Les seins de glace ?

Est-ce un bien? Est-ce un mal? Je n'en sais fichtre rien, mais je constate que ces bons vieux "saints de glace" avec lesquels on nous bassinait jadis en terre catholique ne causent plus vraiment aux jeunes générations. C'est donc en pensant au décolleté d'une muse que moi, le parpaillot, je m'en vais vous rappeler cette vieille croyance paysanne, empirique certes, mais guère moins fiable que les sondages d'opinions ou les statistiques gouvernementales.

Depuis le Moyen Âge, les "saints de glace" sont traditionnellement célébrés les 11, 12 et 13 mai de chaque année. Ces saints, à l'origine saint Mamert, saint Pancrace et saint Servais* sont invoqués par les agriculteurs afin de mettre à l'abri les cultures d'une ultime nuit de gelée avant la saison des récoltes, surtout en cas de lune rousse (imaginez une rousse aux seins de glace…). Selon cette même tradition populaire, une fois cette célébration, et donc cette période passée, le gel ne serait plus à craindre. Tout cela varie évidemment suivant la géographie, mais le vigneron peut alors (à condition de ne pas avoir à se lever avant l'aube pour traiter) dormir sur ses deux oreilles, au potager, on commence la plantation des tomates.

Ayant été vilipendé ces dernières semaines par de vertueux censeurs qui (bizarrement au nom du naturisme) souhaitaient, comme le veut leur charge, que je cache des seins qu'ils ne sauraient voir (ou en tout cas en public), je ne peux m'empêcher de penser à une tendre homonymie, homonymie orale ce qui s'accorde bien au sujet. Car, chez les muses d'aujourd'hui, moins formalistes que les barbons sus-cités, une nouvelle orthographe, moins médiévale, de ces "saints de glace" est très en vogue: les "seins de glace".

Hommage peut-être aux Seins de glace, l'étrange polar de Lautner sorti en 1974. Sur une plage déserte de la Côte d'Azur, un écrivain en mal d'inspiration, y tombait sous le charme vénéneux d'une certaine Peggy, femme fatale, apparemment trop blonde pour l'être vraiment quoiqu'adepte, bien avant Sharon Stone mais longtemps après Rámon Mercader, du pic à glace.

* En 1960, pour en finir avec les relents de paganisme de cette croyance, le Vatican a d'ailleurs décidé d'en finir dans le calendrier avec ces saints-là, remplacée par Estelle, Achille et Rolande.