Les nouveaux curés.
Drôle d'époque, vraiment. Je me refuse à utiliser ce terme de décadence, mais le mot me brûle les lèvres. Comme si nous étions en train de vivre sinon la fin d'une civilisation, en tout cas un reflux (au mieux) temporaire. Le n'importe quoi flotte dans l'air, tout est possible (y compris le pire), les repères ont explosé, plus de garde-fous. Nous pourrions parler de politique, mais il en sera suffisamment question en France dans les mois à venir, je vais éviter de vous ennuyer avec ça ici.
Hier, mon regard s'est arrêté sur une petite "information" de rien, piochée dans Le Figaro qui, au kilo en tout cas, traitait ça au même niveau que la chute d'Alep ou une interview de chef d'état: le moine bouddhiste Matthieu Ricard, traducteur du Dalaï-Lama, signe avec un pâtissier parisien, qui est sûrement une "star" mais dont j'ai oublié le nom, une bûche de Noël. Une bûche de Noël vegan comme l'impose sa religion à ses fidèles (mais visiblement aussi, en douceur*, à ceux qui n'en sont pas). À quand un sapin en forme de stūpa?…
Hier, mon regard s'est arrêté sur une petite "information" de rien, piochée dans Le Figaro qui, au kilo en tout cas, traitait ça au même niveau que la chute d'Alep ou une interview de chef d'état: le moine bouddhiste Matthieu Ricard, traducteur du Dalaï-Lama, signe avec un pâtissier parisien, qui est sûrement une "star" mais dont j'ai oublié le nom, une bûche de Noël. Une bûche de Noël vegan comme l'impose sa religion à ses fidèles (mais visiblement aussi, en douceur*, à ceux qui n'en sont pas). À quand un sapin en forme de stūpa?…
Oui, je sais, chacun fait ce qu'il veut, prie comme il veut (ou pas), mange ce qu'il veut. Sur ce dernier point, je suis à peu près d'accord. En plus, je n'aime pas la bûche, c'est vraiment le dernier dessert que j'ai envie de servir à Noël. En revanche, ce dont j'ai une indigestion, c'est de ces leçons de morale permanentes, de ces "curés" qui viennent par dessus mon épaule regarder dans mon assiette, tentent de me faire culpabiliser, me désignent d'une certaine façon comme un salaud. Bouddhistes tibétains ou pas, je les emmerde! Tout autant qu'un imam qui va me gonfler avec le porc ou le vin, plus encore, car l'imam, lui, en théorie, ne s'intéressera qu'à ses ouailles.
Voilà pourquoi j'étais ravi quelques heures plus tard de recevoir un petit mot de Pauline Xiradakis me présentant le dernier numéro du Potiron bleu. Xiradakis, vous connaissez le nom, pas besoin de faire les présentations: Bordeaux, La Tupina, une table d'ailleurs que fréquentait assidument le père de Matthieu Ricard, Jean-François Revel, gastronome passionné, érudit**, que j'ai eu la chance de croiser là-bas. Le Potiron bleu, c'est une revue épisodique qu'imprime à compte d'auteur Jean-Pierre Xiradakis pour "défendre et sauvegarder les traditions gastronomiques du Sud-Ouest". Sauf que là, c'est Pauline (ci-dessous), qui a pris le taureau par les cornes et pousse un coup de gueule salutaire à propos du moralisme et des sensibleries à la mode qui détruisent notre patrimoine, en l'occurrence, la chasse à l'ortolan. "Notre maison brûle et nous regardons ailleurs" écrit intelligemment la digne fille de son père***. Je lui laisse la parole.
"On devrait toujours se méfier des guerres contre les symboles, les foulards agités vers un ennemi qui prend toute la place, dédouanant tous les autres, cachant toutes ses rami cations et les complexités de ses torts. On regarde les chasseurs d’un œil torve, on focalise sur la muleta, puis on écarquille les yeux devant les vidéos de l’abattage industriel... Le regard est perpétuellement attiré vers un point précis, un combat pour l’exemple, une image forte, un symbole à détruire. La modernisation de notre société se nourrit de ces combats. Mais sont-ils toujours justes ? Les traditions sont-elles les ennemies de notre modernité aujourd’hui..?
Les traditions du Sud-Ouest donnent la nausée à n’importe quel écologiste : foie-gras, ortolans, tauromachie... Pour le bien-être animal, il va falloir cesser. Cesser de les orchestrer, de les élever, de les gaver, de les tuer et de regarder leur mort, de les manger. Il y aurait alors des plaisirs immenses qui disparaîtraient de notre civilisation mais quel argument..! Certains ont dû le dire de l’esclavage... La planète finirait-elle par se nourrir uniquement de légumes non traités et les animaux nous envahiraient-ils de leur présence ? Le pari aurait du panache mais la probabilité pour que la race humaine devienne végétarienne dans les siècles à venir semble limitée.
Le terroir du Sud-Ouest est une terre de viandes, de gibiers, d’élevages. Un terre migratoire, pour les oiseaux et pour les hommes, où les traditions des uns se sont agrégées aux traditions des autres. Le patrimoine culinaire est une des richesses de notre région. L’animal a eu dans l’histoire du pays une place de choix, dans la ferme, dans l’assiette, dans l’arène. Le Sud-Ouest peut avoir l’air de représenter un hédonisme gascon un peu barbare et archaïque mais qui ne l’est pas tant. Lorsqu’on s’attaque aux images faciles de la souffrance de l’animal, on s’inflige souvent des oeillères sur tout le reste. Quand il y a une main qui nourrit ou qui gave, qui élève, qui chasse, qui tue une bête, elle aura été dirigée avec respect, connaissance et reconnaissance. L’industrialisation de la production de viandes n’a-t-elle pas été la plus grande violence faite à la condition animale depuis toujours ? La chasse à l’ortolan, tolérée en France mais dont les gestes en cuisine se perdent déjà, contraint le pays à un deuxième avertissement de la Commission Européenne qui en demande l’interdiction. Le chasseur landais devient l’ennemi à abattre pour préserver l’ortolan. Les groupes de pression pour la défense des oiseaux migrateurs en guerre contre les chasseurs, c’est les écolos des villes qui combattent les écolos des champs. Alors que le changement climatique menace l’extinction d’une espèce animale sur six, on s’empêche, entre humains de la même espèce, de décoller nos yeux du petit bout de la lorgnette de petites guerres injustes où le bien-être animal ne gagne rien."
Les traditions du Sud-Ouest donnent la nausée à n’importe quel écologiste : foie-gras, ortolans, tauromachie... Pour le bien-être animal, il va falloir cesser. Cesser de les orchestrer, de les élever, de les gaver, de les tuer et de regarder leur mort, de les manger. Il y aurait alors des plaisirs immenses qui disparaîtraient de notre civilisation mais quel argument..! Certains ont dû le dire de l’esclavage... La planète finirait-elle par se nourrir uniquement de légumes non traités et les animaux nous envahiraient-ils de leur présence ? Le pari aurait du panache mais la probabilité pour que la race humaine devienne végétarienne dans les siècles à venir semble limitée.
Le terroir du Sud-Ouest est une terre de viandes, de gibiers, d’élevages. Un terre migratoire, pour les oiseaux et pour les hommes, où les traditions des uns se sont agrégées aux traditions des autres. Le patrimoine culinaire est une des richesses de notre région. L’animal a eu dans l’histoire du pays une place de choix, dans la ferme, dans l’assiette, dans l’arène. Le Sud-Ouest peut avoir l’air de représenter un hédonisme gascon un peu barbare et archaïque mais qui ne l’est pas tant. Lorsqu’on s’attaque aux images faciles de la souffrance de l’animal, on s’inflige souvent des oeillères sur tout le reste. Quand il y a une main qui nourrit ou qui gave, qui élève, qui chasse, qui tue une bête, elle aura été dirigée avec respect, connaissance et reconnaissance. L’industrialisation de la production de viandes n’a-t-elle pas été la plus grande violence faite à la condition animale depuis toujours ? La chasse à l’ortolan, tolérée en France mais dont les gestes en cuisine se perdent déjà, contraint le pays à un deuxième avertissement de la Commission Européenne qui en demande l’interdiction. Le chasseur landais devient l’ennemi à abattre pour préserver l’ortolan. Les groupes de pression pour la défense des oiseaux migrateurs en guerre contre les chasseurs, c’est les écolos des villes qui combattent les écolos des champs. Alors que le changement climatique menace l’extinction d’une espèce animale sur six, on s’empêche, entre humains de la même espèce, de décoller nos yeux du petit bout de la lorgnette de petites guerres injustes où le bien-être animal ne gagne rien."
Dans ce même numéro du Potiron bleu, je ne saurais trop vous conseiller de lire, outre les recettes d'oiseaux, le texte qui traite précisément de la quête de l'ortolan, celui de Michel Guérard. Foncez-y, c'est au bout de ce lien. S'adressant à d'autres "nouveaux curés", le chef landais y rappelle que, tant qu'à se lancer dans de grandes croisades rurales, il serait d'abord nécessaire de sauver ces campagnes qui se meurent, et où le chasseur, avec sa matole, dernier des Mohicans, est devenu une espèce en voie de disparition, plus encore que les petits piafs décimés par les pesticides. Ce qui, par parenthèse, n'est pas sans me rappeler un de mes vieux articles, alors que l'on lâchait les premiers ours dans les Pyrénées et que je m'interrogeais sur la nécessité d'y réintroduire encore plus urgemment l'Homme…
* Ce que je veux dire, c'est que c'est tout le talent de propagande, de communication comme on dit maintenant, des tenants de cette religion qui, par parenthèse, est moins "cool" dans ses pays d'origine: ils ont inventé la religion light, à la carte, flexible.
** Si ce n'est pas déjà fait, dévorez Un festin en paroles, un des seuls livres de bouffe utiles.
** Si ce n'est pas déjà fait, dévorez Un festin en paroles, un des seuls livres de bouffe utiles.
*** Qui en matière d'oiseau n'est pas un perdreau de l'année. Lire ici.
C'est parce-que tu n'as jamais goûté la bûche de ma grand-mère que tu n'aimes pas ce gâteau. Personne n'est jamais arrivé à la faire comme elle. Malheureusement. J'en parlais encore hier. Déballer l'enveloppe en aluminium qui l'entourait, dans le train de nuit menant à Chamonix, il y a pas loin de quarante ans. Tiens, je vais demander la recette à ma mère et tenter de la faire.
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