Le retour des Pieds nickelés.


Pourquoi les Pieds nickelés? Parce que, contrairement aux Trois Mousquetaires, eux, ils étaient vraiment trois. Et c'est de ce chiffre trois dont j'ai envie de vous parler aujourd'hui. Et aussi de certains successeurs de Ribouldingue, Croquignol et Filochard, "trois petits filous, à la fois escrocs, hâbleurs et indolents" comme les décrit Wikipedia. Ce même sujet, celui de la pompe, de la copie, de la contrefaçon, je l'ai déjà abordé il y a peu en racontant les errements d'un ancien étudiant en BTS Technico Commercial Vins et Spiritueux devenu vigneron qui, par accident, sans savoir, s'était permis de voler le nom (dûment déposé) du vin d'un ami. Par parenthèse, j'ai du m'attaquer là à une vache sacrée, car j'ai eu droit à une série d'explications de texte simultanées m'expliquant la méchanceté de mon propos (et remettant ouvertement en cause au passage la notion très française de propriété intellectuelle). Je me demande si le feu aurait été aussi nourri, si l'élan aurait été aussi passionné, si le rappel à la bien-pensance aurait été aussi vigoureux si j'avais dénoncé de mêmes vilénies éventuellement commises par ceux dont le Mondovino branché a fait ses "intouchables" (au sens indien), les Michel Rolland, Gérard Bertrand et autre Bernard Magrez…


Si je veux vous parler de numéro trois, c'est parce que la semaine dernière, une copine qui bosse dans la communication du vin, Carine Pagès, a déniché sur Internet le travail, fièrement exhibé, d'une designeuse des antipodes, Hannah Aubrey, qui venait de créer une gamme d'étiquettes pour un vin du Central Otago; très simple, un grand 3 posé sur des bouteilles bordelaises (pour un pinot noir…). Carine Pagès, qui, malgré sa frétillante jeunesse, n'est pas tombée de la dernière pluie, n'a pas manqué de faire immédiatement le rapprochement avec un autre 3, celui qui s'affiche de manière identique, depuis 1998 sur les bouteilles de la Cuvée n°3 de castelmaure. Il se trouve, d'où mon léger agacement, que cette étiquette, c'est moi qu'il l'ai dessinée, il y a quatorze ans…


Il se trouve aussi que ce n'est pas une première, que ce n'est pas la première fois que les grands esprits se rencontrent, que le hasard fait bien les choses! C'est vrai, le n°3 a connu quelques succès, et depuis 1998, cette bouteille a circulé à travers le Monde, essaimant visiblement ici et là, laissant sur son chemin quelques bâtards. Il semblerait que les Pieds nickelés du marketing pinardier n'aient pas encore compris qu'à l'heure du web, leurs petits vols à la tire ne restent pas longtemps discrets.


Dans cet ordre d'idée, j'avais particulièrement apprécié il y a quelques années le n°3 de Luis Cañas, un espagnol de la Rioja, spécialiste en jus de planche; à plus de soixante-dix euros les 75cl de tisane de chêne, il aurait quand même pu se payer une création originale, non? Beaucoup moins coûteux, une coopé du Gaillacois avait sorti un petit côtes-du-tarn lui aussi affublé d'un grand numéros trois. Plus malin, Gérard Bertrand a sorti un 6e sens qui reprend la même police de caractère, une Bodoni, avec un bon gros 6 qui barre la bouteille: deux fois trois égalent six, deux fois plus malin…


Je vous en passe des vertes et des pas mûres, mais la palme d'or, je viens de la trouver à quelques dizaines de kilomètres d'Embres-et-Castelmaure, dans la plaine qui jouxte les Corbières, à Luc-sur-Orbieu. Comme quoi, ce n'est pas la peine d'aller de l'autre côté de la Terre, visiblement, il y en a qui pensent qu'on ne sort même pas de son village… The winner is Christophe Lagarde, Cellier de la Majorine, un brillant inconnu qui a donc "créé" ce nouveau remake du N°3. Il va évidemment dire qu'il ne savait pas, qu'il n'a pas fait exprès, qu'il passe trop de temps dans ses vignes pour aller voir ce qui se fait ailleurs… Il dira ce qu'il voudra, mais à ce niveau de candeur, c'est magnifique, incontestablement, le mur du çon est franchi! Standing ovation, il le vaut bien le Christophe! Petits joueurs, à côté, les Pieds nickelés… Enfin bon, comme on dit chez nous, pour faire un truc pareil, faut vraiment pas avoir de visage.


Commentaires

  1. Question sans objet, Vincent. Les Rolland, Magrez et Bertrand n'auraient jamais fait une bourde pareille. Ils sont bien équipés en services juridiques dont c'est le métier de s'assurer de la viabilité des marques lancées.

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    1. Tu n'as pas complètement tort, Nicolas, quoique… N'empêche que ce Lagarde, pour moi, c'est un champion du Monde, il faut l'envoyer aux Jeux olympiques!

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    2. Et il y a aussi un "n°3" chez Dourthe, je crois.

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    3. Et aussi un 3 de Valandraud semble-t-il mais je n'en connais pas la police.

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    4. Non, Nicolas, c'est un N°1 chez Dourthe, à Bordeaux, on est toujours N°1…

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    5. Merci, Anonymous, je viens de le découvrir. Mais c'est vraiment un tout autre univers graphique.

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    6. De quoi faire une prochaine cuvée "Plagiat" chez E & B, non ?

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    7. Michel, c'est drôle, vous êtes déjà trois à me dire ça; il se trouve que j'avais une petite idée là-dessus, histoire de "rendre hommage" à tous les créatifs du Monde et des environs…

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    8. Et le 3 dolia de Philippe Viret...

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    9. C'est quand même très différent chez Viret, d'abord parce que c'est une suite logique, Dolia 1, 3, 3, 4 et aussi parce que Dolia a autant d'importance sur l'étiquette que le chiffre. Aussi parce qu'il s'agit d'une bouteille bourguignonne.

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