Soif d'eau, faim de haricots.


Deux jours de congés, une bouffée de fraîcheur, et c'est reparti, le thermomètre est dans le rouge. Normal, aucune raison de se plaindre, il faut bien que l'été fasse son boulot. 
Il y a quelque chose d'envoutant d'ailleurs dans cette chaleur qui fond sur les garrigues et le maquis. Le mur de bruit des cigales qui devient presque, par habitude, une forme assourdissante de silence, à peine perturbée par les abeilles sur la lavande. Les odeurs, aussi. Résines et essences, sublimées, rehaussée par les poisseuses vapeurs du bitume de cette route étroite qui serpente jusqu'au moulin. L'ombre devient un privilège, un bienfait.


Bien sûr, on peut aller sniffer du chlore à la piscine. Personnellement, je préfère le sable noir. On peut boire aussi. Du vin. Bon de préférence. Mais je n'ai pas trop de limite, et comme les rosés assortis au rail de chlore m'emmerdent, j'ai vite fait de déboucher du consistant, du genre qu'on paye cash avant même l'heure de la sieste quand l'air stagne aux alentours des 30-35°C.
Alors, timidement, on s'essaye à l'eau. C'est souvent triste, l'eau. Comme le mauvais vin, les bulles la réveillent, à condition qu'on n'ait pas laisser tomber la salière dedans. Parce que si la minéralité du vin me fait souvent rigoler, celle de l'eau m'indispose. Alors, à la Chateldon des gens distingués, je préfère la humble Salvetat du Haut-Languedoc* (je sais, c'est Danone…) dans ses vilaines bouteilles plastique qui puent le pousse-caddie. Quand je n'ai pas bien sûr cette Cryo dont je vous avais parlé ici.


Pour l'eau plate, les soifs ordinaires, là où je me trouve, en Minervois, pas besoin de trimballer des hectos de Mont Roucous, le robinet coule de source. Quelle chance, parce qu'à Barcelone, parfois, elle pue tellement qu'on a même peur pour sa peau en se douchant!
Les jours où on a des envies de luxe, qu'on se dit qu'on va mouiller le vin (comme les vieux qui avaient inventé la mixologie aux champs), voire même se tenter un apéritif avec deux gouttes de pastis et le marcel réglementaire, il faut prendre la voiture ou le vélo. Enfin, le vélo, c'est pour les grimpeurs à pois rouges. Car, comme pour le fromage de l'autre jour, direction la montagne, cet premier contrefort sudiste du Massif central.


Dans chaque pays, pour boire ou cuisiner, on a sa source fétiche, sa source "de luxe", sa source libre, sans marque, dont l'eau, de façon immémoriale, est parée de qualités et de vertus invariables. Ici, à Félines, on sait qu'il faut, loin des parfums de lavande, monter au hameau de Peyrefiche. Au bout de longs tunnels verts où l'eau coule dru.


Une eau pure, glacée, acide. Elle se déverse sous l'œil patelin d'une boîte-à-lettres qui ignore tout des désastres du design pavillonnaire, dans un double lavoir, au bord de la route. Une eau qui immédiatement m'a fait penser aux haricots de papa; quoi de mieux que cette acidité, cette empreinte du schiste et des bruyères, pour donner de l'esprit aux tarbais. Ah, si seulement…


J'ai donc rempli à ras-bord mon gros bidon blanc, je l'ai chargé dans le coffre, et j'ai filé par Ferrals, Saint-Julien et Les Enfers, vers le village où, sous le coup de l'émotion, dans un grand verre, j'ai même bu un pastis transparent comme l'eau claire. Tout en me promettant que dès que la saison serait là, je cuisinerai, comme un hommage, un beau cassoulet de tarbais. Avec du mouton.




* 5 mg de sodium par litres, c'est l'antithèse de la San-Pe de Nestlé, des chef-putains et des foodistes.




Commentaires

  1. Pardon ! Chateldon ne mérite pas pareil traitement. Elle est fine, digeste, équilibrée. Elle est auvergnate de surcroît. Alors, hein ? 'tention. Non mais ho. Signé : le fils du livreur officiel de Françoise Raynaud en eau de Chateldon. Si.

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