Haïr la viande, détester l'Homme.


Dans la grande Presse, ils ont table ouverte. Leur moindre coup d'éclat, médiatiquement huilé, est relaté, amplifié, magnifié, du Figaro à Libération en passant par la télévision, parfois même avec la collaboration de cuistots opportunistes. Lointains cousins, dans la chaîne de l'Évolution, des prohibitionnistes et des Femen, les antispécistes, khmers verts de l'animalisme, sont les enfants de l'époque. Ils jouent sur la corde sensible, font pleurer dans les chaumières, utilisent un langage que des générations abruties par la mièvrerie hollywoodienne comprennent du premier coup. Car pour les enfants de citadins nourris au poisson carré et au hachis de viande, c'est une évidence enseignée par les dessins animés de Walt Disney: les animaux, de Bambi à Némo, parlent, partagent nos sentiments, deviennent "plus humains que les hommes". Qui oserait penser que Donald Duck sous son habit de marin cache un foie gras, deux magrets et deux cuisses confites? Un monstre?


Pourtant, c'est bien d'extrémisme dont il s'agit, de fanatisme. Je vous invite à parcourir l'abondante littérature de ces espèces de "Fous de l'Animal", chaque activité humaine y est passée au crible de leurs valeurs. Ces derniers jours, par exemple, l'objet de leur haine, c'était le Téléthon: "le Téléthon tue" ai-je lu sur des panonceaux placardés aux quatre coins du Web par des groupuscules agissants comme Stop aux animaux dans les labos. Il faut en finir, expliquent-ils, avec l'expérimentation animale. Pas seulement pour la myopathie et les maladies génétiques neuromusculaires, ceux qui luttent contre le sida ou la malaria font, notamment, partie de leur cibles. Ainsi, en 2009, ils s'étaient indignés de ce que le gouvernement français débloque huit milliards d'euros pour aider la Recherche médicale: "des sous pour torturer les animaux dans les labos" hurlaient-ils. Ce fut le cas il y a quelques mois encore aux États-Unis.


Dans un registre plus léger, le foie gras constitue un de leurs grands chevaux de bataille. Grâce à l'appui unanime de cette Presse conformiste, engourdie par le confort intellectuel, qui a accordé une place phénoménale à leurs manifestations massives de vingt ou trente participants, ils est difficile d'ignorer leur "combat" contre le gavage des oies et des canards. Pardon, contre la torture dont sont victimes les membres de la famille de Donald, Daisy, d'Oncle Picsou et des castors juniors, Riri, Fifi et Loulou. Je ne vais pas répéter ce que je pense des divagations de cette bande de négationnistes de l'Humanité. Je veux juste rappeler que l'objectif plus ou moins avoué de cette cabale, au delà du prétexte du gavage, est l'interdiction de toute consommation de produits carnés, viande ou poisson, au nom de l'égalité entre l'Homme et l'animal.


Il me plait pourtant de me souvenir que l'apport des protéines d'origine animale, de la viande, a permis au cerveau humain de se développer et de produire toutes les merveilles dont nous devrions chaque jour nous émouvoir. Je repense à ce faisan mûr à point, arrosé de tokay, qui a peut-être inspiré à Ludwig Van Beethoven l'allegretto de la 7e dont la version dirigée par Harnoncourt me transporte. Je me demande si Henri de Toulouse-Lautrec aurait pu se ressourcer de temps à autre, se distraire de ses folies parisiennes, sans cette culotte de bœuf de Bazas à la Malromé, sorte de daube au bordeaux*. Je voudrais tant goûter l'agneau andalou confit, doux comme le miel, rehaussé de raisins de Malaga, qui inspira sûrement les architectes de l'Alhambra. Et après un épais steak de thon rouge, saignant et quatre bouteilles bien fraîches de bobal d'Utiel-Requena, converser avec Ernest de son désespoir de n'avoir jamais vu toréer Manolete. Ça ne manquerait pas de sang.


Très loin de cette culture, de ce patrimoine, de cet espoir permanent qu'est l'Humanité, chez les forcenés de l'animalisme, je ne vois que haine et détestation. Une haine ordinaire que leur inspire la viande, une profonde détestation de l'Homme. Une haine et une détestation qui transpirent derrière chacune de leurs vociférations, de leurs outrances. Entre délires suicidaires et envies quasi exprimées de génocide. Une haine et une détestation qui puent le malheur, le mal-être, quelque chose de morbide.
Mais, dans leur folie destructrice, ils n'en demeurent pas moins humains. Membres à part entière de ce principe sacré qu'est l'Humanité, fruit entre autres, comme je le rappelais plus haut, de la consommation de protéines animales. C'est donc, fraternellement, que leur souhaite à tous paix, lumière et bonheur pour les fêtes à venir. Et puis, si le cœur leur en dit, j'ai d'excellentes adresses de fournisseurs de foie gras et de volailles pour le réveillon…




* Merci, délicieuse Geneviève. Pour toutes tes recettes dans ce livre vivant, pour tant d'autres choses, le souvenir de ce dîner à la Rôtisserie des Carmes qui réchauffa une nuit polaire, ton regard.

Commentaires

  1. Aymeric Caron , le "gentil" procureur de l'émission de Laurent Ruquier , dénonce dans Le Point ,avec sa modération habituelle d'homme de Gauche parisisien, les réactionnaires et ringards qui osent encore consommer de la viande.

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  2. Vincent, je contresigne 99 % (on dit nonante-neuf en « belge ») de ce que tu écris. Toutefois, certaines pratiques « traditionnelles » des vrais êtres humains comme toi et moi, et sans doute quelques milliards d’autres, me glacent quand même : les cervelles de singe que l’on mange à la cuillère dans la calotte crânienne alors que l’animal est encore vivant (Chine), la « domestication » des orang-outans en Indonésie ...
    A l’inverse, les fonds de la recherche scientifique (j’ai évolué longtemps dans ce milieu) servent parfois aussi malheureusement à payer des loisirs de luxe, plus ou moins liés à des exposés scientifiques, aux mandarins de la recherche. Je ne pense pas que cela constitue un pourcentage important des budgets, il ne faut pas caricaturer, mais cela existe. Du temps des vols en Concorde, certains orateurs ne traversaient l’Atlantique que comme cela ... sauf quand ils voyageaient en privé, bien sûr.
    Quant au téléthon, de même que les restos du coeur, ils comblent un vide de la présence de l’Etat. Plutôt que dépenser son énergie – et un peu d’argent – à tenter de le combler, est-ce qu’il ne vaut pas mieux exiger de l’Etat qu’il remédie à cette absence ? Je ne suis pas un fana de l’assistanat, tu le sais (il existe moins dans mon pays d’origine) mais une des obligations de base d’un état est que ses citoyens ne meurent pas de faim et que la santé soit prise en compte, du mieux possible (donc aussi par le biais de l’amélioration des thérapies existantes).
    Enfin, les 3 maladies qui continuent à tuer le plus dans le monde, à part le capitalisme et la bêtise humaine, sont la tuberculose, l’épidémie HIV et le paludisme. Et on consacre très peu de moyens à lutter contre elles. Par contre, quel succès pour le « syndrome de fatigue chronique » - qui n’existe pas – et la « malade d’Alzheimer » - un nouveau nom pour désigner la vieillesse !
    Enfin, même si comme toi j’aime le foie gras et le chapon, je suggère à tous ceux qui en ont les moyens de repasser à quelque chose de moins cher, pour une seule fois, lors de leur repas de Noël, et de verser le différence aux restos du coeur. Mais bien sûr, les producteurs de produits de luxe (j’en suis un) ne seront pas forcément d’accord, et eux aussi doivent vivre. Pas facile d’être généreux .... et équitable !

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