Le sancerre de Vatan, quel coup de marketing!


Les amateurs de flacons rares connaissent tous les sancerres d'Edmond Vatan. Voila bien l'exemple de ces domaines familiaux dont les vins exigeants mais humbles, sans paillettes ni attachée de Presse en tailleur rose, sont devenus des mythes. Le personnage d'Edmond Vatan, son caractère aussi, ne sont pas pour rien dans cette affaire. Mais il faut reconnaître que très souvent, les vins, si l'on prend soin de les attendre un peu (parfois quinze ou vingt ans…) ont leur place dans le Panthéon du vin français, bien avant tant de fausses gloires qui doivent tout à la connivence.
J'écris ça d'autant plus tranquillement que je n'aime pas le sauvignon. C'est un cépage dont les caractères variétaux m'exècre. Et ce que j'aime justement chez Vatan, c'est que ce sont des sauvignons qui ne sentent pas le sauvignon. Ils "puent" le terroir. Au sein de cette appellation, à Sancerre et dans les villages environnants (comme ici à Chavignol), chez les grands, les Cotat ou Vacheron pour ne citer que mes préférés, ce terme de terroir est d'ailleurs à prendre au sens de l'INAO: en tenant compte des facteurs géologiques et géographiques, mais aussi du facteur humain. Car ce sont des crus marqués par l'intelligence, par la vista de ceux qui leur donnent naissance.


L'autre soir, au bord de la Méditerranée, chez le Catalan bourguignon de Villa Más, nous avons, pour les blancs, fait quelques infidélités à la Bourgogne (un peu de meursault quand même…). Car dans ce lieu incroyable, on peut boire pas mal de trucs. Et avant le sauvignon, c'est avec du chenin que nous nous sommes élancés. Du chenin pur et mûr, celui de François Chidaine*; son montlouis Les Choisilles 2007 (à 24€ sur table face à la mer…) est un monstre de délicatesse. Et un ami sûr, un merveilleux copain de bar pour les premiers petits calamars de la saison que Joan, le pêcheur Sant Pol, s'en va chercher en face du restaurant, après la plage, pas loin des rochers qui filent vers Sant Feliu de Guíxols. Des calamars doux, presque sucrés. Aussi bien en friture, a la romana, comme quand j'étais petit, qu'entiers, non vidés, "à la salope" comme on dit à Sète. 


Et c'est donc sur cette lancée, sur cet accord tout en douceur entre la Loire et la Méditerranée qu'un farfelu (un Belge…) a eu l'idée de commander du sancerre de Vatan. Du Clos La Néore, un peu jeune, certes, du 2007, vinifié par la fille d'Edmond. Grand bien lui a pris (au Belge). D'abord parce qu'une nouvelle fois, le mariage était là, parfait (même si je déteste ce mot à table et dans le verre…): dans l'assiette un carpaccio de langoustines, toujours aussi divin, là encore sur cette sucrosité des fruits de mer, avec en plus cette façon de tapisser le palais. Le sancerre avait terriblement besoin d'air, mais déjà il pointait son nez (presque méditerranéen) de fenouil sauvage, d'anis vert et d'angélique. Une bouche à l'unisson, déjà une belle longueur, quelle bêtise de l'avoir bu, mais c'était si bon! Ça a d'ailleurs mis une sacrée ambiance dans le restaurant, très loin des gastro-funérariums barcelonais…


Mais bon, je blablate, je palabre, je m'emporte, mais c'est bien de marketing dont je voulais vous parler. De packaging, en fait. Parce que vous, amateurs de vin, et vous aussi chers lecteurs qui peut-être découvrez pour la première fois les bouteilles du sancerre de la famille Vatan (en haut de la page), êtes sûrement étonné par cette drôle d'étiquette bleue, et surtout par son bizarre positionnement tout en haut, presque sur le goulot, comme une collerette. Eh bien sachez que ce packaging original, avant le le contenu, fut un des déclics commerciaux pour ce cru, une des raisons qui lui ont permis de triompher "à la capitale". Parce qu'avant les armoires à vin, les bons bistrots disposaient, derrière le bar, d'un rafraîchisseur, des espèces de cavités cylindriques dans lesquels on enfilait les bouteilles, jusqu'au deux tiers, ou aux trois quarts de leur hauteur. Et du coup, le bistrotier ou ses serveurs ne voyaient plus quel vin était dans quel rafraichisseur. Il fallait tâtonner, perdre du temps, faire patienter le client. Sauf avec les bouteilles de Vatan dont l'étiquette restait lisible même dans le rafraîchisseur. Bien vu, non?





* N'oublions pas notre promesse de boire sans modération du vin cet été, et notamment du vin de cette foule de vignerons, ligériens, cadurciens, catalans, champenois, suisses, bourguignons, bergeracois et bordelais avec lesquelles la Nature, en cette année 2013 a fait la marâtre. François Chidaine, à Montlouis et Vouvray fait partie de ceux qui souffrent; au delà du plaisir de boire son vin, ce choix nous semblait d'une bonne tenue morale.

Commentaires

  1. Super resto (Egon Müller, François Jobard, Prieuré-Roch, Casta Diva pour nous ce jour-là ... et les tripes de morue à ne pas rater).

    Comme toi, je n'aime pas trop le sauvignon mais on trouve des merveilles sur Chavignol : Pascal Cotat, Gérard Boulay et bien sûr François Cotat et Edmond Vatan.

    Pour ceux qui sont près de Chablis, visiter le restaurant le pot d'étain à l'Isle sur Serein (carte des vins énorme).
    Clos la Néore 1998 à 40 euros sur table !

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  2. D'ailleurs c'est grâce à cette question sur l'étiquette du clos de la néore que j'ai gagné le droit d'acheter la caisse collection de selosse à l'hotel du vin il y a quelques mois....

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