Le Tondonia catalan.


C'est une vieille connaissance. Je me souviens de ce vin quand nous le buvions dans les années 90, à la terrasse du Bistrot des vins, à Toulouse. À l'époque déjà, le Domaine Vaquer faisait figure de maison de tradition… Si ma mémoire est bonne, il y avait aussi un 81 épatant. À moins que je ne confonde avec l'épatant Prieuré Saint-Jean-de-Bébian d'Alain Roux, un de ceux qui préfigura les grands crus du Languedoc-Roussillon.
Ce 85 (oui, 37+48!), je l'ai de nouveau croisé hier, sur la carte d'un des seuls restaurants vraiment fréquentables de Barcelone, à Gresca. Par parenthèse, sachez que Rafa Peña a la bonté d'offrir au déjeuner un menu à 19€ qui représente le plus formidable rapport qualité/prix de la ville*, le tout rehaussé d'une carta de vinos digne de ce nom (ce qui est aussi une rareté à Barcelone!), pleine d'amour.  Je ne m'explique toujours pas que le Guide des Pneus n'ait pas étoilé cette table alors qu'il accordé un macaron au rabais, mafieux, puant à Tickets, l'immonde mangeoire chimique, monsantienne, des frères Adria, juste bonne (si on ne parle que de vin) à servir des bouteilles de supérettes et faire péter des roteuses de bar à putes.


Mais ne parlons pas des voleurs, partageons plutôt le bonheur. Vingt-huit euros sur table, le Vaquer 85, si mes calculs sont bons, ça fait moins d'un euro l'année. Le flacon arrive, dans sa majestueuse simplicité, vieillote juste ce qu'il faut. "Blanc de Blancs Tradition": à l'époque, on ne faisait pas dans le Glou-Machin-Truc-Bidule. Seule fioriture, le petit écusson catalan qui n'est pas sans rappeler, en plus svelte, celui de l'USAP.


La robe, éclatante, évoque elle aussi l'or de la senyera, avec en prime un très léger reflet vert. Le nez embaume le miel d'acacia avec un légère pointe végétale, vers le fenouil. La bouche est incroyable: si jeune, sans rides mais sans lifting! On est est rond, enveloppant, mais frais, avec un peu l'équilibre d'un grand chenin de Loire. Et long, très long. L'accord avec le désormais traditionnel œuf soufflé à la tagliatelle de pomme de terre de Rafa Peña est impeccable.


Ce Vaquer 85, c'est également l'occasion d'évoquer un grand cépage trop rarement salué à mon goût, le maccabeu. D'origine espagnole, soit d'Aragon, soit de Catalogne, le maccabeu demeure un cépage blanc majeur du Languedoc-Roussillon, au moins en ce qui concerne les surfaces plantées. Trop rarement salué disais-je, carrément méprisé même par les "arbitres des élégances" telle l'anglaise Jancis Robinson qui considère qu'il s'agit davantage d'une variété destinée à produire des petits vins à boire jeune que des grands crus de garde…


Il est vrai que dans certaines conditions, le maccabeu peut devenir très productif et qu'il présente un "gros défaut": c'est un excellent marqueur du terroir. Comme le carignan ou le sauvignon par exemple, il devient facilement inintéressant, voire vulgaire sur des terroirs faibles. Ce qui prouve à l'inverse la qualité des parcelles de des Aspres, cette partie sud du Roussillon chère notamment à mon camarade Michel Smith*.
Certains ignorent en revanche que ce cépage, sous son nom castillan, viura, tient le premier rôle dans les blancs de la Rioja. On croit d'ailleurs discerner un subtil cousinage entre ce superbe Vaquer 85 et les grands Viña Tondonia produits dans les années 80 par la Bodega López de Heredia (qui comportaient jusqu'à 90% de maccabeu) Avec peut-être un surcroît de richesse pour le Roussillonais. Voici en tout cas une magnifique bouteille de gastronomie, à un tarif qui reste tout à fait raisonnable. Bravo, et merci à Frédérique Vaquer d'avoir ressorti ce petit trésor de ses caves!




* Pensez toutefois à réserver car la salle est petite et les habitués fidèles, à l'image du voisin de La Part dels Angels, l'indispensable Julien Steinhauser dont la cave est une enclave de bon goût œnophilique dans l'Eixample de Barcelone.
** Qui y produit avec plusieurs copains son excellent carignan Le Puch.


Commentaires

  1. Toute pub à part, Vincent, je t’invite à venir déguster le macabeu de notre confection. Je n’en avais plus en avril dernier, car les sangliers ont avalé toute ma récolte 2012. Une petite rmq : on l’écrit généralement macabeu, avec un seul « c », alors que maccabeo s’orthographie généralement avec 2 « c », en vallée du Rhône (où il existe aussi) comme en Espagne. Tu sais pourquoi on ne le vinifie apparemment que si peu (hors VDN Rivesaltes)? C’est comme le carignan : il craint l’oïdium comme la peste.
    Va voir http://coumemajou.jimdo.com/la-gamme-des-vins-du-domaine/du-blanc/

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  2. Vaquer vieillit très bien, tout comme le blanc de Lopez de Heredia ...

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  3. Bon, désolé d'avoir tapé dans votre stock, mais apparemment je leur ai fait ouvrir leur dernier Fernand Vaquer 88 (carignan) ! Très belle bouteille.

    Loïc

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  4. Bonsoir à tous j'ai bu en 2010 ma dernière bouteille de Vaquer 1990 et depuis j'erre come un malheureux à la recherche de quelque chose d'équivalent. Quelqu'un pourrait-il également me dire avec certitude quel était le cépage à la base de ce vin dont je ne trouve que peu de traces?

    Un grand merci
    Jean-Marc

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    1. De quelle cuvée s'agissait-il, Jean-Marc ?

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    2. Fernand Vaquer 1980 blanc : 100 % Macabeu
      Fernand Vaquer 1980 rouge (comme le 88 d'ailleurs) :80% Carignan et 20 % Grenache Noir; élevage 24 mois en cuve ciment (les vins de Fernand n'ont jamais vu la barrique) et élevage à 1300 m au pied du Puigmal (vers Font Romeu dans les Pyrénées).
      J'ai toujours au Domaine quelques bouteilles des anciens millésimes: question de mémoire et d'hommage à 4 générations de vignerons...
      Frédérique

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