Selfie, selfish?


Le "selfie", vous connaissez évidemment? Même sans être un geek, difficile d'ignorer cette mode née avec les smartphones (qui contrairement à ce que sous-entend leur appellation ne rendent pas toujours élégants). Des autoportraits, mais en situation, en situation de préférence valorisante.
La liste est infinie: Moi devant les gratte-ciels de New-York, Shanghai, Abu Dhabi ou Doha, Moi devant la plage de Honolulu, de Venice ou de Saint-Tropez, Moi devant l'entrée du Noma, du Fat Duck, du Celler de Can Roca ou du dernier Burger King*, Moi devant une Ferrari, une Chevrolet, une Seat Ibiza ou une BMW, Moi devant la Romanée Conti, Château Angélus, les vignes de Ganevat ou celles de Lapierre, Moi devant la boutique Dolce & Gabbana, Vuitton, Claudie Pierlot ou APC, etc, etc… Destiné principalement à la branlette collective sur les réseaux sociaux, le "selfie" a même fait depuis quelques temps son entrée dans notre intimité grâce au #SexSelfie (hashtag homologué sur Twitter) qui nous permet d'auto-immortaliser (et d'exhiber) nos ébats.
Mais, comme tout évolue, un "selfie" d'un nouveau genre a été inventé hier à Barcelone à l'occasion des manifs du 1er mai: Moi, devant un combat de rue (en l'occurrence, il s'agissait d'avantage d'anicroches cagoulées que de guérilla urbaine). Cette image de Manu Fernández pour AP montre deux touristes en train de poser pour la postérité instantanée devant des conteneurs de poubelles en feu, publiée par le journal régional La Vanguardia, outre le fait qu'il choque les Barcelonais à cause de l'image donnée par leur ville, peut en effet amener à se poser des questions. Et inaugure sûrement d'une nouvelle thématique du "selfie": Moi devant la flaque de sang d'un accident de la circulation, Moi devant la demeure d'une gamine enlevée et violée, Moi devant des Syriens en train de se faire torturer ou les débris fumants d'une voiture piégée. Cela offre effectivement de belle possibilités…



* J'ai en effet appris, en lisant les désopilants écrits d'une blogueuse branchée, que cette chaîne de malbouffe était une référence foodiste, j'en parlais au détour de ce billet.

Commentaires

  1. Désolé d'être trivial mais nous sommes une civilisation de merde.
    Tom B.

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  2. Et on a encore rien vu, Vincent ... tant les développeurs d'applications sont inspirés pour commercialiser l'égo.

    Marre de ces spectres de plus en plus nombreux déambulant dans les rues en consultant leur smartphone ...

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  3. Il faut bien admettre que solitaire, il était périlleux pour chacun de confier son appareil à un étranger pour immortaliser sa présence quelque-part. Le "téléphone intelligent" aura résolu ce problème et, avec l'aide des réseaux numériques, permis le partage sans limite de nos déambulations et autres moments "remarquables" de nos vies. Mais je trouve cela intéressant, intéressant de découvrir combien les gens peuvent partager leur intimité en tout anonymat (superficiel tout du moins) tandis que chacun s'enferme derrière de hauts-murs, digicodes, voitures fermées, sécurisées et climatisés pour éviter tout attouchement avec le monde. Cela ressemble plus à un appel d'air à mon sens, à une envie de brise, de liberté dans un monde desespéré.

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    1. Et quand Robert cogne sur Mariette c'est une preuve ou un besoin d'amour ?
      "Intéressant"...
      Tom B.

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