Je suis jaloux du Priorat.


C'est vraiment un des plus beaux coins de la Catalogne espagnole. Protégé de la bétonisation et de l'absurde, de l'absolue vulgarité du littoral, cette enclave du Priorat, malgré la menace proche d'une des centrales nucléaires les plus pourries d'Europe, est un havre de paix, de "belle sauvagerie" qui m'évoque mes chères Corbières. Un relief spectaculaire, du terroir, le frisson du pittoresque, ce côté trou-du-cul-du-Monde… Avec un plus, c'est que là-bas, l'œnotourisme, on ne fait pas qu'en parler!
Car, attention, ce n'est pas des vins dont il est question. Très franchement, pour l'immense majorité d'entre eux* qui tiennent bien plus du négoce "à l'ancienne" que du sain vigneronnage, on nage en pleine irréalité: des caldos généralement défectueux, déséquilibrés, bricolés à la va-comme-je-te-pousse, surboisés à la hache, effondrés en cinq-six ans… On en rigole souvent, mais, les priorats, ce qu'ils ont de grand, c'est leur prix, reflet du "concours de quéquette" d'un certain mundillo pinardier, plus préoccupé d'immobilier vinicole que d'agriculture viticole, qui joue ici depuis moins de vingt ans à celui qui aura la plus grosse. Non, moi, ce qui m'impressionne, c'est de voir comment, dans ce trou perdu, ont réussi à s'implanter des lieux qui subliment le vin, d'ici ou d'ailleurs.


Je vous parlais lundi de ce "centre culturel du tire-bouchon" qu'est le Celler de l'Aspic, mais en voici une autre illustration avec un petit restaurant de village miraculeux qui lui aussi a fait du vin sa raison d'être. Ça se passe dans le beau village de Porrera, patrie du héros de la chanson catalane, Lluís Llach devenu depuis vigneron-négociant. On est juste à côté de chez lui, à la vieille cave coopérative et l'endroit s'appelle justement La Cooperativa. Une charmante petite salle voûtée, peinte à la chaux bleutée, un joli éclairage, des nappes en toile cirée fleurie et des œillets partout, dès l'arrivée, on se sent accueilli. Nous, nous l'étions doublement, puisque, sur la table, nous attendait une mystérieuse carafe pleine d'une syrah sublime** que nous offrait à l'aveugle une des convives, la délicieuse Clio Perrin, fille du génial marchand de vin genevois Jacques Perrin et elle même stagiaire chez le chanteur-vigneron sus-cité. 


Accueil charmant, beaucoup de gentillesse, et une cuisine de circonstance, familiale et faite maison: de la soupe de queue de bœuf, des tripes aux pois chiches, des calamars, du bœuf, des desserts pas trop sucrés… La Cooperativa est tenu par un couple, Mia (en cuisine) et Litus (en salle); ils aiment manger, écouter de la musique et… boire du vin. Là aussi la carte des crus fait de tour de la région, mais pas que. Là aussi les bouteilles sont vendues à un prix "humain", pas très éloigné du tarif caviste, l'œnophile n'est pas considéré comme la vache à lait qui doit arrondir les fins de mois du restaurateur.


Alors, bien sûr, des bistrots autour du vin, il y en a désormais dans bon nombre d'appellations françaises (avec des bouteilles ces prix-là, je ne suis pas sûr…), mais il y en a tant d'autres où il reste tellement de boulot à faire pour mieux accueillir encore ceux qui font l'effort de venir découvrir le vignoble. Ce qui m'impressionne en Priorat, ce dont je suis un peu jaloux (et surtout avec mes yeux de Corbiérenc donc de déshérité de l'œnotourisme), c'est la vitesse à laquelle tout cela s'est développé. Parce qu'on pourrait aussi citer dans la même veine le restaurant du Clos Figueras de Gratallops (ancien Irréductibles), lui aussi installé sur ce territoire gros comme un mouchoir de poche. Un exemple à méditer…



* Il y a des exceptions qui confirment la règle, nous en parlerons bientôt.
** Qu'il s'agisse d'une syrah, ça évidemment, dès le nez, on était en plein dedans, mais dans la syrah noble, admirable, solaire mais fraîche. Bouche soyeuse, tendue et riche, du très grand vin, le Chamoson 2006 de Simon Maye, une fois de plus nous nous sommes fait avoir avec un de ces "côtes-du-rhône" suisse et nous sommes partis trop au Sud, en Côte rôtie, chez Jamet…



Commentaires

  1. J'ai dîné là il y a un an ou deux dans la même ambiance et la même gentillesse. Ma voiture était garée un peu plus bas, sur une place, face à la cave d'un certain Bernard Magrez !

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    1. Bernard Magrez, en fait, est en face de la cave de Lluís Llach.

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  2. bonsoir,
    avez vous quelques bonnes adresses pour boire du bon vin et grignoter des tapas à Seville?
    merci
    Jacqueline

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  3. ma bouteille de carignannnnnnnnnnnnn

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