Petit message de bienvenue d’un Saint-Émilionnais à un Saint-Émillionnaire.

J'ai un charmant, très charmant souvenir du Logis de La Cadène, brune, rousse ou blonde, peu importe, ma mémoire, elle aussi, m'a trompée. C'était en tout cas du temps où les restaurants faisaient à manger, où les cuisiniers ne se prenaient pas pour les artistes qu'ils ne sont pas. 
Cette jolie maison familiale où l'on déjeunait sous la tonnelle était tenue par une famille dont on achetait le saint-émilion (on ne disait pas encore Saint-&-Millions) à vil prix. Château La Clotte, c'était gentil, voire gracieux dans de beaux millésimes comme 89, ça se buvait avec allégresse, sans que cela portât à conséquence bancaire.

Ce temps est révolu, nous en connaitrons d'autres. Le Logis de La Cadène a été vendu. Désormais, c'est le ouayneméqueur de L'Angélus, Hubert de Boüard qui va faire le cuistot dans cette ruelle pentue. Exercice périlleux, on sait que le vie du restaurateur campagnard n'est pas une sinécure. Heureusement, la Presse enchaînée va promptement se faire l'écho de l'évènement, de préférence avec des trémolos dans la voix, les agences de connes sont sur le coup qui font défiler les grands publi-reporters devant La Cadène nioulouque.

Mais d'ores et déjà, en avant-première, je me joins au futur concert de louanges en publiant un poème dont je ne suis pas l'auteur. L'auteur est un voisin, un cousin, il s'agit de François des Lignéris qui du haut de son Envers du Décor tient à souhaiter, en alexandrins, la bienvenue à Hubert de Boüard dans cette nouvelle vie bistrotière. ¡ Adelante !


Bien qu’au village sa présence soit vraiment des plus rares,
Il défile en tête pour les caméras et les stars
En des cortèges aussi éphémères que sa mémoire…
Nobliau de province empêtré dans ses déboires,
Vous lirez, ça et là, ses mérites illusoires
Écrits, si l’on peut dire, par ses valets provisoires,
Nyctalopes de surcroît car ils arrivent à voir
Un si pâle esprit au beau milieu de la nuit noire...
Et pour être certain que l’on célèbre sa gloire,
A force de légendes, il se fabrique une histoire :
«Hic est bibendum» s’écria chez lui un beau soir
Ubu, le roi tourmenté par la soif du pouvoir,
Bien assis sur son cheval à phynances dérisoire…
En mil neuf cent douze, pour inaugurer son pressoir,
Raspoutine en personne fut envoyé par le Tsar…
Tourné dans son vignoble, Tarzan dans la Préhistoire
Date l’origine du domaine de façon péremptoire…
Emile Zola rédigea en ces lieux L’Assommoir,
Brossant ainsi le projet des cloches sur le manoir,
Occultant qu’un prélat en nacelle, dans le brouillard,
Un jour, viendrait les bénir avec ses accessoires…
Au banquet qui suivit, les verres furent, pour la plupart,
Remplacés pour déguster les vins par des ciboires
Démontrant sans aucune précaution oratoire,
D’une part, qu’en mise en scène, il mériterait l’Oscar
Et que, d’autre part, il avait bien raison Audiard…
Le célèbre Pétomane, de vents jamais avare,
A préservé une récolte avec son fessard
Faisant fuir tous les nuages pour qu’il cesse de pleuvoir…
On l’entend parfois dire, à sa table, que Jules César,
Revenant fatigué d’une battue au renard,
Est allé se reposer en fumant le cigare
Sous les grands arbres du parc, légèrement à l’écart…
Tôt, le jour suivant, il salua avant son départ,
Loua la fraîcheur de l’ombre ainsi qu’un très beau char
Et alla sur les hauteurs déguster un nectar…
Nombreux témoins virent chez lui de sacrés lascars
Oublier les usages pour étaler leurs milliards,
Un verre dans chaque main et, sans le moindre savoir,
Vidant toutes les bouteilles dans un triste foutoir…
Et quand un touriste, arrivé là en autocar,
Lui demande «Le terroir, qu’est-ce?», il arme son regard,
Attrape de quoi écrire et lui dessine un tiroir…

Une vocation nouvelle advenue sur le tard
Berce ses espoirs de hisser plus haut son étendard:
En quittant la plaine, il s’élève enfin, c’est notoire,
Rejoignant la cité pour y faire manger et boire…
Geste théâtral, décorations sur le costard,
Il est là, certains l’ont vu, avec ses beaux falzars,
Soies précieuses autour du cou, souliers un peu criards,
Toujours des bijoux, comme s’il allait à un rancard,
Et cet air qui donne envie de changer de trottoir…

Pour financer les frais de son passage au prétoire,
S’il vous plait, Messieurs-dames, n’oubliez pas le pourboire…




Commentaires

  1. Quand VP se fait chroniqueur de la haine ordinaire...

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    1. Allons, allons, chère Marilyn, un peu d'humour! Pour une fois qu'on parle de Saint-&-Millions autrement que dans un communiqué de Presse, au travers de sa vie de village…
      Pour le coup d'ailleurs, je ne chronique pas, soyons précis, je publie une tribune.

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