La France-des-buveurs-d'en-bas.


En aucun cas je ne vais vous parler de politique en ce lendemain d'élections françaises. Et pourtant… Il me semble que si l'on doit retenir quelque chose du scrutin d'hier c'est qu'il a prouvé, une fois de plus, et d'une façon encore plus flagrante, voire caricaturale, que d'habitude le fossé qui s'est creusé entre le pays virtuel, celui de "la volaille qui fait l'opinion", et le pays réel. Entre un mundillo un rien parigot-tête-de-veau et "la masse", "la France-d'en-bas", "le peuple" comme l'on dit avec un rien de condescendance. Ce "peuple", "ne serait-il pas plus simple pour le gouvernement de [le] dissoudre et d'en élire un autre" comme le suggérait Berthold Brecht dans son poème La solution publié à la suite de son contestable soutien à la dictature est-allemande après la révolte de 1953?


Encore une fois, même si chacun de nos actes d'achat a à mes yeux autant de valeur qu'un bulletin qu'on glisse dans une urne, ce n'est pas de politique dont je souhaite vous parler, mais de vin. Et, dans cette optique, il y a des jours comme aujourd'hui où je me dis que si l'intelligentsia* de la bouteille, de canards en blogs, est aussi pertinente, représentative, légitime que la foule pontifiante des experts, des observateurs, des sondeurs de la politique, il y a du boulot.


Dans une belle ferme du Tarn, autour d'un grand canon de gaillac non homologué par les buveurs à la mode, un restaurateur m'entretenait hier soir encore, alors que nous entendions avec finalement assez peu d'effarement les prévisibles résultats municipaux, un accrochage récent avec un marchand du vin dont le marketing virait au discours militant et sectaire. Pour ne pas avoir en stock les références obligatoires, moralement correctes, le pinardier engagé n'envisageait rien d'autre que d'excommunier le taulier non conforme, comme au temps du Parti tout puissant, dans les années cinquante. Ou du maccarthysme triomphant.


La bien-pensance du Mondovino, ses figures imposées, ses doctrines (quelles qu'elles soient) m'ennuient profondément. Je vais ainsi, quitte à faire dans l'amalgame, prendre l'exemple de la vague bio-nature-etc: pour une minorité de vignerons ou de commerçants sincères, convaincus et surtout cohérents avec les principes qu'ils affichent, combien trouve-t-on de tartuffes, de surfeurs, de tricheurs? De voyants, de bavards margoulins repeints d'un vert éclatant et dont chacun des actes, en dehors de leurs gesticulations marketing, entre en totale contradiction avec leur profession de foi? Dans le genre du type qui vous saoule pendant trois heures avec la douceur du travail du cheval à la vigne avant d'enfoncer rageusement l'accélérateur du bolide assoiffé qui dans les deux heures suivante va consommer vingt, trente, quarante, cinquante, soixante litres de pétrole évidemment sans soufre. Dans le style du guerrier de l'écologie vinicole qui s'enthousiasme des écrits de Pierre Rabhi, le héraut de la Décroissance, tandis que le quadriréacteur qui l'emmène se faire dorer le cul à l'autre bout de la planète engouffre quelque tonnes de kérosène.


Tout cela est évidemment bien moins grave que le décalage, indigne, obscène, entre le mundillo politicien (de Droite comme de Gauche) et le pays réel, décalage dont on voit mal comment, à plus forte raison en période de crise, il ne pourrait pas réveiller, susciter, encourager les bas-instincts populistes de l'électorat. Mais, pour en revenir au vin, ce décalage, cette incohérence et la violence, le bruyant sectarisme des discours qu'elle implique pour faire bonne mesure ne me semblent pas non plus
Il m'apparaît évident que ce décalage entre l'intelligentsia* de la bouteille sus-citée, le pseudo-moralisme de ses discours, son mépris des soifs populaires et le pays réel des buveurs de vin, les buveurs-d'en-bas, de "la France-d'en-bas" est néfaste. Totalement contre-productif. Et générateur d'un extrémisme certes moins dramatique que celui qu'expriment les urnes mais à terme dévastateur pour le monde vigneron dans son ensemble, un extrémisme qui consistera à ne plus boire de vin et à ses réfugier dans les bras accueillants, perfides mais accueillants, des vendeurs de bière industrielle ou du Caca-Cola.




* L'italique est un rien ironique…

Commentaires

  1. Ah, mais que serait le vin sans Pousson ?

    Bon, ok faut pas pousser, comme disait le petit, mais ça fait du bien à peu de frais comme tous ces p'tits vins qu'on lape sans souci dès lors qu'on y trouve de quoi étancher sa soif. Pour le supplément d'âme... c'est le dimanche à table, non ?

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  2. Le chapeau de Gabin... Je le veux !

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