Gare à l'abus de modération !


Vis-à-vis d'un de ses plus grands trésors, la France est devenu puritaine. Et un peu Tartuffe aussi: "couvrez ce vin que je ne saurais voir". Même si, campagne électorale oblige, ses dirigeants politiques ont tenté de donner le change au dernier salon de l'Agriculture, on sent bien ce mélange de méfiance et de condescendance. La loi Évin a fait son sale boulot qui a mis le vin à l'index, l'éloignant de la vie publique*, l'interdisant de séjour même à certains endroits comme la télévision. Tiens, juste un exemple, ces stupides émissions de gastro-réalité**: comment peut-on concevoir qu'en France, on n'y parle pas systématiquement des crus qui vont accompagner ce qui a été cuisiné? N'est-il pas incroyable d'occulter la moitié de la gastronomie nationale, sa part liquide?


Moi, le puritanisme m'emmerde. Profondément. Quelle que soit sa nature. Pour ce qui est du vin, je n'ai absolument pas envie de me la jouer profil bas comme nous y incitent les associations qui défendent sa cause. Rien à dire, elles sont dans leur rôle, je comprends très bien la finalité politique de leurs messages incitant à une "consommation responsable", mais c'est trop faux-cul pour moi. Ça sent le risque zéro, le principe de précaution, l'ennui***. J'ai l'impression qu'on va bientôt me demander de cacher mes bouquins de Blondin ou du vieux Hank.
Désolé, le vin, ce n'est pas qu'une histoire de premiers de la classe. C'est aussi la fête. Rabelaisienne. La débauche, l'excès! Et l'abus de modération m'effraie, ça fait "suédois"…


Tout ça pour vous dire qu'hier soir, avec une bande d'arsouilles, toute honte bue, on s'en est pris une bonne. On a fait les cons, comme des gamins. Vous voulez les noms pour nous dénoncer? Il y avait Nacho, Shoko, Rafa, Louisa, Juan-Lu, Mayte, Núria, Benoît, Isabelle et d'autres. Rideau baissé, jusqu'à cinq heures du matin, à L'Ànima del Vi, calle Vigatans, à Barcelone. On a bu des bouteilles, des magnums et même un jéroboam (enfin, ce qu'il restait dans le flacon après que ce couillon de basque a fini d'asperger les murs avec…) . 
Je sais, c'est pas bien, il ne faut pas le dire, tartufferie oblige. Ce qui est sûr c'est qu'on a un peu dépassé le plafond des 4 verres "en une seule occasion" recommandés par Vin & Société.


Que les puritains se rassurent, le Bon Dieu nous a punis. Moi en tout cas. Je me suis réveillé ce matin avec une resaca de compétition. Oui, la resaca, vous savez, la gueule-de-bois en français.
Heureusement, quand il y a un Dieu, il y a toujours un Diable pour contrer ses effets. Et ce diable, c'est un des plus formidables légumes que la Terre nous ait offerts: l'aillet, la pousse d'ail, l'all tendre comme on dit ici en Catalogne. Quand je vois les minauderies culinaires dont nous gratifient les cuistots à la mode, toujours en quête d'un produit pour épater la galerie, je me demande bien comment ils n'ont pas pensé à cette merveille annonciatrice de printemps (ainsi qu'aux baraganes et aux respounjous). Enfin, je me demande… La réponse est simple, il n'y en a pas au pousse-caddie, tout simplement.


L'aillet, il existe pas mal de façons de l'utiliser. Dans le cas présent, en tant que remède anti-gueule-de-bois, je conseille une belle brouillade à l'ariégeoise, je trouve que ça requinque mieux que l'omelette. 
Pour la recette, c'est simple, vous coupez l'aillet en tronçon d'un centimètres de longueur (pas moins parce qu'un lendemain de cuite, on a vite fait se couper…); à la mandoline, vous taillez de petites patates du jardin en chips de deux millimètres d'épaisseur, vous les faites bien frire à la graisse de canard.


Dans la poêle, on fait revenir l'aillet à la graisse ou au beurre (d'abord le blanc, puis le vert). On bat légèrement les œufs, on sale. Quand les chips sont biens dorées, on les fait tremper cinq minutes dans l'œuf puis on verse le mélange dans la poêle. C'est très vite cuit. Au moment de servir, on poivre généreusement; j'ai expérimenté pour le coup un excellent poivre de Madagascar sélectionné par Benoît Aube de Sacrés Français.


Voilà, à table! Et tant qu'à affoler les ligues de vertu, soignez le mal par mal. Personnellement, j'ai opté pour le vin que j'ai envie de boire quand je n'ai plus envie de boire de vin, du braucol de Plageoles, deux-trois grands verres bien remplis. Gare à l'abus de modération…




* Le gouvernement en a d'ailleurs remis une couche il y a quelque mois, en le chassant de facto des entreprises.
** À propos de ces fadaises, lisez ce blog qui raconte l'envers du décor de cette machine à promouvoir la malbouffe de pousse-caddie avec la complicité de chefs dévoyés.
*** Et je veux bien mourir de tout sauf d'ennui.


Commentaires

  1. Et donc, tu connais forcément son association merveilleuse faisant un lit arrosé de vin blanc ou rosé au lapin dans le four ou avec l'épaule d'agneau cuite en cocotte à l'étouffée, à température modérée, pendant de longues heures. Au printemps, quand l'aillet apparait sur les étals du marché, je me dis : "Ayé ! Il est reviendu !"

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  2. Quel bonheur de lire ces lignes!! Le vin sans les plaisirs de l'ivresse ne serait plus grand chose. Nous aussi on s'en met régulièrement de sévères, on rit, on chante, on danse ... on vit. Ces moments de convivialité n'auraient certainement pas la même épaisseur sans les doux effets de l'alcool. La vraie question reste bien sûr de savoir avec quoi on s'arsouille. Mais ça je sais que tu sais. Aline (Au Bon Manger - Reims)

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  3. Fatigué Vincent!
    C'est la première fois que je trouve une faute d'orthographe...
    J'aime l'expression suivante à mettre en application dès que possible: il faut se laisser envahir.

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