BoBo sans le savoir…


Je fuis de plus en plus les évènements pinardiers. Pas par snobisme, mais parce que je ne suis pas persuadé que ce soit le meilleur endroit pour goûter du vin. Quant aux rencontres, il y a des endroits pour ça. Et puis la foule…


En ce dimanche pourtant, on n'y coupait pas. "Venez, c'est à deux pas de chez vous!" Ouais, deux pas, dans une ville dont l'artère principale mesure onze kilomètres, je me méfie. Alors, on regarde l'adresse. Effectivement, c'est la rue perpendiculaire à la nôtre, donc a priori ce n'est peut-être pas trop loin.. 


Allez, direction la fête des "Vins Nus". Attention, hein, Vins Nus, ce n'est pas du français mais du catalan! D'où les italiques (pour ceux que la typographie intéresse encore). Ça veut dire pareil d'ailleurs, comme à Paris c'est une traduction du Naked Wines d'Alice Feiring (à ne pas confondre avec l'énorme Naked Wines anglais qui l'avait précédé). Bon, on se perd dans toutes ces histoires de naturisme… Car c'est de vins "naturels" dont il s'agit. 


Nous avions donc un nom de rue et un numéro. Ce qui n'est pas la façon classique de donner une adresse à Barcelone, ville marquée par l'orthogonalité, tirée au cordeau par un architecte madrilène. Normalement, on dit rue Machin avec rue Truc, calle X con calle Y ou, en langue locale, carrer X amb carrer Y. Les rues sont trop longues, donc, au numéro on s'y perd. Un coup de GPS, juste le temps de nous rendre compte que la fiesta se tient à 25 mètres de la maison. Ah, c'était donc ça cet attroupement?


À peine entré, on tombe sur le taulier de ce magnifique lieu baptisé Addicted to Life, un ancien atelier dont la façade était encore couverte d'échafaudages il y a peu. Un ami de la famille, Fabrice Criscuolo. Retrouvailles, embrassades, il vient d'inaugurer l'endroit, un espace composite, entre art et évènementiel, simple et beau. 
Il faut dire que ce quartier barcelonais de Poblenou regorge de site de ce genre, souvenirs post-industriels de l'époque où on le surnommait le "Manchester catalan", fin XIXe alors que la région, sous l'impulsion d'Allemands et d'Alsaciens notamment avait fortement développé son économie productive. Un quartier populaire qui, ce nouveau lieu en est une preuve supplémentaire, se gentrifie à vitesse grand V.


Nous voilà donc, sans le savoir, de néo-BoBos. En plus, je suis barbu, j'ai des lunettes de designer, un vélo hollandais et présentement invité à un salon de vin "naturels". La panoplie complète quoi.
N'empêche que le lieu est super, jusqu'à cette petite buvette grill extérieure qui évoque les bouibouis branchés de Maltby St à Londres. Car effectivement, on se sent plus à Londres ou à Berlin qu'à Paris. Surtout que le Dj est excellent. Pur vinyle, of course!
Enfin, bon, je vous raconte ma vie, mais on était là pour parler de vin, non? De vin nu, si possible.


Comme dans tous salons, naturistes ou pas, il y a à boire et à manger. Poliment, on va dire qu'il y en a pour tous les goûts. Moi en tout cas, il y en a qui ont régalé mon palais de BoBo. Les valeurs sûres, d'abord. Et le plaisir de trinquer avec Massimo Marchiori, l'Italien installé vers Tarragone à Partida Creus, dont je vous avais parlé il y a quelques années. Il n'a pas pas son délicieux Garrut, le mourvèdre, mais un gentil petit rouge et un autre, de sumoll, qui joue avec fraîcheur sur le côté aérien de ce cépage autochtone.


Dans le même ordre d'idées, de belles confirmations à Barranca Oscuro. Manuel Valenzuela nous fait goûter des vins des montagnes de l'extrême sud espagnol (la région de Grenade) d'une grande droiture. Mention spéciale à son sauvignon (eh oui…), à son rosé de pays un poil oxydatif (sûrement un des plus intéressants d'Espagne), à son superbe pinot noir et à son merlot au nez envoûtant.


Une des révélations du jour, c'est le nouveau Château Paquita d'Eloi Cedo (son portrait au début de cet article). Un vin des îles Baléares, de Mallorca. J'avais goûté son 2012, son 2013 est très différent, bien plus accompli, du callet (à 45%), un cépages rustique local, agrémenté de manto negro et de mourvèdre. Ce vin dense mais frais surprend par sa pulpe et son gouleyant.
Dépêchez-vous, il n'y en aura pas pour tout le monde. 


Dans un style plus massif, j'ai beaucoup aimé la texture riche, épaisse, de Ruina, la syrah d'Erik Rosdahl, installé à Jumilla dans le Levante. Un vin puissant, susceptible de dérouter les amateurs de de petits rouges légers, qui n'est pas dénué d'un certain panache. Plus aimable en tout cas que son concepteur. Étonnant.


En vrac, j'ai aussi bien goûté la petite carbo et le blanc bien net d'Andrea Calek, Le Pourboire de l'autre allumé d'Alaigne (près de Limoux), Alexandre Coulange, qui a fini avec nous tard dans la nuit nous rejoignant, Benoît Valée et moi, dans notre grande croisade contre l'abus de modération. En revanche, malgré tout mon amour pour l'Ariège, je suis passé à côté des vins de Jean-Louis Pinto (Es d'aqui), seul le braucol avait résisté à l'air marin qui visiblement leur piquait le nez. Pas été convaincu non plus par le reste de la sympathique bande des Ardéchois, là aussi les jus "jouaient à l'extérieur". Ce n'était pas leur jour, ou pas le mien.


Un mot enfin de ce que nous avons préféré boire, à table, au repas, hier soir. C'était du bordeaux, ce qui résonne comme un gros mot dans les milieux naturistes français, en tout cas chez ceux qui ont le béret un peu trop près du casque. Un bordeaux rock n'roll mais droit comme un i, celui de Jacques Broustet, Autrement de Lamery, son 2011, ça a du caractère, comme son propriétaire. Beaucoup aimé aussi son sauternes de contrebande, son vin doux, avec une volatile à défriser un caniche mais torchable comme de l'eau de source.
Boire du bordeaux, ouf ! Tout de suite, malgré le quartier, on se sent de suite moins BoBo…







Commentaires

  1. Le Pourboire du Vigneron, je voulais goûter ce vin mais je n'ai toujours pas réussi à me procurer une bouteille. Vous en pensez quoi ? Savez vous où on peut en trouver dans le Sud-Ouest ou à Paris ? Merci pour votre réponse. Aymeric

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    1. Que j'ai bien aimé sa spontanéité, assortie à celle du vigneron.
      Je pense qu'il faut le contacter directement à Alaigne.

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    2. Salut Vincent, et merci pour ces quelques Merguez de fin de soirée... ;) Pour info, je serais au Salon Rue89 début Mai a Paris... ou pour demandes d'infos ou pour venir visiter la ferme, vbf.alexandrecoulange@laposte.net ou vigneronbienfêteur sur FB. Des bekos et a très vite, peut-être sur la Ferme. ;) Alexandre Vigneron Bien Fêteur.

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  2. En parlant de vélo hollandais, il y en avait un splendide en photo dans ton texte "La croisière s'amuse", au début de l'été dernier. Quel est ce modèle?

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  3. C'est un Transporter, un vélo de coursier.

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  4. "Car effectivement, on se sent plus à Londres ou à Berlin qu'à Paris."
    Pas de chance pour le vin alors...

    Mais je croyais que Barcelone se définissait par elle-même.

    Tom B.

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    1. Non, Tom, Barcelone se définit très peu par elle-même. Le modèle en revanche est plus souvent américain (comme partout en Espagne) qu'anglais ou allemand.

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