La Catalogne qui tranche.


C'est d'abord l'histoire d'une petite ville préservée, Solsona, à six sept cents mètres d'altitude, au pied des Pyrénées. Je ne sais pas si vous connaissez le versant sud des Pyrénées, dans ce coin-là, la Nature est superbe, les paysages parfois à couper le souffle, mais les villes ont souvent été défigurées. Je me souviens ainsi d'une visite à Gironella, plus a l'est, que nous avions élue la ville la plus laide d'Espagne.
Solsona, donc, n'a pas connu cette malchance. À une heure et demie de Barcelone, sur la vieille route de l'Andorre qui a vu passer tant de valises de billets, la vieille cité est largement préservée, agglutinée derrière ses remparts, sur une butte, collée à sa cathédrale dont l'architecture agréablement hétéroclite sent très fort le sud.


Si je vous parle de Solsona aujourd'hui, ce n'est pas pour repomper la documentation du syndicat d'initiative; les moines copistes ont heureusement disparu, un lien hypertexte suffira, vivons avec notre temps, nous sommes en 2014. Solsona, ce n'est pas le tourisme mais une histoire de couteaux qui m'y a amené. Si vous connaissez la région, ces couteaux, vous les avez sûrement rencontrés, en tout cas leur version la plus populaire. On les vend pour quelques piécettes sur les marchés ou dans les stations service, des petits canifs au manche en plastique couleur corne et à la lame arrondie, sorte "d'Opinels pyrénéens", rustiques mais efficaces.


La marque, éponyme de la famille qui a fondé la coutellerie en 1917, c'est Pallarès. Et c'est toujours un Pallarès, David, qui dirige l'entreprise, désormais installée en périphérie, sur la route de Manresa. David Pallarès, le type même de l'artisan catalan dynamique, ouvert, fier de ce qu'il produit.
Je n'allais pas à Solsona acheter des canifs, mais des couteaux de table et de cuisine. Car, à côté de ses nouvelles gammes, dans la lignée des outils agricoles qui ont fait sa réputation, la maison Pallarès continue de produire de belles lames au carbone, tendres, "à l'ancienne", celles dont je me régale d'écouter la musique sur la pierre ou le fusil, celles qui tranchent comme un rasoir. 


Facilement reconnaissables, en plus de la forme des lames, à leur manches de buis, les petits Pallarès excellent à table. D'épatants couteaux à steak, guère plus chers que des saloperies d'IKEA (dans les 6-7 euros pièce, moins en quantités). Pour les âmes sensibles, il en existe au même tarif une version inox; on perd en tranchant ce qu'on gagne en brillance, et ça ferait un modèle idéal, identitaire en plus, pour la restauration catalane. Pour ma part, je reste au classique, bien conscient qu'il s'agit là de chefs d'œuvres en péril que les réglementations idiotes feront tôt ou tard disparaître.
Pour le coup, j'ai embarqué une espèce de grand tranchelard et un désosseur qui n'ont pas du me coûter à eux deux plus de 27 euros! La lame carbone demande bien sûr un minimum de soin, mais quel plaisir en cuisine! Pour ce qui est du manche, vérifiez juste à l'achat que le buis ne soit pas fendu*. Après, ça tient. Tenez, en allant acheter un magnifique poulet (sûrement le meilleur que j'ai mangé à ce jour en Catalogne) dans une boucherie de Solsona, la commerçante m'a montré un vieux Pallarès hérité de son père, dont la lame noircie ne tenait plus qu'au fil alors que le manche ne montrait aucun signe de fatigue.


Maintenant que vous avez des couteaux, reste à les utiliser. Une ou deux adresses donc à Solsona pour tester leur tranchant. La boucherie dont je vous parlais plus haut d'abord, pour les poulets, chez Tarrallo, calle Castell, dans la vieille ville. Sachez aussi que certains agriculteurs des environs vendent leurs volailles directement au particulier (David Pallarès se fera un plaisir de vous donner son adresse favorite, j'ai essayé et je suis reparti avec une bestiole de sept livres!). Les marchés aussi, notamment celui du vendredi, avec des légumes intéressants. Et un restaurant, tout simple, et souvent bondé, Mare de la Font, dans un parc public. On y mange correctement, local. En prime, on y sert dans la bonne humeur un vin que j'adore, Exibis, né dans le vignoble voisin du Pla de Bages, un vin tranchant lui aussi.





* Il existe aussi des modèles en bakélite.


Commentaires

  1. Super ! Je vais pouvoir refaire ma coutellerie !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Pallares fabrique t il des couteaux à greffer, Michel pourrait s'en offrir un ....
      Petit inconviénent pour les couteaux pliants ,ils donnent un gout ferreux aux pommes , comme les anciens opinel en acier tendre, mais pratiques, légers dans la poche et coupants parfaitement.

      Supprimer
    2. Oui, ils fabriquent des couteaux à greffer et toutes sortes d'outils (haches, pioches, pics) que je n'avais pas vu depuis longtemps à l'état neuf.
      Pour ce qui est des couteaux à lame carbone, ils existent également en version inox, pour les délicats. Personnellement, je les utilise principalement pour la viande rouge et le gibier.

      Supprimer
    3. Il existe aussi dans la catégorie des engins spectaculaires, à part l'imposante feuille à poisson (qu'on retrouve chez tous les bons poissonniers de BCN), une espèce de ciseau à volaille, sur pied, qui est un outil redoutable.

      Supprimer
  2. PallarÈs avec un accent

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, merci, c'est exact. Je m'en vais le corriger de ce pas. Il faut dire qu'eux-même font la faute souvent, jusque dans le titre de leur site, et même sur la lame des couteaux !

      Supprimer
  3. Bonjour Vincent,

    Je voudrais savoir où acheter les couteaux Pallarès en France où méme en ligne ?

    Merci d'avance

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonsoir Maxime,
      en France, je n'ai pas trop d'idée. J'en ai vu l'été dernier sur un marché dans le Sud, ils étaient entre 2 et 4 fois plus cher qu'à l'usine. De l'importation directe sûrement.
      Je crois que le mieux est de suivre le lien qui se trouve dans la chronique, et de les contacter. Je sais que David Pallarés parle très bien français.

      Supprimer
    2. Merci Vincent,

      Je vais suivre votre conseil.

      Supprimer
    3. J'ai acheté ces couteaux il y a deux ans au marché gourmand et artisanal à Vinassan. Tout simplement super ! Bien sur, pas de lave-v pour eux !!!!

      Supprimer
    4. Le prix était conforme à l'Espagne ? 6-7 euros pièce?
      Pour ce qui est du lave-vaisselle, évidemment ! C'est même une cause de divorce…

      Supprimer
    5. J'utilise ces couteaux depuis fort longtemps, toujours spectaculaires sur une table, ils font parler : Vous connaissez ces couteaux ? très efficaces et bons marché, ils viennent de Solsona.....On peut en trouver au marché de Mont brun Bocage, haute Garonne à la frontière de l'Ariège, une catalane en vends tous les dimanches matins, mais plus chers.

      Supprimer

Enregistrer un commentaire

Articles les plus consultés