Ringarde ou tendance, la France?


Si l'on en croit les Anglais, la messe est dite. La France est au fond du trou, elle est même, selon le dernier numéro de The Economist, "une bombe à retardement au cœur de l'Europe". Il est vrai que quand on revient dans l'Hexagone, on entend parfois des discours angélistes, d'un optimisme qui laisse parfois rêveur, comme si la crise mondiale qui frappe le vieux Continent de plein fouet s'était arrêté aux frontières de la France. Comme le nuage de Tchernobyl. L'avenir, plus ou moins proche, nous dira ce qu'il en est.


Économiquement ringarde aux yeux des Britanniques, la France serait-elle en train de redevenir tendance en Amérique? Mais, là, c'est de vin dont il s'agit. Un des thermomètres qui permettent de mesurer notre cote d'amour outre-Atlantique, c'est le classement annuel des cent meilleurs vins dressé par le Wine Spectator, le plus gros magazine pinardier au Monde, jusqu'à quatre cent mille exemplaires revendiqués. Les crus tricolores connaissaient une petite baisse de forme depuis deux ans, avec un point bas en 2010, un seul Français dans les dix premiers (et encore, dixième!), le châteauneuf blanc du Clos des Papes millésime 2009. Ça remontait un peu l'an dernier, mais nous étions encore un peu loin (3,9,10). Cette année, même si le WS Top 100 2012 n'a pas encore été intégralement révélé, le magazine laisse officiellement fuiter quelques résultats que voici.
Le nom du winner ne sera annoncé que le 19 novembre; sera-ce un yankee (comme souvent…)? Nous verrons*. En revanche, le deuxième, lui, est français puisqu'il s'agit d'un gigondas, le Château de Saint-Cosme 2010. Et, le quatrième (avec une syrah de la Barossa intercalée), lui aussi, fait cocorico, c'est un habitué, le Clos des Papes 2010. Tout comme le cinquième, le sauternes de Château Guiraud 2009 (ça mettra du baume au cœur à un de ses co-propriétaires, Robert Peugeot qui est un peu moins en veine avec une autre de ses activités). Mais aussi le sixième! Encore un bordeaux (alors qu'on leur faisait un peu la gueule depuis les chinoiseries tarifaires de 2009), l'excellent Léoville-Barton, lui aussi en 2009, un millésime qui ne pouvait que réjouir les palais américains. Suivent, pour fermer ce peloton de tête, un pinot noir de l'Oregon, un cabernet-sauvignon de la Sonoma, un brunello-di-montalcino et un malbec argentin.


Alors, évidemment, tout cela est formaté au goût américain, dépend de ce qui est importé massivement sur le continent et ce ne sont pas nécessairement les bouteilles sur lesquelles nous allons nous précipiter en premier. Qui plus est, vous savez ce que je pense ces classements qui, au mieux, ont un petit côté "inventaire à la Prévert". N'empêche qu'on a envie de voir dans ce Top 100 une pointe de géopolitique**, mais aussi l'expression d'un retour sur le devant de la scène du vin français dans son ensemble. Parce que, s'il est vrai qu'on trouve désormais de jolis canons dans le Monde entier, sur les deux hémisphères, il faut reconnaître que le vignoble hexagonal, malgré les baffes que lui balancent régulièrement dans la figure les gouvernants locaux, demeure hautement compétitif. Et ce, dans pas mal de compartiments du jeu. Qu'il s'agisse des vins "de prestige", de l'innovation (le tournant bio par exemple) ou du secteur des bouteilles à boire, entre cinq et quinze euros (prix TTC français), nous n'avons, quoi qu'on en dise, pas à rougir de notre savoir-faire et de nos terroirs. Bien au contraire. Les chiffres des exportations de vins et spiritueux (on en revient à l'économie…) sont d'ailleurs là pour en témoigner: avec 8,3 milliards d'euros d'excédent en 2011, il s'agit du second poste de la balance commerciale française, derrière l'aéronautique et devant l'industrie des parfums. Cocorico!


* (addenda du 16/11) Comme c'était probable, le vin de l'année du Top 100 du Wine Spectator, révélé à l'instant, est un vin californien (Shafer Vineyards Relentless napa-valley 2008), il n'empêche que la percée française mérite d'être saluée.
**La façon d'établir le classement est assez complexe. Tous les vins font partie de ceux qui ont été précédemment goûtés, à l'aveugle nous assure-t-on, lors des différentes dégustation organisées par les critiques du WS. À cette note "de qualité",  s'ajoutent trois autres critères: le rapport qualité/prix, la disponibilité sur le territoire américain (plus on en importe de caisses mieux le cru est noté) et un"X-Factor" assez subjectif, lié à l'attrait, au symbolisme, à la nouveauté, etc… de ce vin.

Commentaires

  1. Mouais... un classement de plus et un classement pour riches. Je retourne à mon Beaujolpif !

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    1. Comme je l'écris plus haut, Michel, tu sais ce que je pense des classements et notamment de leur petit côté "inventaire à la Prévert"… Mais là, c'est plus d'économie dont il est question, de place de la France dans le Monde, et, singulièrement, dans le premier pays consommateur de la planète.

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  2. Oui, enfin… Je connais bien le gigondas de Saint-Cosme et je me précipite volontiers dessus. Pareil avec les vins du Clos des Papes ou ceux de Guiraud et de Barton. Peut-être pas le 09 cette année, mais quand même. C'est que du très bon.

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  3. Michel, ne pas confondre les riches et l'excellence. Et le gigondas, comme vin de riches…

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  4. Vrai ! D'ailleurs ils le savent bien, là-bas, au pied des Dentelles. Mais les prix vont grimper...

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