Générosité.


Il y a comme ça des adresses précieuses, un peu comme les numéros d'urgence sur un téléphone. Les restaurants de nuit, à mon sens, en font partie. Et d'autant plus à Barcelone qui, contrairement à la plupart des autres villes espagnoles, n'est pas une couche-tard (et pas une lève-tôt non plus). À part les dancings, la plupart des établissements appliquent un couvre-feu assez rigoureux; à partir de minuit, singulièrement dans l'Eixample, difficile de manger un morceau. Ambiance province, quoi.
Le problème, c'est que pour peu que vous soyez allé dîner chez un de ces chefs qui se regardent pédaler, en sortant, alors que tout a baissé rideau, vous êtes comme un couillon dans la rue, avec la faim au ventre. L'expérience, la créativité, le graphisme, ça ne nourrit pas son homme. Bien sûr, tel un long défilé militaire, vous avez vu passer devant vous une multitude d'assiettes, toutes plus apprêtées, mais toutes plus vides les unes que les autres. Comme je l'écrivais il y a quelque temps, un gastronome d'aujourd'hui, un foodiste ne va plus au restaurant manger, c'est sale, vulgaire!
 

Hier soir encore, un "chef de terroir" nous a fait le coup, une cuillère de soupe de betterave, un dé à coudre d'escudella (sorte de pot-au-feu catalan aux boulettes), une bouchée de dentol et deux fourchettes d'agneau (cuit sous-vide évidemment…). Heureusement, il y avait du fromage et du pain, ça nous a en partie sauvé du coup de fringale. Heureusement aussi qu'à l'apéritif, nous nous étions agacés avec quelques amuse-bouches d'origine porcine et que les vins, généreux, eux, nous ont nourri. Le côté pingre, c'est devenu la signature des cuistots qui se haussent du col. Et, malheureusement, pas qu'à Barcelone.


Parmi les sorties de secours qui s'offrent à vous à Barcelone, si le kebab reconstitué vous fout les jetons, il y a la saucisse. Pas de la boutifarre locale, ses chantres sont déjà couchés, non, la frankfurt, la wiener ou la bratwurst, comme à Berlin! Héritage (avec la bière) de l'arrivée en Catalogne, au XIXe siècle, des Allemands qui y développèrent l'industrie, la saucisse d'Outre-Rhin a pignon sur rue dans cette ville. Et en plus, ses distributeurs ferment tard. On vous sert généralement dans un petit pain mou façon McDo que je vous déconseille de manger, escorté comme il se doit de moutarde sucrée, et, pour les dégénérés, de ketchup. Elle s'arrose bien évidemment de bière blonde à la pression, Bitburger ou Pilsner Urquell.
C'est ainsi qu'Otto Sylt* (qui possède plusieurs succursales) reste un des "restaurants" que j'ai finalement le plus fréquenté à Barcelone. Nuitamment. Pas par choix, mais par nécessité. Faute de générosité.



* La Otto, bien relevée est mangeable. Surtout quand, au sortir de table, on a la faim ventre. Et puisque je parlais d'adresse, Otto Sylt, c'est sur Rambla de Catalunya, avec Consell de Cent, au n°133, ou sur Gran Via, au 622.

Commentaires

  1. Je ne comprends pas la dernière photo : c'est une bière blonde dans un verre de bière blanche Erdinger ?!!
    Hérésie ! Ca doit être l'interprétation catalane...

    Sinon, établir un "resto" (qui semble ressembler à un mélange de diner US et de brasserie) à partir du combo pils/saucisse, c'est osé, même en Allemagne on ne voit pas ça... car c'est généralement un snack sans prétention (et la saucisse/pain coute 2€...).
    Pauvre Vincent. Je compatis.

    Tom B.

    RépondreSupprimer
  2. J'aime bien lire le Sieur Pousson. C'est souvent ici qu'on peut lire quelques vérités qu'on ne trouvent pas ailleurs !! :-)

    RépondreSupprimer
  3. Si c'est trop propre, trop lisse ou artistiquement dépouillé ou tout artistiquement bordélique (ben oui, tout est affaire de mode), et surtout s'il manque la gourmandise et l'émotion (et si en plus les portions sont ridiculement petites) mieux vaut se taper une Wurst, même à Barcelone (m'enfin un peu dommage, je préfère une taperia de qualité)

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Articles les plus consultés