Nuits de tristesse…


La revoilà, cette France triste contre laquelle je m'insurgeais en juillet dernier. Cette France grise des fonctionnaires envieux, des politiciens oublieux et des comptables vétilleux, cette France qui sent le renfermé et rêve de réglementer, voire de taxer l'orgasme. La France des moralistes et des prohibitionnistes, alliés en un Front Puritain dont l'objectif, plus que d'allonger notre espérance de vie, doit être que cette vie, purifiée de tout, nous la trouvions interminable à force d'être chiante.
Le vin, cette "boisson de riches" est évidemment une des cibles de la France triste. Le vin, avec sa joie, sa truculence, son enthousiasme et parfois même ses excès. Les grisailleux n'aiment pas que l'on se grise et le font savoir.


En décembre, déjà, je racontais ici l'offensive de l'ANPAA, l'Association Nationale pour la Prévention en Alcoologie et Addictologie. Un des objectifs de ces moralistes subventionnés est d'en finir avec les noms de cuvées qui évoquent de près ou de loin l'hédonisme. Un mois plus tard, dans le blog d'Antonin Iommi-Amunategui, le président de l'ANPAA, évoquait de nouveau ces noms de cuvées qui lui "posaient problème". Une en particulier, Nuits d'ivresse, le célèbre petit bourgueil de Catherine et Pierre Breton, sujet de nouveau évoqué le week-end dernier à Tours, lors de la 13e Fête des Vins de Bourgueil. Au point d'émouvoir la Presse locale, La Nouvelle République, qui s'en est fait l'écho, s'inquiétant de ce que les parlementaires soient en train de légiférer afin d'en finir avec Nuits d'Ivresse* et les cuvées "à problèmes".


Que les Ligériens se rassurent, le "projet de loi anti-Nuits d'ivresse" n'a pas encore été mis au point par le Front Puritain. Ce qui ne signifie pas qu'il ne faille pas rester vigilant. En revanche, on parle effectivement d'alcool, et donc de vin, ces derniers temps à l'Assemblée Nationale, et pas toujours pour en dire du bien (lire ici). 
Un amendement en particulier m'inquiète, l'amendement N°AS1207 présenté par cinq députés du Parti Socialiste, Denys Robiliard (Loir-et-Cher), Gérard Sebaoun (Val-d’Oise), Annie Le Houérou (Côtes-d'Armor), Françoise Dumas (Gard) et Bernadette Laclais (Savoie). Son but, louable, consiste à évacuer un des nombreux flous de la Loi Évin, celui qui avait permis aux juges de confondre des articles journalistiques sur le vin avec de la publicité ou de la propagande. A priori, rien à dire, Vin & Société a d'ailleurs salué cet amendement. Sauf que j'y relève un mot qui jusqu'à présent ne figurait pas dans ce chapitre III du Code de la Santé Publique consacré à la publicité et à la propagande sur les boissons alcoolisées: "excès".  


Très précisément, l'amendement N°AS1207 demande à ce que l'on ajoute cette phrase:
"Toute propagande ou publicité en faveur d’une boisson alcoolique ne doit pas inciter à un excès de consommation, en particulier chez les jeunes."
Vous savez ce que c'est, vous l'excès**? Je ne parle pas de ces moments où l'on se méfie de l'abus de modération, c'est la notion légale de l'excès qui m'intéresse. Parce que là, on va revenir tout droit à nos Nuits d'ivresse. Vous lui expliquerez au juge que l'ivresse ce n'est pas de l'excès? Franchement, ce n'est pas gagné. Et je me demande bien pourquoi introduire cette notion dans un cadre qui est déjà un des plus contraignants du monde, hors pays musulmans.
Je me demande aussi si les députés français n'auraient pas mieux à faire pour améliorer la vie quotidienne de leurs concitoyens, autrement qu'en les traitant comme des enfants de maternelle. Et s'il ne faudrait pas plutôt tenter de redonner un peu d'ivresse à ce vieux pays qui me semble cruellement en manquer.





** Ne pas oublier non plus la cuvée Ivresses, le splendide grenache de mon copain Marc Valette.
* À part un joli petit bouquin d'Emmanuel Giraud, à L'Épure (ci-dessus).



Commentaires

  1. Ben oui quoi, les nuits d'ivresse, y'a rien de plus dégueulasse. Surtout quand c'est synonyme de caresses, de tendresses et de paresses. C'est sûr, le Front Puritain nous entraînera loin dans les abîmes de l'Histoire qui régresse. Y'a comme du Pétain dans l'air...

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