Vinisud & la règle des 3 unités.

Vinisud approche. Ça, il faut vraiment ne pas travailler dans le vin pour l'ignorer, d'autant que depuis le début de l'année, avec cette avalanche de salons divers et variés, les vignerons veulent tous en même temps boucler les dossiers en retard, refaire leurs étiquettes, faire des photos, etc… Bon, c'est la vie, et ce n'est pas le sujet. Vinisud, donc, deuxième salon français en terme d'affluence (derrière Vinexpo), 35000 visiteurs, rendez-vous in-con-tour-na-ble pour les pros avant la grand' messe allemande de Dusseldorf, Prowein, et ses 40000 visiteurs à forte valeur ajoutée.

Depuis quelques semaines, c'est une avalanche d'invitations, dont beaucoup qu'on a envie d'honorer; c'est normal: pour ce qui est des vins du Sud (et pas seulement du "Sud de France"*) Vinisud est un must. Là où le bât blesse, c'est que d'année en année, beaucoup de ces invitations nous éloignent elles aussi du sujet. Je m'explique: pourquoi organise-t-on un salon? Pour ratio naliser, regrouper les rencontres. D'une certaine façon, pour appliquer à une activité quelle qu'elle soit cette fameuse règle des 3 unités qui fit le succès du théâtre classique et que Boileau résume ainsi dans L'art poétique: "Qu'en un lieu, qu'en un jour, un seul fait accompli tienne jusqu'à la fin le théâtre rempli."  Ces 3 unités, je les rappelle de façon plus didactique pour ceux qui dormaient durant les cours de français:

1. Unité de temps, la pièce devait se dérouler dans un laps de temps réaliste, on va dire que pour un salon, deux ou trois jours, c'est parfait.
2. Unité d'action, tous les évènements doivent avoir une cohérence entre eux, être liés, pour que l'on se disperse pas et que l'attention des spectateurs demeure intacte.
3. Unité de lieu, enfin, là encore pour qu'on se s'éparpille pas.

Sur ces trois points, me direz-vous, une manifestation comme Vinisud est parfaitement régie par la règle des 3U. À l'origine, oui. Mais vous le savez bien, ça fait des années que nous sommes quelques uns à le penser et même à le dire, avec les "off" qui se sont multipliés comme des petits pains, l'unité de lieu a pris du plomb dans l'aile! Car, grosso modo, si vous les faites tous, ces "off", vous passez plus de temps au volant qu'à goûter du vin et finalement vous consommez plus d'essence que de jus de la treille (à part le Secrétaire perpétuel de l'ABV qui je m'en souviens faisait Vinexpo à vélo il y a quelques années). Qui plus est, conduire quand on goûte du vin, même en le recrachant, je ne sais pas si c'est toujours très à la mode…

Qu'on s'entende bien, le but de ce billet n'est en aucun cas de conspuer celles et ceux qui généralement avec cœur et talent organisent ces contre-boums. Mais qu'on nous comprenne aussi, à la fin, ce n'est pas très pratique et l'on contrevient à l'idée même du salon et de la fameuse règle des 3 unités. Bref, il ne faudrait pas que les "off" tuent le "in".

En même temps, puisqu'on en parle, moi, j'ai tendance à les comprendre toutes celles et tous ceux qui ne se sentent pas à l'aise dans les "in" avec leurs banderoles ringardes, leurs moquettes qui puent la combine et leurs slogans à deux balles. Rien de tel qu'un bonne déco syndicale pour transformer, d'un coup de baguette magique, le plus authentique des vignerons en vendeurs de voitures ou d'aspirateurs! Il est évident qu'avec un peu plus de liberté d'expression, un esprit moins "caserne", moins "kolkhoze" nombreux sont ceux qui y réfléchiraient à deux fois avant de faire bande à part. Je vais d'ailleurs vous raconter une anecdote qui remonte à quelques années. J'avais organisé, dans Vinisud, un rassemblement de stands pour les domaines et les coopés du cru La Livinière, un lieu un peu rock n' roll et évidemment, aidés par la foule et l'ambiance, on avait fait un peu de bruit. Eh bien, figurez-vous qu'un de nos voisins de salon, un brave homme, viticulteur de Saint-Georges d'Orques que nous avions empêché de dormir derrière son comptoir désert durant ces trois jours, était allé porter plainte pour tapage au commissariat de Vinisud!

Donc, encore une fois, je comprends qu'on ait envie d'aller voir ailleurs. Surtout (j'allais l'oublier), que ces "off", lieux de débauche bachique, ne sont pas le genre d'endroits  "radicaux" où l'on risque de croiser ce cul-serré de Manuel, notre célèbre sommelier catalan, binoclard, nationaliste, footballeur et à grosses godasses! Mais bon, je m'arrête là, et je n'embraye pas sur le sujet connexe qui me picote les doigts, sur le fait que trop de salons de vin (grand public) tuent le vin (et les petits cavistes qui le vendent). Ça, ce sera un autre jour où j'aurai décidé de me faire encore de nouveaux amis.

PS: deux-trois liens vers des "off" sélectionnés de Vinisud 2012

Hors-Piste, un mélange à base écolo (mais pas seulement) avec Iris von Lisson, L'Oustal blanc, la Casenove, Pithon, Ryan et ses O'Vineyards, les beaujolais nature-bio des Côtes de La Molière…

Le vin de mes Amis, la jet-set alternative avec Charvin, Olivier Rivière ("l'Espagnol" qui a inauguré ce blog), Gilles Azam, Mas del Périé, Thomas Pico, les Senat, Antoine Arena…

chez Art de Vin, l'anti-snob avec Ivo le pirate de Cadaqués, El cuñado Christophe Brunet, son vin, son amor et sa fantaisie et une tonne d'autres vignerons de classe parfois méconnus.
Le Chameau ivre à Béziers le dimanche, la mise en bouche de luxe avec Laurent Vaillé, Alain Graillot, Castelmaure, Montcalmès, Ganevat, Arretxea, Hours, Drappier, Dauvissat, Clape, etc…

* excusez-moi, mais, même si j'en comprends l'objectif,  je trouve cette expression faussement maladroite, "Sud de France",  d'une laideur brutale.