Le nem du Poitou.
J'adore l'andouillette. Comme la plupart des tripes et des abats, d'ailleurs. Mais n'est-ce pas un minimum si l'on prétend défendre une nourriture naturelle? Comme peut-on ne prendre d'une bête que ses quelques morceaux "nobles" et laisser tout le reste sur le bord du chemin? C'est obscène et inconséquent. D'un rare égoïsme.
Donc, plutôt que de nous gargariser de grands discours écolo-machin-truc, nourrissons-nous de panse, de cervelle, de pieds, de museau, de langue, d'oreilles, de rognons et autres ris. C'est une philosophie, un animal se mange des pieds à la tête*, on ne jette rien, c'est ainsi que nous rendons hommage à son sacrifice, que nous faisons qu'il n'est pas mort pour rien. Minimum minimorum. Sinon, on s'écrase.
Allez, après ma tête de veau en circuit court d'avant-hier, un peu de tripe pour se mettre dans le bain. Celles que j'ai cuisinées juste avant de partir dans la Loire et que nous avons finies dans la nuit avec mon docteur. Feuillet, fraise, etc…
Mais revenons-en à notre sacré cochon, celui dont une gourdasse politicienne, sorte de Nadine Morano de Gauche, fit il y a quelque temps un signe d'appartenance religieuse. Parlons chaudins et panses de porc, revenons à notre fière andouillette, étendard des vrais gourmands, repoussoir des simulateurs d'orgasmes culinaires. Un plat distingué, identitaire, culturel mais aussi générateurs de violentes guerres de clocher: connaissez-vous un authentique gastronome qui ne vous ait pas chanté que la meilleure provenait de sa province ou de son canton. Celui-ci de Troyes, l'autre de Vouvray, cet autre encore du Beaujolais. Même les agences de notation d'après-guerre dont les voix bêlantes fleuraient bon Radio-Paris s'en sont mêlées, collant aux prétendues meilleures un AAAAA digne des économies suisse ou allemande.
Pour dire vrai, ce n'est pas littéralement une andouillette que vend cet artisan devenu le fournisseur du département, mais une andouille. Sous sa peau "douillette" (pas tant que ça) comme l'écrivait Monselet dans ses vers de mirliton, pas de fouillis, de hachis, de pâtée informe. La tripe, agrémentée d'herbes est soigneusement roulée, à la façon de celle d'un havane sous sa cape. Le secret de fabrication nous interdit de savoir si les employées de monsieur Bernier font ça sur leur cuisse à la façon des ouvrières cubaines, j'en doute. Peu m'importe, le résultat est somptueux.
Comment la cuire? Autre débat… Avec un chef d'œuvre pareil, on peut oublier les préparations masquantes comme la sauce à la moutarde. Certains aiment juste la griller au four, méthode qui présente l'avantage d'accentuer le croustillant de sa peau, ça a son charme, ça renforce son côté "nem du Poitou". Pour ma part, je préfère travailler mon rouleau de printemps à la poêle. D'abord, on colore puis on cuit au beurre (l'élégance impose un beurre de même origine, poitevine, comme celui de la laiterie de La Viette). Pas d'huile en tout cas, c'est inenvisageable! Ensuite, on déglace avec un vin blanc bien sec, comme un muscadet. Et on sert chaud, avec de bonnes pommes de terre vapeur et une salade réveillée aux échalotes.
Pensez quand même à décongeler un "burger" ou du "poisson" Findus pour les réfractaires, on n'est pas des bêtes!…
Pensez quand même à décongeler un "burger" ou du "poisson" Findus pour les réfractaires, on n'est pas des bêtes!…
À ce moment-là, les chichiteux en question (y compris les anorexiques et les handicapés de l'odorat) surjouent l'arrivée du plat sur table, gesticulant comme des demi-mondaines**, faisant mine de se pincer le nez, d'être incommodés par d'imaginaires odeurs de merde alors que c'est surtout le beurre qui embaume. Eh oui, cette merveille ne sent que le bonheur et la campagne! Éventuellement l'amour.
Négligez donc leur cinéma de citadins caca-colesques, oubliez les mijaurées, régalez-vous de passer pour un rustre à leurs yeux d'ilotes et débouchez un bon canon, ce qui nous amène au troisième débat: que boire sur l'andouillette?
Il y a les blancs, bien sûr, en faisant local avec un chenin de Chinon (Rousse) ou de Saumur (Guiberteau), sans sucre traînant, voire un sancerre tendu, à la façon de la cuvée normale des Vacheron. Moi, sur cette cuisson sans fard, je vote rouge. Soit pineau d'Aunis, genre Lucky de Nathalie Gaubicher, soit du cabernet-franc de Chinon, en choisissant un millésime assez frais comme 2012 ou 2013. Par exemple un Grézeaux de Baudry, ou même pour boire plus vieux, le 2007 de Lenoir. Ou pourquoi pas, pour puiser au rayon souvenirs, le côt du Clos Roche Blanche, aujourd'hui disparu.
Vous savez tout sur le nem du Poitou? Bon appétit et large soif !
Négligez donc leur cinéma de citadins caca-colesques, oubliez les mijaurées, régalez-vous de passer pour un rustre à leurs yeux d'ilotes et débouchez un bon canon, ce qui nous amène au troisième débat: que boire sur l'andouillette?
Il y a les blancs, bien sûr, en faisant local avec un chenin de Chinon (Rousse) ou de Saumur (Guiberteau), sans sucre traînant, voire un sancerre tendu, à la façon de la cuvée normale des Vacheron. Moi, sur cette cuisson sans fard, je vote rouge. Soit pineau d'Aunis, genre Lucky de Nathalie Gaubicher, soit du cabernet-franc de Chinon, en choisissant un millésime assez frais comme 2012 ou 2013. Par exemple un Grézeaux de Baudry, ou même pour boire plus vieux, le 2007 de Lenoir. Ou pourquoi pas, pour puiser au rayon souvenirs, le côt du Clos Roche Blanche, aujourd'hui disparu.
Vous savez tout sur le nem du Poitou? Bon appétit et large soif !
* "Nose to tail" comme disent mers amis Trevor Gulliver et Fergus Henderson des St. John londoniens, précurseurs dans la gastronomie anglo-saxonne de ce retour à une cuisine "nature".
** Ce n'est pas le fait de ne pas aimer tel ou tel plat qui est dérangeant, chacun est libre, c'est ce cinéma qu'occasionne parfois l'andouillette.
** Ce n'est pas le fait de ne pas aimer tel ou tel plat qui est dérangeant, chacun est libre, c'est ce cinéma qu'occasionne parfois l'andouillette.
Bonjour Mr Pousson,
RépondreSupprimerJe vous remercie pour ce nouvel hommage que vous rendez à notre savoir-faire centenaire, je vais imprimer votre article et le montrer à mon père qui nous a enseigné l’art et la manière en matière de charcuterie.
Je vais vous décevoir et mettre fin à l’un de vos fantasmes, et bien non l’andouillette n’est pas roulée sur les cuisses d’une jolie fille, je vous invite un jour à nous rendre visite et vous montrerais l’atelier de haute couture ou sont fabriqué les « nems ».
Bien cordialement
Jean-Noël BERNIER
Goûté et approuvé grâce à belle-soeur et beau-frère sis à la Chapelle-Saint-Laurent. Ce fut à Noël. Quelques jours d'obsession sous le signe des "Bernier". Entre deux footings matinaux, pour l'équilibre. Longue vie aux bons produits.
RépondreSupprimerUn beurre de la laiterie "Viette" pour un nem, vous ne pouvez faire mieux !
RépondreSupprimerChristian Nguyen