Le vin est une fête, mais aussi un chemin.


C'était mardi, dans la cour du Clos Siguier, là-haut, sur le causse qui tutoie Montcuq. Terre d'ombres fortes, d'hivers glacés et d'été brûlants. aveuglés par la caillasse immaculée du Quercy blanc. Il y avait là une bande de jacquaïres* descendus de la capitale. Pas des innocents du vin, l'une travaillait aux Caves Augé avec ce fou de Sibard et un autre s'y intéressait encore davantage, bien au-delà de l'étiquette. D'ailleurs, il faut vraiment se foutre de l'étiquette pour venir se perdre ici dans cette partie divinement oubliée, paysanne, du vignoble de Cahors.


C'était mardi, dans l'après-midi, et nous parlions de vin avec le jacquaïre œnophile en quête d''étapes sudistes pendant que madame Bley mère s'en allait chercher les clés de la cave, la petite porte rouille sous la parfaite maison lotoise. Nous parlions de vin, et d'argent. Avec un peu ce même sentiment, alors que j'attendais d'embarquer les caisses des derniers millésimes du Clos Siguier, presque un sentiment de honte, un peu celui que j'avais déjà évoqué ici même à propos d'un autre cahors du causse. Tous les deux à la fois émerveillés et inquiets face au prix des bouteilles, à la modestie du prix des bouteilles que nous venions d'acheter. Calculant, imaginant un taux de change de douze pour un, au moins, avec n'importe quel grand cru équivalent.


On parle beaucoup d'argent ces temps-ci, dans ce blog. De la spéculation et de ses impasses, des "vins parfaits", plaqués or, qui se dégonflent comme de grosses baudruches. C'est peut-être l'effet de cette Crise dont certains pays peinent à se dépêtrer. Rassurez-vous, je ne vais pas en faire une spécialité, mais quand on vient de vous vendre un vin comme ça à quatre euros cinquante la bouteille, il y a de quoi se poser des questions. Ça ravive des souvenirs, on se prend même à compter en francs. Tiens, ça me rappelle le temps où l'on allait acheter "en images" des Rayas historiques, avec les prix sur la liste polycopiée, celle qu'on donnait aux "royalistes", à ceux qui étaient allergiques à la Marianne de la capsule-congé.


Mais bon, là, franchement, les pieds sur le caillou blanc du causse, je m'en tape un peu de l'argent du Mondovino, de ses marquis de Carabas, de ses putes (pas toujours celles qu'on pense) et de ses hélicoptères.
D'abord, comme ça, en passant, il y a un air qui me trotte dans la tête, La maison près de la fontaine, cousine de La France défigurée de Dutronc que j'évoquais hier. Une pensée pour le Rital du coin, Nino Ferrer, qui choisit un champ de blé des environs pour tirer sa révérence il y a quinze ans, presque jour pour jour. Et puis, je pense au cahors, à la tendresse particulière que j'éprouve pour ce vin. Je me demande d'ailleurs si ce n'est pas le premier que j'ai bu, chabrot, dans la soupette de Prayssac où la cuillère tenait debout.


Dois-je vous reparler du cahors du Clos Siguier**. De cette délicatesse, de ce soyeux, de ce côté "cahors pour ceux qui croient le connaître, ont des idées préconçues et ne l'aiment pas". Dois-je vous rappeler qu'il s'agit d'un vin de côt, d'auxerrois, pas de malbec. Dois-je vous raconter que comme un couillon, j'ai oublié d'en acheter en magnum (il en reste, monsieur Bley?). Allez-y, débrouillez-vous, perdez-vous sur le causse, éblouissez-vous, c'est là que ça se passe, pas dans les "foires aux vins" où le but du jeu est de vous refaire le cul. Allez, en route! En voiture, à cheval ou à pieds comme les jacquaïres! Le vin est une fête, mais aussi un chemin.




* Des marcheurs des Chemins de Saint-Jacques. Profitez-en pour lire le vieux bouquin de mon vieux frère, Michel Gardère, Ultréïa, le printemps des pierres. N'ayez pas peur, c'est tout sauf un gratte-Jésus.
** Reparler, car je l'avais déjà évoqué au détour de ce billet sur un charmant bistrot parisien.


Commentaires

  1. En voyant ton "Vieux Lion d'Or", je ne peux que recommander "Le Lion d'Or", pas loin de là, sur la place de Gramat. Le chef Marc Prunières, Quercinois pure souche mais ancien du Taillevent, y met à l'honneur et même parfois au menu, du vrai lièvre à la royale, en saison! Slurp.
    Son secret, il fait venir des capucins de la Beauce, dont la taille lui permet de tenir cette gageure.

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  2. Un très beau Cahors à l'ancienne, sans fioritures ...

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