En Corbières, une petite adresse de rien.


Mon pays de cœur, les Corbières, a d'immenses qualités. Mais il a aussi quelques gros défauts. Parmi ceux-là, la difficulté qu'on a à y trouver un endroit pour manger. Chez l'habitant, pas de problème, il y a un port de pêche pas très loin, souvent même un jardin et la plupart du temps un fusil de chasse; en plus, on est à la campagne, le poil dans la main se porte court, donc on cuisine. Non, là où ça se complique, c'est quand on cherche un restaurant.  Syndrome de la porte close. Au mieux…
Les lecteurs assidus du guide des pneus objecteront que les Corbières culminent à Fontjoncouse au sommet d'une côte de première catégorie, à l'Auberge du Vieux Puits, chez Gilles Goujon. Certes. Mais qui a les moyens (et l'envie) d'aller se sustenter quotidiennement dans un trois macarons? Il est plutôt question ici de ces petites adresses où l'on débarque à l'improviste, sans casser sa tirelire, du simple, sans chichis sans pour autant avaler n'importe quoi et apprendre par cœur la liste des promotions de Métro* ou de tel ou tel faiseur de prêt-à-bouffer. À l'intérieur des terres, subsistent des exceptions, comme le Temps des Courges, planqué dans une ruelle de la séduisante Lagrasse. On me parle aussi de La Table du Château, à Bizanet, pourquoi pas. Certains vont même au Corbierou, à Villeneuve, on ne sait jamais trop s'il vient de réouvrir ou s'il va fermer, mais bon. En revanche, comme souvent, quand on s'approche de la mer**, le temps se gâte.
Pourtant, en voici une d'adresse, une petite adresse de rien qui, par parenthèse, peut également faire office d'aire de repos de l'autoroute A9, à hauteur de Sigean, sortie 39. Le Potager se trouve au centre de ce joli village que le progrès a affublé d'un florilège de ces vulgaires atours, commerciaux, urbanistiques ou décoratifs qui, je l'espère, seront nettoyés par les générations à venir. De son restaurant, avec lequel il a eu d'autres vies,  Dominique Macquart a fait un îlot, au cœur de Sigean: de beaux bâtiments agricoles (il est aussi viticulteur), une future terrasse pour son futur bar à vins, et comme son nom l'indique, un potager qui, aux beaux jours, fournit la cuisine. Quoi? Vous voulez que je fasse le journaliste? Que je vous dise que c'est le meilleur restaurant du monde et des environs? Que la déco est sublime? Qu'il est indispensable d'aller y faire semblant de ne pas s'y ennuyer? Never mind the bollocks! Il s'agit d'une grillade, de belles salades. Mieux vaut ça, verdures et un coup de grille, des coustilles dont on connait l'origine que des prétentions gastronomiques qui finissent en queue de poisson. Mieux vaut un type dézingué dont tu vois le bout de l'univers, implanté, qu'un charlot débarqué de la ville qui te la raconte. Je ne suis pas objectif, mais au moins je l'affirme, et je l'assume. Au risque d'être malhonnête, j'aime bien ce genre de petits bouclards qui font vivre la campagne. Ce ne sera pas la meilleure table de l'été, mais au moins elle aura une âme. Nous y croiserons de vrais poètes, je pense à ce Papillon, le voisin, que vous êtes un peu légers d'ignorer (même si l'animalité de Zazie éveille en vous, vicieux, des ardeurs assoupies), ce qu'il faut d'artistes incompris, de femmes aux seins lourds, de vieilles maîtresses, honteuses éventuellement, de copains de circonstance, d'authentiques ennemis, de galeristes déchus que la gifle purifie, de stars de comptoir. Chez Macquart, au Potager, il me semble, j'en suis sûr, nous ne verrons rien de parfait. Tant mieux. 


* M le Maudit comme dit joliment mon camarade, Alain Chabrier, "l'homme au sourire de tueur de cochon" qui à l'enseigne de La Rôtisserie des Carmes à Toulouse continue, contre vents et marées, à faire l'apologie de la cuisine de notaire.

** exception (estivale) faite des paillotes telle celle de Biquet à Leucate, qui ne cherche pas à faire dans la haute gastronomie mais possède, outre sa gentillesse proverbiale, une des plus belles salles à manger du Monde.

Commentaires

  1. Merci Vincent pour cette adresse dans ce désert où je vais pouvoir renouveler dès ce we une petite traversée du désir. Merci de rappeler aussi, la Rôtisserie des Carmes où la cuisine dite bourgeoise au sens noble du terme (en fin tu vois) porte bien son nom et exécute des cuissons merveilleuses. J'ai déjà la tête à l'envers en pensant à ce Potager où je vais croiser devant une vraie grillade, des vraies tronches comme je les aime. Entre les abîmés de la vie, mais d'une belle vie, les vrais terreux burinés, les originaux normaux, bref la palette aux couleurs de comptoir, je vais voyager nature. Si tu as la même adresse du côté d'Arles, je suis preneur, je travaille samedi à Montpellier, dimanche je suis à la Féria d'Arles et hormis les faux restaus et les gastro, je ne connais rien même à 30 kms à la ronde. J'espère que le potager est ouvert lundi. Amicalement.

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    1. A Arles, je recommanderai bien "Chez Ariane"

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