Enfin un bar à vin ! (interdit aux snobs)


Des bars à vin, il y en a de toute sorte. Des classiques, des chics, des joyeux, des coincés-du-cul, des bobos, des prétentieux, des généreux, des radins, des savants, des élégants, des ennuyeux, des vulgaires… Pour le dimanche de Pâques, j'en ai trouvé un vrai, tout simplement. C'était en Galice, sur cette "île" montagneuse, celte, qui s'enfonce bravement dans l'Atlantique*. Au sud, à Verín, à la frontière portugaise, au 99 de l'avenida Luis Espada.
L'endroit s'appelle A Canteira, ce qui, si je ne dis pas de bêtises, signifie "la carrière" en galicien. On y fait bistrot, maison de la Presse et on y sert quelques tapas locaux dont des tripes, excellentes dans cette région d'Ourense. Mais ce qui frappe quand on entre dans ce bar, d'autant plus quand on arrive de Barcelone où la bière n'a comme concurrent que le gin-tonic et le Coca-Cola, c'est de voir que tout le monde ici, les jeunes comme les vieux, boit du vin. Au verre, à la bouteille, blanc ou rouge, peu importe. À l'heure de l'apéro, le vin, c'est la boisson d'A Canteira. Évidemment, comme dans tous les miracles, il y a une explication logique. La première, c'est que nous sommes dans un pays de vin, dans un pays où beaucoup de gens ont encore leur petite vigne familiale à partir de laquelle ils produisent leur barricot; du coup, boire du vin, ici, n'a rien d'extraordinaire, il est un compagnon quotidien mais aussi, ça se sent, un élément du patrimoine populaire, bien plus en tout cas que dans d'autres régions espagnoles comme la Catalogne où la culture s'est beaucoup plus américanisée, ou au moins internationalisée.

La seconde explication de ce miracle de la transformation de la bière en vin (ou plutôt du fait qu'on n'ait jamais changé le vin en bière**) c'est que, dans ce bistrot de Verín, le vin est bon et pas cher. Car Mirito (à gauche sur la photo du haut), le taulier n'est autre que le frère de José Luis Mateo, un des rares vignerons espagnols au sens noble du terme, un viñerón comme on dit désormais pour distinguer ces seigneurs des industriels de la viticulture ibère. Et José Luis Mateo vend à son frère, en tiré-bouché, tous les jus issus de ses jeunes vignes ou de cuvées qui ne lui conviennent pas complètement. Le résultat est évidemment hors-norme: le blanc est vif, frétillant, primesautier, sans aucun des défauts que l'on trouve en général dans les blancs de la péninsule, lourdauds ou technos (ou les deux à la fois); le rouge est frais mais gourmand, plus profond et sincère que la majeure partie des "grands crus espagnols" (humour…) à cinquante, cent ou deux cents euros. Parlons d'argent, justement, car ce vin-là a un prix: soixante centimes le verre (bien servi!), trois euros cinquante la bouteille. Pas besoin de réunir des symposiums, de convoquer des masterclasses ou d'organiser des colloques d'experts et d'enfumeurs en tout genre, pour comprendre pourquoi ici on croit encore à l'eucharistie tandis que d'autres noient leur modernité dans la mousse.


PS: une alternative pour ceux (les pauvres!) qui n'aiment pas le vin, on trouve chez Mirito une excellente boisson locale, l'eau, con o sin gas, issues des très célèbres sources de Verín.



*j'ai tant de choses, tant de gens, tant de beauté à vous raconter! Ce vieux pays est exaltant.
** pour mémoire, on boit aujourd'hui autant de bière en Espagne qu'en Allemagne ou en Grande-Bretagne, dans les 80 litres/an/habitant mais cinq fois moins de vin qu'en France ou en Italie.

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