La crise a du bon?
C'est une enquête d'opinion publiée ce matin dans Le Figaro, à l'occasion de la Semaine du Développement durable. On y analyse l'évolution du comportement des consommateurs français. Pas de façon réellement objective puisque ce sont les personnes interrogées qui indiquent sans vérification possible leurs manières d'agir mais cela permet au moins d'afficher des intentions.
"79% [des sondés] affirment trier systématiquement leurs déchets, 47% veillent à réduire leur consommation d'énergie et 45% celle d'eau. Près de la moitié d'entre eux (49%) évitent aussi les produits trop emballés. L'information sur les produits comme le lieu de fabrication et les composants prend de ce fait une importance accrue. 85% des personnes interrogées ont indiqué privilégier les entreprises ayant préservé une implantation locale et 76% ont regretté la faiblesse des informations sur les conditions de fabrication des produits. En revanche seuls 28% pensent à diminuer leur consommation de papier." Bref, au total, près de neuf Français sur dix (88%) estiment que la crise économique devrait être l'occasion de changer de mode de vie et de consommation.
Encore une fois, méfions-nous des bonnes intentions et de l'angélisme de façade. Il n'empêche qu'on peut se demander si, au delà de drames sociaux qui se jouent et vont se jouer dans de nombreux pays, cette fichue crise avec laquelle nous commençons à apprendre à vivre comme avec une bonne vieille rage de dents, n'engendrera pas des effets positifs. Je sais que le fait d'écrire ça, surtout depuis un pays, l'Espagne, et dans une de ses régions, la Catalogne, où l'intensité, la violence des restrictions vont flirter avec l'intenable*, peut choquer. Mais ne doit-on pas "profiter" de l'occasion pour remettre en cause certaines des attitudes qui ont contribué à la situation actuelle? N'est-il pas urgent, par exemple, de modifier profondément nos habitudes de consommation? De réformer radicalement les systèmes de commerce quitte à revenir sur "l'acquis" de ces années où le pouvoir politique a fait le lit de la Grande Distribution? Comme il paraît que se tiennent bientôt des élections, peut-être serait-il utile de débattre de ces questions…
Personnellement, je me souviens d'un petit texte que j'avais écrit pour un magazine toulousain, en octobre 2008 le jour même du crack; l'édito d'un hors-série consacré au bon vivre**, édito dont le titre était Je suis riche.
"Madame Paillares vient de me téléphoner. C'est bon : pour dimanche, elle me tue trois poulets. Bien blancs, bien gras ; trois kilos et quelques, pièce… Ça tombe bien, les vendanges se terminent, on va fêter ça ! Avec un peu de chance, il me reste une bouteille de grenache du minervois et ce merlot ramené de Bordeaux. En entrée, une poignée de rougets (vendangeurs eux aussi), achetés au cul du bateau, tourne et retourne dans l'huile d'olive de Philippe ; en dessert, le laguiole hors d'âge que nous descend le chauffeur d'Aurillac, avec les derniers muscats, doux comme du miel. Autour de la table, mes amis, millionnaires en gestes et en mots. Je suis riche !
Oui, je suis riche ! Pas plus pauvre en tout cas qu'un mois auparavant, que du temps où il fallait aller vite. Si vite ! Trop vite ? Il fallait survoler, picorer, se lasser. Quitte, parfois, à réprimer un haut-le-cœur… Nous avons consommé, gaspillé, brûlé avec cette certitude gonflée des enfants gâtés qu’un lendemain toujours meilleur continuerait de nous ouvrir la porte de son réfrigérateur aseptisé. Eh bien, désormais, nous allons apprendre à « faire sans ». Ou, plus exactement, à « faire avec ».
D'abord, en redécouvrant, ce « délicieux sentiment d'appartenance » décrit par le psychiatre Boris Cyrulnik. En redécouvrant, avec ce qu'il faut de résilience, notre identité, des plaisirs démodés, des proximités qui vont des poulets de Madame Paillares (5,55 euros le kilo, à peine le prix d'une action Dexia… au cours d'aujourd'hui !) à la discrète sensualité du potager de Michel Bras. En évitant aussi de céder au repli sur soi, comme nous le montrent les vignerons bâtisseurs qui du Médoc aux Corbières redéfinissent l'architecture du vin.
Car, enfin, nous le savons depuis si longtemps : vivre ici est une chance ! Et, avec ce hors-série, c'est notre terre nourricière que nous avons voulu célébrer, ce Sud-Ouest généreux où le sourire n'est pas forcément commercial, où la valeur du goût ne se calcule pas qu'en fonction de son prix."
Oui, je suis riche ! Pas plus pauvre en tout cas qu'un mois auparavant, que du temps où il fallait aller vite. Si vite ! Trop vite ? Il fallait survoler, picorer, se lasser. Quitte, parfois, à réprimer un haut-le-cœur… Nous avons consommé, gaspillé, brûlé avec cette certitude gonflée des enfants gâtés qu’un lendemain toujours meilleur continuerait de nous ouvrir la porte de son réfrigérateur aseptisé. Eh bien, désormais, nous allons apprendre à « faire sans ». Ou, plus exactement, à « faire avec ».
D'abord, en redécouvrant, ce « délicieux sentiment d'appartenance » décrit par le psychiatre Boris Cyrulnik. En redécouvrant, avec ce qu'il faut de résilience, notre identité, des plaisirs démodés, des proximités qui vont des poulets de Madame Paillares (5,55 euros le kilo, à peine le prix d'une action Dexia… au cours d'aujourd'hui !) à la discrète sensualité du potager de Michel Bras. En évitant aussi de céder au repli sur soi, comme nous le montrent les vignerons bâtisseurs qui du Médoc aux Corbières redéfinissent l'architecture du vin.
Car, enfin, nous le savons depuis si longtemps : vivre ici est une chance ! Et, avec ce hors-série, c'est notre terre nourricière que nous avons voulu célébrer, ce Sud-Ouest généreux où le sourire n'est pas forcément commercial, où la valeur du goût ne se calcule pas qu'en fonction de son prix."
* L'Espagne n'est pas encore la Grèce, mais je vous assure qu'ici la misère a désormais une dimension palpable. Et je suis parfois un peu gêné quand, arrivant de Barcelone, j'entends en France certaines plaintes et certaines récriminations.
** À ce sujet, n'oubliez pas de rejoindre les rangs de l'Amicale du Bien-Vivre!
Parole de locavore heureux !!!
RépondreSupprimerSi cette crise pouvait réhabiliter les bonheurs (et les plaisirs) simples…
SupprimerElle les réhabilitera,c'est sur,il n'y a qu'à voir en Grèce:http://videos.arte.tv/fr/videos/grece_le_retour_a_la_terre-6354944.html
SupprimerLes followers quittent twitter,version moderne des "rats quittent le navire".
On revient aux "fondamentaux": D'ABORD BOUFFER...
On peut avoir foi en Sarko,en Hollande ou tout autre ,il faut toujours garder à l'esprit qu'ici,notre crise (de foie) ne commencera qu'après les élections....
Ps:"Vin et Cie",un blog à voir et à boir'!!!
Achat ira mieux demain, j'en suis également persuadé mais pas toujours convaincu....l'ego dépassera toujours l'égaux avec notre système misé..libéral. L'Argent à remplacer Dieu et c'est toujours la miséricorde, on n'arrive pas à voir le soleil du "moi doute". J'ai toujours espoir en l'humain et à sa capacité de se dépasser dos au mur, bien sûr que l'angélisme et les bonnes intentions sont présentes, mais avec un PDG de Publicis qui se paie 16 millions d'euros annuel et que tous ses collègues défendent, le doute m'envahit. La mondialisation est favorable à 20% de la planète et ils ne sont pas prêts à lâcher, sauf à reprendre les bases rugbystiques, on te fait péter une générale et les nantis appellent leur mère dès les premiers chipirons, les Grecs et les Espagnols sont tout près de relever la mêlée. Putain, que cela ferait du bien de retrouver cette délicatesse et intelligence des gens de peu mais mais...le combat est difficile et il faut jouer le contournement. Aujourd'hui la vie c'est un match Stade Toulousain contre Saint Juéry, les Tarnais fiers au combat tiennent 10 mn, mais après force est de constater que c'est inégal, et même si à la sortie des vestiaires les femmes des joueurs de Saint Juéry viennent voir leur gros matous, elles ont beau être éprises de la Bastille elles rentrent à la bastide. Restons optimiste, comme déjà dit, si les cours de bourse se cassent la gueule celui qui aura pris des actions dans le pinard pourra toujours le boire, avec Total aie aie et puis l'empire romain a mis 300 ans à se casser la gueule, celui ci mettra moins de temps. Merci de bien vouloir excuser mon style à l'opposé de twitter, je n'ai toujours pas compris si c'est un cousin de la danse.
RépondreSupprimerMerci pour ce long "tweet", Jean-Louis. Sur cet espace de liberté (pour reprendre le terme de Jacques Berthomeau) qu'est Idées liquides & solides, il n'y a pas de limite de longueur…
SupprimerC'est beau de rêver...
RépondreSupprimerC'est grâce à des rêves comme les tiens, Fred, que nous en faisons aussi de beaux.
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