Enfin un cycliste espagnol qui avoue s'être dopé!
Ce type est fou, c'est une machine! Aucun signe de fatigue! Il affiche déjà plus de six mille kilomètres au compteur et continue, sous le cagnard d'août, à enchaîner les cols comme si de rien n'était. Il a grimpé à peu près tout ce qu'on pouvait grimper en Espagne, de la Catalogne à la Galice en passant par l'Andalousie et le Pays basque; en prime, il s'est offert une escapade française avec entre autres le Tourmalet, l'Aspin et l'Aubisque et Peyresourde!
Reste à connaître son secret. D'où tire-t-il toute cette énergie? S'est-il trompé dans les ordonnances comme Armstrong et tous les autres*? A-t-il abusé du steak de Contador? Est-il un patient du docteur Eufemanio Fuentes, le "magicien" du sport espagnol?
Ce type, en fait, s'appelle Marc Lecha. Et à moi, il l'a avoué, oui, il se dope. Depuis longtemps. Quotidiennement. D'ailleurs comment aurait-il pu autrement accomplir l'exploit qu'il achèvera dans quelques jours, le 17 août à Barcelone?
Mais revenons un peu sur le profil de ce premier repenti du cyclisme espagnol. Si vous êtes lecteur de longue date d'Idées liquides & solides, vous avez déjà entendu parler de lui. Barcelonais, il avait monté un petit commerce de vin dans le quartier de Poble Sec, en association avec Malena Fabregat, uruguayenne enflammée. Petit mais ambitieux, puisque l'idée de Vino Artesano était de vendre et de promouvoir ces vins qu'on a tant de peine à trouver à Barcelone, les vins de viñerons. Malheureusement, dans cette ville et ce pays où se doper et se droguer tournent à l'évidence mais où boire du vin devient peu à peu une excentricité, Vino Artesano a du mettre la clé sous la porte. Marc et son associée ont donc décidé de voguer vers de nouvelles aventures, mais sans perdre de vue le goulot.
Marc, lui, en plus du vin, a deux autres passions: le vélo, et la montagne. Et son idée, c'était de faire un tour d'Espagne, à la force du mollet. Mais c'est grand, l'Espagne, , c'est haut, c'est beau, ça monte et ça descend. Une Vuelta pareille demande une sacrée motivation, un petit coup de pouce, un produit-miracle, quoi. Et, ce doping, dans le pays qui possède le plus vaste vignoble du Monde, il a décidé que ce serait le vin.
Depuis le 7 mars dernier, jour de son départ de Barcelone, Marc Lecha carbure au rouge. Et au blanc, aussi. Chemin faisant, déroulant l'Espagne dans le sens des aiguilles d'une montre, il a rencontré plus de soixante vignerons, gouté près de cinq cents bouteilles. Des célèbres, et des obscurs, des modestes, lui ouvrant à chaque fois les portes de leur coin de terre et de leur pays. Il y a du compagnonnage là dedans, de la fraternité. Il y a aussi ce rôle essentiel que joue un peu partout le vigneron, et pas qu'outre-Pyrénées: en plus d'être le paysagiste, le jardinier du terroir, il demeure le passeur, le guide, le "poteau indicateur."
De ciudades en pueblos, à hauteur d'homme, Marc Lecha est donc parti à la rencontre du vin. De façon bien plus vraie, bien plus authentique, bien plus humaine que tous les petits Diafoirus du pinard qui récitent, tels les élèves des madrasas coraniques, leurs sottises d'importation. En se faisant piquer les mollets par des chiens valenciens, en sentant l'odeur des orangers, en goûtant la pluie de Galice, en fréquentant les tavernes de Sanlúcar de Barrameda et de Bilbao. En pédalant, en mangeant, en buvant. En échangeant, en partageant. En vivant. Loin, si loin de la littérature para-commerciale, convenue, des prétentieux Masters of Wine…
De cette aventure joliment baptisée La via líquida, Marc a fait un blog, allez-y. Les textes sont malheureusement en catalan, ce qui en restreint pas mal l'accès**, mais les images (vous en voyez certaines dans ce billet) sont superbes, comme l'Espagne, et les gens qu'on rencontre dans ses campagnes. Vous pourrez suivre son périple, étape par étape, découvrir avec lui ces vignobles espagnols souvent inconnus au delà des frontières du Royaume. Faire la route. Une nouvelle fois comprendre pourquoi le vin n'a pas d'égal.
Bravo, en tout cas, mon ami, bravo, Marc! Tu peux compter sur moi pour le banquet du retour, fin août!
* En matière de dopage, on a entendu toutes sortes d'excuses extraordinaires, elles sont recensées ici, du steak de Contador à la cuite de Landis. La plus belle, à mon goût, est celle de ce marcheur espagnol contrôlé à la nandrolone, il a expliqué que c'était du à un cunnilingus pratiqué sur sa femme enceinte…
** Cela étant, par écrit, le catalan, ce n'est qu'une variante de l'occitan, entre français et espagnol donc on peut y arriver.
Génial ! Il ne te reste plus qu'à en faire un bouquin. Un vrai récit de voyage, guide à la fois, avec toutes ses bonnes adresses. Et en Français STP, parce que moi, le Catalan...
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