Je ne suis pas un cobaye !


Si j'en crois les journalistes et blogueurs pinardiers tendance "la voix de son maître" qui officient localement, un évènement de portée planétaire se déroule aujourd'hui à Barcelone: La Nariz de Oro Experimenta. Je vais essayer de faire court, disons qu'à côté de la douzaine d'industriels du vin habituels, cette "Expérience" permet d'assister à des évènements exceptionnels comme (je vous assure que c'est vrai!) une "Master Class de Chivas" présentée par le VRP espagnol de Pernod-Ricard ainsi que des "ateliers" ultra pointus où l'on vous vantera les mérites du gin machin et du tonic tartempion et où, grâce au barman de Ferrán Adrià, vous découvrirez les secrets "passionnants" (je cite…) des Tequilas Premium Excellia. Sans oublier l'inévitable concours où sera couronné le brillant dégustateur qui sera capable de déterminer qui utilise 300% de chêne neuf au lieu de 200. Par parenthèse, puisqu'on parle de Nariz de Oro, en plus d'un nez d'or, ils feraient bien d'avoir une bouche de platine, ça leur éviterait de nous sélectionner en permanence des daubes…).


Mais là n'est pas le sujet du jour. Ce qui me frappe, ce sont ces "expériences" en tout genre qui prolifèrent dans le Mondovino, singulièrement dans le NovoMondoVino. "Expérience", c'est le mot qui va bien chez les experts de la communication qui, en Espagne notamment, ont pris en mains les destinées du vin (avec le succès qu'on sait…*). En fait, une International Wine Expérience**, ça se résume à prendre un tire bouchon et à ouvrir quelques bouteilles de vins en général moyens qu'on verse dans des verres en verre pendant qu'un bonimenteur*** vous raconte des salades dans un style ampoulé, le tout dans l'ambiance chaleureuse (parce que surchauffée) des salons ringards d'un Hilton, d'un Mariott ou d'un Sheraton. Quelle innovation! Quelle audace! Dans ce genre de circonstances, on n'en a évidemment rien à faire que le vin soit bon, ce qui compte, c'est qu'il soit "grand" (traduisez cher, boisé et imbuvable…). Dans ces moments-là, il est très important aussi d'avoir une ou deux attachées de presse qui se félicitent à haute voix d'avoir réussi à faire venir autant de pique-assiettes pour bouffer et picoler à l'œil.


Ce mot d'expérience fait d'ailleurs une jolie carrière dans le marketinge en pantalon Tergal, comme la passion en son temps et tant d'autre mots issu du jargon des technico-commerciaux. Et pas que chez les vendeurs de bagnoles et de téléphones portables qui pour conjurer la crise distribuent des avantages-client à tour de bras. Dans la gastronomie créative****, notamment: à El Bulli, par exemple, il y avait une phrase-clef, bien rodée, qui expliquait tout: "mais monsieur, ici, on ne vient pas faire un repas, c'est une expérience!" Bon sang, mais c'est bien sûr! Suis-je bête, pourquoi n'y avais-je pas pensé plus tôt? Une expérience! En plus, privilégié que je suis, VIP que je suis, j'en fais partie! Et du coup, de client on devient cobaye… Cobaye, Guinea-pig, comme le pauvre Olrik dans La marque jaune, avec ses yeux vides, complètement dépossédé de sa personnalité, transformé en marionnette. Vivement, en tout cas, que la mode passe et qu'on en finisse avec toutes ces expériences malheureuses…


* On consomme désormais cinq fois moins de vin en Espagne qu'en France et qu'en Italie.
** L'Abus De Majuscules Est Recommandé Pour Ce Genre D'Évèments Internationaux (Évidemment) Qui Se Doivent Évidemment D'Être Extraordinairement Prétentieux. Et Uniques, Évidemment…
*** dans bonimenteur, il y a menteur…
**** je ne résiste pas au plaisir de partager ce lien qui montre la dernière tendance-plume-au-cul presque aussi géniale que le "goût fumé" des charcuteries industrielles…

Commentaires

Articles les plus consultés