Mrs. Peel et les radasses…


C'est drôle, je sors de regarder un épisode de Chapeau melon et bottes de cuir (The Avengers) où l'élégant John Steed et la sublime Emma Peel ne perdent jamais une occasion, à la paix comme à la guerre, de faire sauter un bouchon de vieux champagne. Quel chic! Aussi indémodable qu'une Bentley 4,5 litres British Racing Green. Aussi glamour que le sourire mutin de Diana Rigg.
Et, faisant le compte des innombrables messages qui ont suivi mon billet d'hier sur la remise à Londres des "Hots d'Or de la malbouffe", je tombe sur cette image navrante postée sur Facebook par un sommelier (qui n'y trouve rien à redire). Il s'agit, rassemblés autour du petit chimiste de Rosas, des cuistots espagnols distingués au cours de la grand' messe de la gastronomie industrialo-chimique: Joan Roca (2e), Andoni Luis Aduriz (3e), Juan Mari Arzak (8e) et Quique Dacosta (40e). C'est évidemment avec des bulles qu'ils fêtent la belle performance de leur pays au classement San Pellegrino/Lavazza des mangeurs de jelly. Mais quelles bulles? Du champagne? Non, ça fait trop Français. Du mousseux espagnol, alors, du cava? Non plus (c'est vrai que là, je les comprends un peu…). Gagnons du temps, ce n'est pas non plus un prosecco superiore, un effervescent de Marlborough, une délicieuse Joséphine de Limoux, un gaillac nature, ni même un San Pe, non, rien de tout cela.


Pour fêter cette grande victoire de la gastronomie espagnole et du bon goût, c'est sûrement Ferran Adrià qui a sorti ces deux bouteilles de derrière les fagots*, SA création, son bébé, la cuvée Inedit, une bibine avec arômes ajoutés, concoctée dit-on avec les sommeliers de feu-El Bulli et fabriquée dans les usines Estrella Damm, près de l'aéroport d'El Prat dans la banlieue de Barcelone. Le genre de pisse d'âne qu'on ne songerait pas vraiment à partager avec Mrs. Peel dans la Bentley de John Steed mais plutôt avec des radasses décolorées au maquillage épais…
Ils font ce qu'ils veulent me direz-vous et vous aurez raison. Mais après ça, la prochaine fois que je verrai de grands penseurs, des intellectuels pinardiers et des mastermachins du goulot se torturer les méninges pour savoir pourquoi on ne boit plus de vin en Espagne** et comment tenter de relancer la consommation, je ne pourrai pas m'empêcher de sourire. Pour le moins…



* posées bien en évidence sur la table pour la photo…
** cinq fois moins qu'en France ou en Italie.

Commentaires

  1. T'as bien raison, mon gars ! Un cava, un vrai (si, il y en a !) eut été bienvenu !

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