plus hard du toucher de ce cépage, foncez chez Equipo Navazos, avec le n°19, un cream dévastateur qui nappe, repeint votre verre comme un goudron ambré aux senteurs de moka, d'écorces d'orange, d'abricot sec et de curry.



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