Fraîcheur, vous avez dit fraîcheur ?


Le vin, comme tous les milieux a ses mots tendance. En France, on a eu la "minéralité", tombée depuis dans le domaine public et donc en passe d'être méprisée par les puristes. La "tension" a failli lui faire de l'ombre mais s'est vite ramollie. La "salinité" a tenté une percée, peut-être trop pointue. Le "racinaire" est redevenu underground.
En revanche, le mot qui perdure, ne se démode pas et attaque sa cinquième saison (au sens des séries TV américaines), c'est "fraîcheur". Une valeur sûre que cette fraîcheur, qui demeure bon an mal an un argument de première bourre dans le marketing pinardier branché. En caricaturant un peu (mais si peu), on a parfois l'impression que tous les vins devraient désormais avoir le profil d'un poulsard jurassien d'année froide, y compris à Châteauneuf-du-Pape ou à Banyuls.
Loin de moi l'idée de critiquer les vins équilibrés, harmonieux, vivifiés par une acidité opportune. La seule "fraîcheur" qui me dérange en fait c'est celle qui n'en est pas, qui n'est que la verdeur, cette détestable sensation mécanico-gustative de la pomme verte, qui peut faire illusion sur un jus mais tourne vite à la catastrophe ensuite.


Il me semble vous avoir déjà raconté cette histoire d'un (excellent) producteur de châteauneuf-du-pape, interpelé lors d'un salon, par le patron d'une revue pinardière française débarquant sur son stand, une bouteille de coteaux-champenois à la main et lui expliquant que, désormais, c'est ce style de vin qu'il devait élaborer. Entre le climat provençal (je ne vous parle même pas de réchauffement…) et son grenache adoré, je me dis que le type, s'il y parvient, tant qu'à y être, il pourra demander à un pilier springbok de reprendre le rôle de Ludmilla Tcherina dans Le lac des cygnes


Le Monde est ainsi fait que la vérité des uns n'est pas forcément celle des autres. Ainsi cette fraîcheur omniprésente, quasi envahissante, chez les commentateurs français du vin ne trouve pas ailleurs le même écho. Témoin la dernière livraison de l'annuel Top 100 du Wine Spectator, assez bon reflet d'une autre tendance, celle du premier pays consommateur de vin, les États-Unis.
Juste, pour poser le débat, c'est un porto, le Dow's 2011, qui monte sur la première marche du podium 2014, devant une syrah australienne de McLaren Vale et un rouge du Douro (sacré millésime pour le Portugal et pour la famille Symington!). Les Français, à la ramasse cette année dans cet exercice de géopolitique vinicole*, sont sauvés dans le Top 30 par trois châteauneufs-du-pape (dont l'inévitable Clos des papes, 7e), un pauillac et deux sauternes. Je ne dis pas, évidemment, qu'on ne puisse pas trouver de la fraîcheur dans ces crus-là, mais, par rapport au discours français, ça relativise.
Pas de vin nature non plus, le beaujolais Lapierre qui, fort de ses gros volumes d'importation US, s'était frayé un passage l'an dernier n'a pas été retenu en 2014. On peut pester contre le "mauvais goût" yankee, dire qu'on s'en fout, mais c'est ainsi.


Trêve de commentaires, le Top 100 2014 du Wine Spectator, le voici:

1. Dow Vintage Port 2011    99/100    $82   
2. Mollydooker Shiraz McLaren Vale Carnival of Love 2012    95    $75
3. Prats & Symington Douro Chryseia 2011    97    $55
4. Quinta do Vale Meão Douro 2011    97    $76
5. Leeuwin Chardonnay Margaret River Art Series 2011    96    $89
6. Castello di Ama Chianti Classico San Lorenzo Gran Selezione 2010    95    $52
7. Clos des Papes Châteauneuf-du-Pape 2012    97    $135
8. Brewer-Clifton Pinot Noir Sta. Rita Hills 2012    94    $40
9. Concha y Toro Cabernet Sauvignon Puente Alto Don Melchor 2010    95    $125
10. Château Léoville Las Cases Saint-Julien 2011    95    $165
11. Mount Eden Vineyards Chardonnay Santa Cruz Mountains 2011    95    $60
12. Château Guiraud Sauternes 2011    97    $50
13. Fonseca Vintage Port 2011    98    $116
14. Fontodi Colli della Toscana Centrale Flaccianello 2011    95    $120
15. Bedrock The Bedrock Heritage Sonoma Valley 2012    95    $42
16. Two Hands Shiraz Barossa Valley Bella's Garden 2012    95    $69
17. Soter Pinot Noir Yamhill-Carlton District Mineral Springs Ranch 2012    95    $60
18. Château Doisy-Védrines Barsac 2011    95    $35 / 375ml
19. Luca Malbec Uco Valley 2012    93    $32
20. Peter Michael Chardonnay Knights Valley Ma Belle-Fille 2012    95    $90
21. Castello di Volpaia Chianti Classico Riserva 2010    93    $29
22. Podere Sapaio Bolgheri Volpolo 2011    93    $35
23. Saint-Cosme Châteauneuf-du-Pape 2010    96    $59
24. Massolino Barolo 2009    95    $60
25. Bodegas y Viñedos O. Fournier Malbec Uco Valley Alfa Crux 2010    94    $54   
26. Emeritus Pinot Noir Russian River Valley Hallberg Ranch 2011    93    $42
27. Quinta do Portal Douro Colheita 2011    92    $15   
28. Château de Beaucastel Châteauneuf-du-Pape 2011    94    $97
29. Hamilton Russell Pinot Noir Hemel-en-Aarde Valley 2012    93    $46
30. DuMOL Syrah Russian River Valley 2012    94    $55

La suite ici.



* Un mauvais millésime en effet que ce Top 100 2014 pour les vins français. Une seul classé dans les dix premiers, Clos des Papes et, au total, quatorze références seulement, c'est maigre, à côté des Italiens, des Espagnols et désormais des Portugais. Les crus locaux, américains, continuent eux de se tailler la part du lion.


Commentaires

  1. Hum...(chuchotement) "Léoville Las Cases est un vin français. Si si." Ca fait donc deux vins Français dans les dix premiers. 20% quoi.

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    1. Oui, ce n'est pas faux! Au temps pour moi. Cela étant, une 7e et une 10e place, je ne sais pas vraiment si le standing est maintenu. 14 sur 100, et pas vraiment dans le peloton de tête…

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    2. oui bon ça vaaaa...
      la mode est au latin du sud.

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    3. intéressant de regarder l'évolution du top 100 depuis 88 à nos jours

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