(Grand) Vin de France, Vin de (grande) Table.


En Loire "du Sud", je suis hémiplégique: épris du cabernet-franc, je n'aime pas trop le ch'nin. Et la vogue du "sans soufre"* n'a rien arrangé à l'affaire qui si souvent a ajouté de la pomme humaine à la pomme naturelle de ce cépage. Parfois aussi des sucres qui traînent. Oui, je sais, ça ne se dit pas, c'est malheureusement souvent incontestable à l'aveugle.
Pourtant, même si je n'aime pas trop le ch'nin (en sec**), je me soigne. Mon bon docteur m'a fait une ordonnance, et une sévère: "Leroy, midi et soir, aussi bien sur les rillettes que sur les huîtres".


Ça tombe bien, j'en avais en cave. Un bébé, malheureusement, des Rouliers 2011. J'ai donc suivi l'avis de la faculté, et j'y ai remis le nez. Et je me suis dit que ce n'était pas pour rien que le toubib avait fait une petite dizaine d'année d'études.
Quelle délicatesse dans la puissance, un ravissement! Des arômes fins, légèrement citronnés, sans extravagance inutile ni mollesse, on pense à de la dentelle.
Encore une fois, c'est un infanticide, un grosse bêtise, mais ce vin qui sort peu à peu du chai, de l'élevage, est une pure merveille. Et cette formidable acidité! Que dis-je? Mieux qu'une acidité, une colonne vertébrale. Et cette longueur.
Après cinq jours d'ouverture au réfrigérateur (regardez le fond de verre ci-dessous) le bébé est encore rose!


Qu'est-ce qu'un "grand vin"? Vous le savez, je me pose, je vous pose souvent la question, sans jamais pouvoir y répondre de façon aussi péremptoire que les appellations commercialo-optimistes. Quel définition lui coller dans l'encyclopédie pinardière qui reste à écrire? J'en ai réuni des "goûters de mots" comme disait Antoine, des séances du dictionnaire, pour tenter d'avancer un peu sur le sujet. Eh bien, un "grand vin", ce mouton à cinq pattes, je crois que c'est aussi le moment où le cépage disparaît, fuit le variétal, se fond dans le terroir et le travail du vigneron. Comme dans ce merveilleux Rouliers 2011 produit sur les beaux terroirs du Layon par Richard Leroy.


Évidemment, vous lisez l'étiquette, ce n'est qu'un pauvre "Vin de France", on ne va pas revenir sur ce ridicule état de fait. Ou plutôt si, pour se demander avec une pointe d'humour s'il ne faudrait pas inventer à l'intention de ce genre d'OVNIs, la dénomination (grand) Vin de France qui me semblerait la plus appropriée pour un tel Vin de (grande) Table…




* Sans SO2 ajouté, évidemment. "Sans soufre", c'est pour faire inculte chic… Petit mémo ici.
** Oui, parce qu'évidemment en doux ou en liquoreux! J'ai ainsi eu la chance de goûter il y a quelques jours en fin de repas, après un vieux barsac de haute volée, le coteaux-du-layon-faye de deux Belges ligériens, Mileine et Eddy (ci-dessous) Oosterlinck-Bracke, Les Quarts de Juchepie 2011, magnifique vin délicieusement décadent, souligné par de belles acidités.


Commentaires

  1. Je préfère en général Rouliers à Noëls de Montbenault, trop roboratif (le chenin n'est pas le chardonnay).

    Las pour le Layon disparu de Richard Leroy, qui était un gemme.

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