Si loin des baudruches.
Elle était là, à cinquante mètres de la mairie, carrer de la Ciutat, répudiée, abandonnée à elle-même, redevenue un objet plastique, une fois le plaisir, l'éventuel plaisir, assouvi. Rencontre cocasse, moi sur mon vélo moche*, elle démantibulée, grimaçante, negra** offerte aux coups de canne des vieux et aux moqueries des gamins.
Je venais de boire, pardon, de tenter d'ingérer un verre d'une de ces bouteilles où tu te dis, même si tous les goûts sont
dans la Nature, que le Mondovino est gravement pollué par les
snobs et les becs-de-zinc, subtil métissage du buveur d'étiquettes d'antan et du fabuleux couple d'Ab'Fab'***, Edina et Patsy. Frénétiquement, ils se jettent sur les marques dont on parle, sur les starlettes du moment qui coûtent et n'offrent pas grand chose en retour, sauf aux vendeurs de fringues reconvertis dans le pinard.
Alors, en pédalant, en hommage à l'inattendue poupée gonflable, j'ai pensé au côté "baudruche" de ces vins qu'on te balance à la poire, en t'expliquant à quel point ils sont géniaux. Et a contrario (comme une menace sourde), à quel point il faudrait que nous soyons nullissimes / incultes / ringards / vieux / provinciaux / sarkozystes / prolos (rayez les mentions inutiles) pour ne pas entendre leur sublime différence. Qu'on "n'a pas le droit" de ne pas aimer.
Alors, en pédalant, en hommage à l'inattendue poupée gonflable, j'ai pensé au côté "baudruche" de ces vins qu'on te balance à la poire, en t'expliquant à quel point ils sont géniaux. Et a contrario (comme une menace sourde), à quel point il faudrait que nous soyons nullissimes / incultes / ringards / vieux / provinciaux / sarkozystes / prolos (rayez les mentions inutiles) pour ne pas entendre leur sublime différence. Qu'on "n'a pas le droit" de ne pas aimer.
Et, en quelques rues, quelques centaines de mètres à travers le Gótico, je me suis retrouvé d'un seul coup à des années-lumière du vin que nous avions bu la veille, goulûment. Dont j'avais photographié le cadavre cinq heures auparavant, dans un levant plus méditerranéen que nature.
Olivier Rivière, je vous en ai déjà parlé, fait des vins "sérieux". Comme tous les grands vignerons finalement. Des vins qui ne cherchent pas à paraître. À bricoler avec la mode. Quand je l'ai appelé pour lui dire que je m'étais régalé de cette bouteille achetée dans une gentille cave de Gracia, il m'a juste dit que pour en arriver là, il ne faisait rien de bien extraordinaire. Aucun gimmick branchouille dont la simple évocation fait vibrer l'amateur de vins gonflables, pas d'amphore (qui va finir par devenir le "100% bois neuf" des années 2010…), ni de poudre de perlimpinpin, rien, juste du travail bien fait, méticuleux, précis. Osons le mot: technique.
Alors bien sûr, il y a le sol****, les limons sablo-calcaires sur grès (30% de calcaire actif tout de même) de cette parcelle de Navaridas, en Alava, la Rioja basque, fraîche, appuyée sur la sierra de Cantabria. Une vigne, plantée en 1930 par un ancêtre du vieil Eusebio auquel Olivier Rivière, l'étranger, le gabatxo, l'a rachetée. 2013 est son premier millésime, "un millésime de merde" me résume Olivier qui visiblement n'est pas bordelais et n'a pas la chance tous les ans d'être béni des dieux. "Deux gelées au printemps (terroir frais on vous dit…) et un été bien pourri!" En cave, une vinification traditionnelle, éraflée, avec remontage, pigeage puis élevage en demi-muid.
Pourtant, in fine, il y a cette bouteille. Rare. Il n'y en eu que six cents en 2013. Et ça, je peux vous garantir que ce n'est pas du flan, j'étais chez l'imprimeur pour le tirage!
Oui, parce que beaucoup d'entre vous le savent, cette chronique, ce n'est que du copinage*****, voir du tapin. Olivier, je lui fais ses étiquettes depuis des années (comme celle de ce grenache de Navarre, ci-dessus, que vous découvrirez bientôt). Donc, c'est normal que je dise du bien de lui, non? Copains, coquins, délices d'initiés…
Plus sérieusement, j'adore ce rouge à la fois dense et frais. Le tempranillo, montagnard, n'y est pas du tout variétal, rehaussé d'une pincée de graciano et de carignan, il se boit comme un pinot frétillant. Corpulent mais frétillant. "Là, il y a du vin" diraient certains maîtres d'Olivier, je pense notamment à un autre pote, Élian Da Ros, dont mon petit doigt (souvent bien informé) me dit d'ailleurs qu'il va dans quelques jours nous ressortir un nouvel Outre-rouge, cet hommage gourmand à Soulages.
Losares, pour y revenir, cette parcelle de Rioja dont le vigneron n'a pas le droit pour d'obscures raisons administrativo-industrielles d'indiquer la provenance exacte****** (le nom même du village est interdit!), c'est le type même de ces vins, plus rock n'roll, qui ont tout changé à notre regard sur les rouges d'Espagne. Finies les caricatures, les pipes-à-Pinocchio, les techno-boisés vulgaires. Qui eux aussi, pour la plupart, se sont dégonflés comme de grosses baudruches.
* Les horribles "minivélos" du Bicing barcelonais, rouge et blanc sales, aussi démantibulés et abandonnés que la poupée gonflable de la carrer de la Ciutat.
** En espagnol, noire et négresse se confondent.
*** Absolutely Fabulous évidemment, cette géniale série TV anglaise. Extraits.
**** Après cartographie des sols, Olivier Rivière n'utilise en fait que les meilleurs parties de la parcelle pour ce vin. Il fait même des analyses micro-biologiques de ses jus, quelle honte! Alors qu'il pourrait les laisser se dégrader naturellement…
***** Et lisez (ici), ce n'est pas une première! Je vais bientôt finir comme les marchands de vins / blogueurs!
***** Comme je vous l'avais expliqué ici, les changent (peut-être…).
**** Après cartographie des sols, Olivier Rivière n'utilise en fait que les meilleurs parties de la parcelle pour ce vin. Il fait même des analyses micro-biologiques de ses jus, quelle honte! Alors qu'il pourrait les laisser se dégrader naturellement…
***** Et lisez (ici), ce n'est pas une première! Je vais bientôt finir comme les marchands de vins / blogueurs!
***** Comme je vous l'avais expliqué ici, les changent (peut-être…).
Copinage sans doute pas. Mais en revanche, j'ai l'impression que tu leur fais "un peu plus" que les étiquettes à tous ces domaines avec lesquels tu travailles.
RépondreSupprimerEt ce n'est pas du tout un reproche.
La puce à l'oreille (plus exactement à la bouche), m'est venue en goûtant lors d'un même repas différents millésimes des vins de Combel-la-Serre.
J'ai trouvé une différence de style assez nette à partir de 2014. Un "style" effectivement "dense et frais" que je retrouve aussi bien dans les vins de Combel-La-Serre donc, d'Olivier Rivière, mais aussi dans les cuvées "Esprit d'Automne" de Borie de Maurel (j'ignore si tu travailles toujours avec eux) et, dans mon souvenir, à certaines cuvées de... (attention je vais me faire lyncher) Castelmor...
Peut-être tout simplement que j'aime un certain style de vin, et comme je ne travaille qu'avec des gens dont j'aime les vins…
SupprimerOn notera d'ailleurs que pour ce qui est de la coopé de Castelmort, brillamment reconvertie au Roundup à dose massive, j'ai arrêté.