Les résistants de la dernière heure
Rassurez-vous, je ne vais pas à mon tour, dans ce billet, vous casser les oreilles avec des histoires de collabos, de Francisques, de pétainisme et de Croix-de-Feu. Laissons ça meubler la pitoyable campagne électorale française. Ça occupe les tartuffes de tous bords qui pendant qu'ils se lamentent bruyamment sur la montée des extrêmes n'ont pas à s'ennuyer à réfléchir sérieusement aux solutions concrètes susceptibles d'adoucir les problèmes qui ont provoqué cette montée. Mais n'est-ce pas le propre des mauvais médecins que de s'intéresser davantage aux conséquences qu'aux causes? Quoiqu'il en soit, n'hésitez pas à lire les prémonitions de gueule de bois de Jacques Attali dans Slate, ça calme…
Non, si j'évoque aujourd'hui les fameux "résistants de la dernière heure", c'est uniquement pour parler de vin, c'est parce qu'en lisant un article récent de José Peñín, les bras m'en tombent! José Peñín, pour ceux qui ne connaissent pas, est un monsieur important du vin espagnol: il écrit des guides* et tient une entreprise qui conseille les vins qu'il note ensuite dans ses guides. Dans cet article publié sur son blog, José Peñín nous explique qu'il en a marre des vins parfaits. Bien! Et lui aussi se lamente bruyamment, mais sur la banalisation des "grands" vins espagnols faits de la même façon, avec les mêmes techniques, les mêmes cépages et les mêmes bois, dans des chais "aseptisés" qui ressemblent à des "blocs opératoires". Ah bon?
Quand on sait que comme (presque) tous les autres mondainvineux ibériques, ce monsieur était il y a quelques mois encore promoteur, chantre, commanditaire** des "vins 100%", parkérisés et tout le toutim, les "innocents" comme moi ont tendance à s'étonner. Ou à éclater de rire.
Dix après la bataille, la mode est en train de changer en Espagne. Dans les discours, en tout cas. Nous allons nous retrouver avec une bande de "naturistes de la dernière heure", ceux-là même qui vous regardaient avec condescendance quand vous aviez tendance à trouver leurs priorat, ribera, toro, penedes en bois massif un peu lourdingues, souvent technos et généralement ratés. Attention, ce qu'écrit José Peñín est loin d'être ballot, bien au contraire, c'est juste l'anachronisme et le casting qui me font rire. Et puis, j'imagine le tableau, Peñín avec une casquette de titi parisien et des rouflaquettes, ça ne va pas manquer de jus. Il faut absolument que je l'emmène, lui et ses amis, descendre deux trois chopines à Barcelone chez Benoît Valée, à l'Ànima del Vi et à Vinos Artesano. Et que je prévienne dare-dare, en France, les gardiens du temple naturiste, Antonin le bondissant, Olivier "Olif" Grosjean et Franck Bayard, le mélanchoniste liquide, que souffle d'Espagne un vent nouveau qui s'apprête à les balayer, qu'il sont battus à plates coutures et que ce ne sont pas eux qui vont tondre celles qui ont couché avec les boches. Uranus, nous voila!
Allez, c'était de l'humour, juste pour rire. Et se moquer un peu. Juste pour me souvenir de cette merveilleuse phrase sur "le soyeux bruissement des doublures de ces vestes qu'on retourne" que m'avait glissée Philippe Lapousterle durant une autre campagne présidentielle, celle de 95. Pour me souvenir aussi de celle, superbe, qu'on attribue à Edgar Faure: "ce n'est pas girouette qui tourne mais le vent". Pour dire au(x) nouveau(x) converti(s), qu'il vaut mieux croire en ses convictions qu'à la mode. Et que le ridicule ne tue pas.
Parce que comme on dit au Café du Commerce, il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis. Certes. Le problème, c'est que les imbéciles, comme les cons d'Audiard, ça ose tout, y compris exagérer le mouvement du balancier. Et en faire un peu trop, ce qui nous ramène aux résistants de la dernière heure…
* dans le même genre, il y a aussi ici les gens qui écrivent des articles sur des vins qu'il vendent ensuite dans leurs boutiques et tout le monde trouve ça normal (sauf le consommateur final qui lui ne boit plus de vin…)
** un vigneron me racontait notamment un jour comment José Peñín expliquait en goûtant un vin que si on l'avait fait comme ci ou comme ça (en fait en mettant plus de bois neuf) plutôt que comme ça ou comme ci il aurait eu une note de 96 au lieu de 92/100…
Gardien du temple naturiste, c'est un vrai travail, ça? Mais puisqu'il en faut.
RépondreSupprimeres vins natures espagnols, j'en ai quelques-uns dans ma cave. Des épatants, des moins parfaits et d'autres, que l'on m'a offerts et que je n'ai pas encore goûtés. Va falloir, pur continuer à garder le temple...
Cela me rappelle un de mes amis à qui je demandais si un autre de mes amis vignerons pouvaient améliorer son vin, me répondit "oui, peut-être, mais le talent, cela ne s'invente pas"
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