Robuchon, le Mc de Donald's.


Le "droit de suite", qui est aussi un devoir, fait partie des piliers de la Charte d'éthique professionnelle des journalistes, édictée en France il y a presqu'un siècle, en 1918. Un principe, parmi tant d'autres, qui peut sembler aujourd'hui désuet quand la Presse, par souci de rentabilité immédiate, pompe et survole, surfe et moutonne. Peu importe, soyons démodés, et appliquons au blog ce "droit de suite" que le journalisme new school a si souvent oublié.


J'avais promis, donc, en l'annonçant, d'aller chez McDonald's goûter les menus étoilés, michelinés, proposé en ce printemps espagnol par deux stars de la gastronomie locale*. Nous y voilà, à la porte du n°60 de la rambla dels Caputxins, presque en face du Liceu, "l'Opéra barcelonais", à deux pas de chez moi. On ne va pas se faire une visite complète, vous connaissez le principe, ça pue, odeur caractéristique de graisse sale et de détergents bon marché.
Droit au but, je commande le menu Grand McExtreme que celui qui tient lieu de sommelier me conseille d'arroser d'un Caca-Cola, me proposant même une version "régime" ce qui reste une des meilleures plaisanteries du siècle. Dans les étoilés, il faut toujours suivre les conseils du sommelier…


À pile ou face, c'est Ramón Freixa qui a gagné, tant pis pour Dani García, l'initiateur de cette entrée de la gastronomie chez McDo, le meneur. Me voilà donc équipé du burgeeeer comme disent les foodistes,  burgeeeer concocté par un des rares enfants du pays à avoir triomphé à la capitale, puisque le cuistot, passé notamment chez Bras, a décroché deux étoiles Michelin à Madrid tout en servant de caution du Guide des Pneus à la version espagnole de Masterchef Junior, émission de malbouffe-réalité bien connue.


Je déballe mon trésor (il y a forcément plusieurs couches d'emballage) et tombe sur ce que vous voyez ci-dessus. C'est un fait, ça ne sent pas bon. Un peu l'odeur d'une vieille poubelle dans laquelle on aurait oublié un reste de spaghetti bolognese de marque-distributeur. Goûtons. C'est vraiment infect, très sucré, plus qu'un hamburger normal de la chaîne. C'est la sauce tomate rance qui domine, ce qui tient lieu de viande, l'espèce d'agglomérat de tissus animaux (espérons qu'il n'y ait que de l'animal…) est de toute façon rendu à l'état de semelle. Je ne pense pas que je l'aurais mangé saignant.


Tant qu'à détailler ce menu deux étoiles Michelin® (les étoiles sont partout, sur les emballages, les sets de tables, les affiches, les menus) attardons-nous sur ce qui tient lieu de frites. J'en suis presque à me demander si elles ont réellement un quelconque lien de cousinage avec la pomme de terre. Allez, en hommage à la grande gastronomie héritée d'Adrià et de Roca, on va dire qu'elle sont déstructurées. Ce qui signifie qu'on peut y trouver toute la merde d'usine possible.


Sur le Caca-Cola, je réserve mon avis, le sommelier l'a servi trop frais (même les meilleurs peuvent se tromper…), je n'ai donc pas pu comprendre tout l'intérêt de la démarche du producteur (c'est comme ça qu'on est obligé de dire désormais quand on trouve un vin dégueulasse, pour ne pas froisser…). 
De toute façon, si comme moi vous avez un avis à donner, si vous souhaitez jouer au Bibendum amateur, vous avez le QR code ci-dessous qui vous permet de vous exprimer.


Tout cela évidemment serait drôle si ce n'était pas triste. Quand, le premier, Dani García avait franchi le Rubicon, j'avais d'ailleurs comparé avec de la prostitution cette collaboration (le mot prend ici un certain sens) de ceux qui sont censés défendre le patrimoine gastronomique. Et franchement, là, maintenant, en éructant l'odieuse merde que je viens d'ingérer, je tiens à m'excuser. Je demande pardon aux putains, à celles que j'ai aimées, et même à celles que j'ai détestées, à toutes les putains: vous n'avez évidemment, mesdemoiselles, mesdames, rien à voir avec cette ignominie. Vous, c'est votre vulve, votre anus, vos mains, vos bouches que vous louez, Ramón Freixa et Dani García, eux, ont vendu leur âme. Et c'est autrement plus grave.


Heureusement, le saint-père de la cuisine en série, reproductible, le Pape du merchandising vient de les absoudre de ce péché capital. Joël Robuchon (ça rime avec Fleury-Michon) a fait le déplacement de Marbella, il y a quelques jours pour poser en veste de cuisine (il faut bien que ça serve à quelque chose…) en compagnie du petit génie de McDo
Dani García, en maître de cérémonie, est évidemment ravi, Ramón Freixa aussi j'imagine. En d'autres temps, ils se seraient pris une volée de bois vert pour leurs méfaits, une pénitence au moins, là, le maître (entouré des chimistes Adrià, Roca, Dacosta) vient sur leurs terres les adouber, les encourager. Les soutenir.




* Si vous avez manqué l'épisode 1, c'est ici. On y apprend comment les étoiles du Guide des Pneus sont devenues le meilleur argument de vente de Ronald McDonald.



Commentaires

  1. Triste ! Toute la misère du monde étalée dans ces lignes ! Je cours à la recherche de chair, de sentiment, de vin histoire de me refaire l'esprit.

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  2. Angoissant vive la bonne bouffe bien de chez nous, avec des produits du terroir, et l'amour que nous donne nos petits producteurs.

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