Jörg Zipprick: "pour une cuisine 'nature'".


Vous avez été nombreux, très nombreux à lire hier la "recette", disons plutôt la formule chimique des "truffes blanches", selon Quique Dacosta, le dernier chef tecnoemocional auquel le Guide des Pneus España 2013 vient d'accorder trois macarons. Et vous êtes nombreux, très nombreux également à vous poser des questions sur le triomphe de la "malbouffe gastronomique", dernier avatar de la mondialisation du goût à la sauce Nestlé et Unilever. En Espagne, bien sûr, mais bien au-delà car ce triomphe est désormais universel. Pourquoi et comment? C'est ce que je veux approfondir aujourd'hui avec, plus qu'une interview, formelle, une discussion à bâtons rompus avec Jörg Zipprick (ci-dessus).


Cet écrivain-journaliste, correspondant à Paris du magazine Stern, est l'un des premiers à s'être indigné de la glissade moléculaire de la cuisine catalane, avec des reportages comme le célèbre Diarrhée pour cinq personnes* mais aussi des livres tel ¡No quiero volver al restaurante! (De como la cocina molecular nos sirve cola para papel pintado y polvo extintor)** ce qu'on traduirait en français par "Je ne veux pas retourner au restaurant! ou comment la cuisine moléculaire nous sert de la colle à papier-peint et de la poudre d'extincteur". Avec ce grand reporter, amoureux des saveurs naturelles, nous avons parlé du désastre espagnol, mais aussi de la (future-ex) mode scandinave, de la critique qui ne critique plus et pourquoi, de ces quelques adresses où il aime manger ainsi que des solutions pour tenter de sauver la cuisine.


Nous avons d'abord rapidement évacué le cas Adrià: concernant le passé, El Bulli,  il n'y a pas grand chose à ajouter au texte mis en note ci-dessous, et si l'époque actuelle du bullisme vous passionne, vous pouvez toujours lire cette chronique sur Tickets, le dernier chef d'œuvre des frères Adrià (avant l'ouverture de leur restaurant péruvien prévue en janvier). Jörg Zipprick insiste toutefois sur l'importance du rôle de Ferran Adrià en tant que prescripteur, son "testimonial" auprès des chefs qu'il a décomplexés vis-à-vis de l'utilisation de produits qui n'avaient rien à faire dans les cuisines gastronomiques. Au passage, il se moque gentiment du chef catalan "qui n'a pas inventé grand chose", prenant comme exemple la sphérification, une de ses grandes "créations" "qu'on utilisait déjà en 1947 aux États-Unis pour fabriquer de fausses cerises. "Je ne comprends pas la fascination espagnole pour ça, conclut Jörg Zipprick, parce que tout ça, ce n'est absolument pas espagnol!" Imaginez sa tête quand je lui apprend qu'en Catalogne, c'est Ferran Adrià qui vient de préfacer le Guide de Slow Food


Alors, comment en est-on arrivé là? "Les journaux, et pas qu'en Espagne, n'ont plus les moyens de financer une critique indépendante. Les chroniqueurs gastronomiques sont devenus les bardes des chefs qui, eux-mêmes, les accueillent en leur cirant les pompes." Je reconnais que quand on a exercé comme journaliste "normal", ce qui fut mon cas et qui est celui de Jörg Zipprick (qui enquête aussi bien sur des accidents d'avion que les secrets politiques), les mœurs du MondoGastro sont assez surprenantes! "Mais cette consanguinité va plus loin, précise le reporter allemand. On est dans un mélange des genres absolu, entre journalisme et communication, critique et promotion. Il faudrait s'interroger sur les liens de la Real Academia de Gastronomía et les activités para-commerciales de son président Rafael Anson et de sa famille." Jörg Zipprick cite le cas d'Andoni Aduriz "qui avait écrit un livre admirable sur les légumes, qui entretenait son potager, naturellement, et qui était hors-circuit. En rejoignant Adrià et sa bande, en changeant de style, il a connu les louanges et le succès."


Jörg Zipprick s'empresse d'ajouter que l'Espagne n'est pas la seule à être touchée par ce phénomène, indiquant que "la pression financière des multinationales [de l'industrie chimico-agro-alimentaire] est telle" que même la parole des guides les plus prestigieux est sujette à caution. "Tout cela a été savamment orchestré par de grands groupes" explique le journaliste allemand qui s'amuse notamment de voir "Nestlé qui il y a dix ans présentait comme maison du futur, une maison sans cuisine intervenir aujourd'hui en donnant des cours de gastronomie moléculaire".
Car, après la Péninsule ibérique et ses premiers suiveurs, "après Adrià, Dacosta ou Marx", la contagion chimique a gagné le Monde entier. Pourquoi? D'abord, parce que "ça coûte beaucoup moins cher d'utiliser ces molécules produites dans des usines que des produits naturels!" Il est vrai, pour en revenir au billet d'hier, que huit cents grammes de Mannitol, ça coûte moins cher que huit cents grammes de truffe blanche d'Alba…


La truffe, dans cette conversation, nous amène tout droit à la Scandinavie, qui, il y a quelque temps, a supplanté l'Espagne et la Catalogne dans "la grande snoberie gastronomique internationale" (avant d'être elle-même dépassé par le Pérou). On défend là-bas une idée qui nous parle à tous les deux, celle d'une cuisine "nature", un peu écolo sur les bords, marquant un vrai retour au produit tel que l'aimons. "C'est une imposture!" tranche Jörg Zipprick qui prend justement l'exemple des désormais fameuses truffes de Gotland, qu'on ramasse à la pelle sur cette jolie petite île du Sud-Est de la Suède: "juste des Tuber uncinatum qu'on travaille ensuite avec ce qu'il faut d'huile synthétique, ce produit-poubelle de la restauration!" Il faut reconnaître que la Tuber uncinatum Chatin, ou truffe de Bourgogne, elle est bien mignonne mais ça ne nous empêche pas de faire la gueule quand un marchand ou un cuisinier indélicat nous en glisse une, cachée au milieu de véritables Tuber melanosporum Vittadini, les véritables truffes noires (du Quercy, du Périgord, du Languedoc, de Provence ou d'Aragon) qui valent beaucoup plus cher mais dont les parfums sont incomparables. Quant à "fameuse huile de truffe" utilisée par les chefs branchés, elle n'en a généralement que le nom, recelant juste du diméthylsulfure, parfois du musc; vous la trouvez sur tous les catalogues d'arômes artificiels, dans le style du merveilleux catalogue Sosa que je citais hier (existe aussi en arôme truffe blanche…).
Jörg Zipprick en remet une couche, en évoquant d'abord "la pauvreté de la gastronomie quotidienne scandinave, très américanisée", "il suffit d'y faire ses courses"; c'est vrai qu'à ce moment-là, je ne peux m'empêcher de penser au très populaire Kalles Kaviar en tubes de dentifrice, nourriture moléculaire avant l'heure… Vient le morceau de choix quand, tout en reconnaissant "le grand sens de la mise en scène du Danois René Redzepi, meilleur chef du Monde à la place d'Adrià" (dans l'atelier duquel il a beaucoup appris***), il s'interroge sur la sincérité et les relations de l'entrepreneur Claus Meyer, "le vrai propriétaire", selon lui, du Noma. Puis, il éclate de rire en racontant "les snobs qui vont se faire cuire un œuf eux-mêmes dans le meilleur restaurant du Monde" ou " qui trouvent, comme on leur dit, un délicieux goût de citronnelle dans les fourmis vivantes sur lit de crème" servies par Redzepi à une clientèle en mal de sensations et d'exclusivité. Remarquez, les fourmis dans la bouffe, c'est naturel, ça fait pique-nique raté…


Question, donc, à Jörg Zipprick: où manger, ou manger "naturellement? D'abord, même si c'est cher, chez les meilleurs chefs suisses qui "n'ont jamais accepté de vendre leur âme au Diable". Outre les "anciens", Girardet et Rochat, il loue le talent et l'honnêteté du successeur de ce dernier au Restaurant de l'Hôtel de Ville de Crissier, Benoît Violer. On parle aussi de cher vieil Ami Jean, à Paris, "qui ne bouge pas". Et de l'italien Rocco Iannone, de PappaCarbone, "exclu par sa corporation parce qu'il n'était pas d'accord". Puis d'un Allemand, Hermannsdorfer, "une formidable histoire de rédemption d'un gars qui faisait des saucisses industrielles et qui vit maintenant dans une ferme-restaurant écolo". Je lui conseille au passage de rendre visite à la Ferme de La Ruchotte, un de mes meilleurs restaurants du Monde…



Reste la question finale: que faire pour sauver ce qui peut encore l'être? "Pas facile", concède Jörg Zipprick. "Nous sommes une des dernières générations (l'un comme l'autre) qui n'a pas été élevée à l'industriel. Arrivent maintenant, depuis dix ans, des gens qui n'ont aucune référence naturelle dans leurs goûts d'enfance, dans leurs références, des générations Coca-Cola pour lesquelles la subtilité est infiniment moins perceptible. Et ce monde des arômes artificiels gagne tous les jours du terrain. En Espagne par exemple, même si c'est interdit, je le soupçonne de s'attaquer au monde du vin."
"Je crois quand même que la première mesure à prendre, c'est de rendre obligatoire l'affichage de ces substances sur les cartes et les menus. Les chefs vont dire que c'est compliqué, pourtant, quand ils mettent un gramme ou deux de truffe, un gramme ou deux de safran ou de foie gras, ils en font état, ça ne pose pas de problème! Eh bien qu'il en soit de même avec les produits chimiques. Pour que ça les engage en cas de contrôle, pour que l'on mange en connaissance de cause, en toute transparence. Pour que le consommateur puisse choisir. C'est obligatoire pour un paquet de chewing-gums à quatre-vingts centimes, pourquoi pas pour un menu à deux cents euros?"
"La seconde mesure, conclut Jörg Zipprick, concerne les quantités. Il faut que les chefs soient également tenus de respecter les mêmes quantités, avec ces produits chimiques, que les industriels de l'agro-alimentaire ou les de la pharmacie. Évidemment, en respectant les posologies, on va en finir avec le spectaculaire, l'impressionnant, avec les recettes 'magiques'. Mais là, c'est aussi un problème de Santé publique". C'est maintenant au consommateur de faire pression.




* Voici, traduit en français, l'intégralité de ce texte de Jörg Zipprick, paru en 2008.

Diarrhée pour 5 personnes
Caviar d’huile d’olive, raviolis à la mangue – la cuisine d’avant-garde dernier cri. Mais les recettes nécessitent une grande quantité de chimie alimentaire.
    Le haut temple de la cuisine moderne se trouve actuellement à Rosas en Espagne. Tous les soirs, une quarantaine de croyants se rassemblent pour assister à la messe : c’est là que Ferran Adrià célèbre le menu dans son restaurant El Bulli. On y trouve des champignons comme enrobés d'ambre, des légumes qui semblent sortis tout droit d’un tableau de Mirò. Les mangeurs s’inclinent respectueusement devant chaque nouveau mets présenté. Ferran aura réussi, une fois de plus, à transformer un plat banal en quelque chose d’insolite. Il a par exemple préparé une bouillie dans sa cuisine, a pris sa perceuse, et hop, voilà de l’huile d’olive ordinaire transformée en une spirale d’huile d’olive ressemblant à une bobine de fil de fer filigrane. Adrià est considéré comme le chef cuisinier le plus novateur du monde. Ses cuisiniers manient habilement des balances ultra-précises et des seringues.
    Quelques 100 kilomètres au sud de Rosas se trouve un autre restaurant, le Can Fabes, dont le propriétaire, Santi Santamaria, est également couronné de lauriers et a reçu la note maximum dans tous les guides. Santi ne jure, lui, que sur des ingrédients parfaits – mais d’une autre manière : poisson frais d’un jour, agneau tendre, côtes de bœuf juteuses. Santamaria ne digèrera jamais les secrets culinaires d’Adrià. Selon lui : "Il s’agit de pure chimie culinaire". Une thèse qu’il a cru bon de répandre lors d’une conférence de presse, et qui a fait la une de tous les journaux espagnols. Adrià a aussitôt rassemblé ses troupes pour organiser la contre-offensive et Santamaria est vilipendé dans les milieux culinaires comme celui qui crache dans la soupe.
    Pourtant, jusqu’à récemment, personne ne savait vraiment ce que ces soi-disant cuisiniers d’avant-garde mettaient dans leurs casseroles. Adrià dit que son laboratoire personnel "invente" des substances telles que Iota, Glice ou Gellan, quelques-uns de ses produits miracle. Mais derrière ces noms se cache tout simplement une liste issue de la chimie alimentaire. Il s’agit des additifs alimentaires E 322, E 327, E 331, E 400, E 406, E 407 (Iota), E 415, E 418 (Gellan), E 461, E 473, E 475 (Glice) ainsi que de la maltodextrine, un cocktail de glucides particulièrement apprécié par les bodybuilders.
    Voici la liste d’ingrédients d’Adrià pour la "spirale d’huile d’olive" : 100 g d’E 953, 25 g de glucose, 1,5 g d’E 473, 45 g d’huile d’olive, 1,5 g d’E 475. Cela fait 103 grammes d’additifs pour 45 grammes d’huile d’olive et un peu de glucose. L’additif E 953, Isomalt, peut, à partir d’une consommation supérieure à 20 g, provoquer la diarrhée - ceci est prouvé médicalement. La "spirale pour 4 personnes" propose donc de la colique pour cinq. Dans la production industrielle, ce genre d'additifs est généralement utilisé pour garantir la "stabilité" du goût et de la texture dans les aliments pendant une période donnée - des "trucs" que le consommateur au final ne remarque normalement qu’en lisant attentivement les emballages.
    MAIS ADRIÀ INVENTE, LUI, et comme les inventions se s’inventent pas toutes seules, il fallait aider ces milieux culinaires. L’UE a subventionné à hauteur de 500 000 euros, l’industrie chimique a rajouté 600 000 euros pour un projet dénommé Inicon. Cet argent a permis au centre de transfert technologique de Bremerhaven/Allemagne (Technologie-Transfer-Zentrum) de rendre les ingrédients de l’industrie alimentaire prêts à cuisiner. Tout particulièrement Adrià a profité des connaissances des chercheurs. "Aucun cuisinier n’a inventé la poudre dans ce cas", déclare Werner Mlodzianowski, directeur du centre.
    Mais l’on pourrait objecter que les expériences d’Adrià ont énormément élargi l’horizon culinaire. Du même coup, cette poussée innovatrice subventionnée par les deniers publics et l’industrie ont fait d’Adrià une icône des milieux culinaires dans le monde entier et ont rendu ses petites poudres populaires. Les cuisiniers amateurs du monde entier se disent maintenant : "Si Adrià emploie les additifs nous le pouvons aussi !"
       Dietmar Hölscher, un ancien technicien IT de Nottuln/Allemagne, a été proclamé le "Nestor du monde culinaire allemand". Il vend sur Internet de l’azote liquide, des kits pour se lancer dans la cuisine moléculaire, des kits laboratoire avec des petits tubes en plastique pour injecter les spaghettis en gelée. Sur son site Internet, on aperçoit cet homme en chemise rose en compagnie de Ferran Adrià - un adoubement dans ce monde de la cuisine. Les grossistes cash-and-carry Metro ont déjà listé la ligne de produits de Hölscher.
    Dans des forums Internet tels que chefkoch.de (chef cuisinier) ou kochmuetzen.net (toque de cuisinier), ou dans divers blogs, la cuisine "d’avant-garde" s’est déjà beaucoup répandue. Effets secondaires ? La question est rarement posée. Des cuisiniers racontent fièrement à leurs auditeurs web comment ils ont réussi à "coller" des coquilles Saint-Jacques et du canard avec 85 g de transglutaminase. Dans l’industrie alimentaire, cette colle tissulaire est employée pour "coller" des restes de viande sans valeur pour en faire des saucisses ; c’est de la même manière qu’on transforme un poulet en Nugget.
    Dès que quelqu’un a un problème, on l’aide à le résoudre. L’utilisateur Kostis par exemple, sait de quoi il parle : "En ce qui concerne le transport d’azote liquide, l’entreprise Linde te donne des papiers de transport. Ils sont nécessaires pour le cas où tu serais contrôlé par la police. Tout arrive." Il y a aussi beaucoup de renseignements sur les pharmacies où l’on peut acheter des additifs à prix raisonnables sans ordonnance. Ces renseignements sont de temps en temps assez insolites. Kostis par exemple se plaint : "J’ai déjà acheté de la lécithine de soja en pharmacie, de la vraie merde ! Je suppose qu’ils ne l’ont pas réfrigérée correctement !!! Si la texture aérienne a un mauvais goût, cela ne vient pas nécessairement de la lécithine, mais du fait que vous ne l’avez pas réfrigérée correctement."
    Des "trucs" de ce genre sont très recherchés car pour des produits comme ceux de Texturas Adrià, la documentation jointe ne donne aucune indication concernant les quantités maximales ou le maniement correct des produits chimiques. Les fabricants de produits chimiques, eux, livrent leurs produits accompagnés de fiches techniques de sécurité. La société Merck indique par exemple pour le citrate de natrium ou Citras - utilisé dans la cuisine "d’avant-garde" par exemple pour la préparation de raviolis à la mangue - que celui-ci peut provoquer de légères irritations en cas de contact avec les yeux, des perturbations électrolytiques ainsi que des brûlures de l’œsophage ou de l’estomac en cas d’ingestion involontaire de quantités importantes. Selon la concentration, 1,4 à 8 g suffisent à tuer un demi-kilo de souris de laboratoire. Pour la préparation de raviolis à la mangue, un apport de 1,3 g de Citras est conseillé.
    Pour les clients, la concentration de produits chimiques contenue dans les plats restera toujours une énigme. L’entreprise allemande Biozoon par exemple coupe ses additifs avec de la maltodextrine - la proportion reste un secret de fabrication. Le directeur Matthias Kück avoue :  "Les recettes sont ainsi plus simples à préparer."
    Une recette de Dietmar Hölscher de "Couenne de cochon de lait sur feuilles d'endives", distribuée par Métro, nécessite 52 g de gel Metil pour 600 g de couenne de cochon de lait. Le gel Metil est un mélange de l’indigeste cellulose méthylique (E 461) et d’une autre sorte de cellulose (E 464), d’eau et de chlorure de sodium - un véritable multi-talent dans la cuisine "d’avant-garde". Tandis qu’en cuisine il est utilisé en seringue pour de la glace chaude ou des pâtes à l’huile d’olive, il trouvera à Hollywood une utilisation plus raisonnable : la cellulose méthylique sert de morve de dinosaure dans le film Jurassic Park, et de fluide corporel masculin dans les films pour adultes.
    Les fabricants, eux, sont assurés de faire de bons chiffres d’affaires. Un kilo du "Texturas Agar" d’Adrià coûte 85 euros, un kilo de Gellan plus de 170 euros et un kilo de Metil plus de 110 euros. Cela revient moins cher d’acheter directement dans les fabriques chimiques. En Europe, un kilo de cellulose méthylique, food grade, coûte de 10 à 12 euros. Des fabricants asiatiques livrent même à partir d’un euro le kilo. Ainsi, un menu d’avant-garde à 200 euros promet une super marge : les ingrédients ne coûtent que 5 euros - les estomacs des clients sont remplis de cellulose et d’extraits d’algue. Ce serait une toute nouvelle manière de faire des affaires dans la gastronomie ; car là, les cuisiniers se battent contre les prix exorbitants du homard breton et de la truffe d’Alba.
     CES ÉNORMES MARGES BÉNÉFICIAIRES attirent de plus en plus de fournisseurs sur le marché moléculaire. En France et en Italie, des jeux pour enfant proposent de rendre visite à "l’école des gourmets" avec des tubes d’additifs. Les produits miracles des chefs, additifs et arômes de laboratoire, sont aussi en vente  dans des épiceries fines. Le mini-kit Sferificación pour des mets en forme de boule coûte 98,80 euros. Il contient tout ce qu’il faut "pour se faire plaisir". Un grossiste nomme lui-même ses additifs "la bombe à neutrons" de la cuisine. Espérons que les effets secondaires ne seront pas aussi radicaux.
    Le dosage des cuisiniers d’avant-garde causent des soucis aux spécialistes. Susanne Krebber, médecin nutritionniste à Clèves, en Allemagne, explique : "Même s’il n’existe juridiquement parlant aucune limite pour les substances utilisées, elles peuvent tout de même, en quantités importantes, provoquer la diarrhée ou des malaises. Par exemple, le sucroester (E 473) peut avoir un effet laxatif en grandes quantités. Certains additifs peuvent même conduire à une réduction de l’absorption des substances nutritives".
    Le célèbre chef cuisinier espagnol Santi Santamaria demande à ses collègues une seule chose toute simple : "Indiquer les additifs sur les cartes. Ainsi, le client peut choisir lui-même ce qu’il mange ou non".

** un livre totalement boycotté en Catalogne…
*** L'hiver dernier encore, le magazine du Monde évoquait les "glaces qui fument " écolo du Noma…


Commentaires

  1. Nous vous adressons un grand merci pour nous avoir partagé ces informations.

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  2. Bonjour,

    Ce reportage est passionnant, je suis journaliste à l'émission Thalassa et je cherche a entrer en contact avec Jörg Zipprick pour l'interroger sur le caviar, auriez-vous un mail à me donner ou du moins pourriez-vous lui donner le mien pour qu'il me contacte.

    Merci.

    stéphan Poulle (spoulle@yahoo.fr)

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