Anti-vin, anti-France ?
"Tu ne me regardes plus. Tu ne m'aime plus." Ça sent le vieux couple, usé jusqu'à l'os, semblable à ces vins décharnés dont le fruit s'est envolé, trop faible sûrement à la base, grignoté par les ans, mangé par le temps. Le fruit du couple, c'est l'amour. Sans lui ne perdurent que les habitudes, les intérêts, les convenances.
Ça vaut pour les couples, ça vaut aussi pour les pays. Très exactement pour le lien, vivant ou pas, étroit ou pas, entre les citoyens et leur pays. Ce lien, quand je reviens en France, je le trouve de plus en plus distendu. Au delà des scènes de ménages (qui dans un pays prennent la forme de manifestation plus ou moins spontanées), j'entends, je ressens de plus en plus de la défiance, des colères, du mépris aussi. Où est-il passé notre bel amour? "Tu ne me regardes plus. Tu ne m'aime plus…"
Je ne vais pas agiter le drapeau tricolore (c'est devenu suspect en France), invoquer l'esprit de notre vieille nation, ni même sombrer dans le délire nationaliste. Toujours souvenons-nous des mots de Romain Gary, calqués sur ceux de De Gaulle: "Le patriotisme c'est l'amour des siens. Le nationalisme c'est la haine des autres." Je vais juste vous parler ce matin d'une décision technique, techniquement justifiable, celle que vient de rendre le Conseil constitutionnel. Saisi par 120 députés et sénateurs sur dix-neuf articles de la "loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques", plus communément appelée "loi Macron", il en a retoqué dix-huit. Et parmi ces articles, on trouve (bien sûr?) l'amendement gouvernemental qui visait à clarifier la loi Évin, à éviter que, pour un simple article sur le vin, des prohibitionnistes délirants puissent vous traîner en Justice tel un bandit de grand chemin.
Je le répète, c'est une décision technique, motivée par le fait que cet amendement a été considéré comme un "cavalier législatif", c'est-à-dire qu'il était trop éloigné selon les "Sages" de l'objet principal de la loi.
Mais on ne m'ôtera pas de l'idée, loin de tout complotisme débile (pléonasme…), qu'il existe un vrai lobby anti-vin en France. J'ai presque envie d'écrire (même si cette terminologie me gêne) un vrai lobby anti-France. Un air du temps, une attitude, où souvent, sans trop y réfléchir, par mode, parce que c'est la tendance, on cultive la défiance, les colères, le mépris évoqués plus haut.
Alors peut-être, de la Presse (souvent œnophobe) à une classe politique hors-sol* qui s'aime plus elle-même qu'elle aime le pays, faudrait-il songer aux vieux couples. Et, sans honte ni nationalisme, avec fierté et douceur, se remettre à aimer la France, dans sa globalité et son histoire, jusque dans ces paysages piqués de clochers, qui sentent la "force tranquille" du tandem Séguéla-Mitterrand. Se remettre à l'aimer avant que ce désamour chronique, entretenu, ne la rende vraiment détestable.
* Le hors-sol, c'est bon ni pour les légumes, ni pour les grosses légumes…
ADDENDA (jeudi 6 août 2015 14h00): le premier ministre français Manuel Valls promet que les mesures retoquées par le Conseil constitutionnel pour des raisons de procédure seront représentées au Parlement "dans les prochains mois".
Cette décision est, hélas, motivée et on pouvait s'étonner des ce que les articles aujourd'hui retoqués de la loi dite Macron aient pu passer comme lettre à la Poste ... Ce qu'il faudrait, c'est remettre à plat la loi "Evin" ... Ce qu'il faudrait, c'est des parlementaires qui agissent en ce sens, sans détours ...
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