De père en fils?
Il existe un moment crucial dans la vie d'un domaine viticole: la succession. Qui va continuer l'œuvre? De quelle façon? Avec quelle philosophie? Les vins seront-ils les mêmes, moins bons, meilleurs? On a vu tellement de crus estimables péricliter d'une génération à l'autre, d'autres aussi prendre un nouveau départ.
Et puis, il y a aussi le cas de figure qui s'est posé à Guy Bossard, un des vignerons emblématiques de cette appellation formidablement méconnue qu'est le Muscadet. Guy Bossard, de toute façon, n'a jamais vraiment fait comme les autres. Dès 1972, alors que le Progrès, la modernité sous forme d'engrais chimiques et de pesticides change les habitudes du vignoble, il décide en reprenant la viille exploitation familiale, le Domaine de l'Écu, au Landreau, de continuer comme avant. Il opte même pour le bio, ce qui n'est pas du tout à la mode en France à cette époque où le candidat écolo à l'élection présidentielle roulait à vélo et passait pour un doux dingue. Il est certifié et sur les traces de Mark Angéli se convertit à la biodynamie à partir de 1992.
Mais, dans les années 2000 se pose donc le problème de la succession, pas de Bossard pour succéder à un Bossard. Arrive Fred, Frédéric Niger Van Herck. Cet amoureux du vin voulait être avocat, monte une boîte d'Internet et, à l'approche de la quarantaine, a envie de prendre le large. Il reprend les études, fait un BTS Viti-Œno et plusieurs stages chez Guy Bossard. De là naît l'idée: mieux que de simplement acheter le Domaine de l'Écu, Fred va succéder à Guy.
Car, depuis plusieurs années, les deux hommes travaillent ensemble leurs vingt-deux hectares de vignes nantaises. La passation de pouvoirs, la transmission du savoir s'opèrent en douceur. Avec, comme il se doit, quand on passe d'une génération à l'autre, des changements, quelques nouveautés, d'autres envies. Influencé "par ses lectures" (cf. les bouteilles sur l'if photographié ci-dessous), Fred met un poil de soufre en moins dans les vins, cherche un poil plus de minéralité, de tension (même si quelques rabat-joie syndicaux essayent de l'en dissuader). C'est particulièrement sensible sur les 2011; la cuvée Granite est une splendeur, et sûrement, dans le respect de la "tradition familiale" une grande bouteille de garde. Il accorde aussi une attention toute particulière aux quelques hectares de rouges du domaine, j'ai goûté une rareté, un pinot noir sur gneiss, précieux, distingué et tellement inattendu.
Bref, à La Bretonnière, le fils Niger succède gentiment au père Bossard, sans que l'Écu ne perde la face. Pour le plus grand bonheur de tout ceux qui, comme moi, adorent ce grand cru du Muscadet à huit euros TTC.
PS: par hasard, je suis tombé hier au Salon des Vins de Loire sur une autre histoire du même tonneau, dans un autre domaine dont j'apprécie les vins, Pichard à Chinon, repris en douceur par Francis Jourdan et son épouse.
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