Yankee but chic !


C'est vrai que, surtout vu de France où l'ignorance crasse des crus étrangers se veut une forme d'élégance, les vins américains ont quelque chose du shérif J.W. Pepper des films de James Bond, la chemise hawaïenne comprise. Et il faut bien admettre que la plupart des bouteilles importées en Europe correspondent sans faillir au stéréotype désiré, lourdaud, tape-à-l'œil et caricatural. Donc, tout le monde est content.
Pourtant, comme on peut s'en douter si l'on regarde plus loin que le bout de son nez, il existe des exceptions à la règle. Dans les zones les plus fraîches, bien sûr, vers l'Oregon et l'état de Washington, et même en Californie où tous les vins ne ressemblent pas à des pinups aux seins gonflables et aux lèvres botoxées.


L'oiseau rare dont je vous parle aujourd'hui provient de la zone de Solomon Hills, dans la Santa Maria Valley, au nord de Santa Barbara (la partie soulignée de jaune sur la carte ci-dessus). Alors qu'on se trouve plutôt au sud de la Californie, cette région bénéficie d'un climat relativement frais, du notamment à la proximité des montagnes et à sa situation par rapport au Pacifique, dans l'angle que fait la côté à cet endroit. Du coup, la période de maturation y est relativement longue, plus longue que dans d'autres vignobles du coin.


Au niveau de l'encépagement, on trouve dans la Santa Maria Valley des chardonnay, des aligotés, des sylvaners et des pinots noirs. Sans oublier cette syrah qui m'a impressionné hier soir au cours d'un dîner dans les Corbières. Soyons honnêtes, il s'agit d'une minuscule cuvée: deux barriques produites par un domaine californien réputé, fondé en 1983, Ojai Vineyards, du nom de la ville de Ojai, refuge de stars hollywoodiennes du comté de Ventura, où une de mes amies voisinait avec Johnny Cash. Le propriétaire s'appelle Adam Tolmach, c'est lui qui avait apporté cette bouteille en Europe il y a quelques temps; sa philosophie consiste à faire du vin "old-world inspired", il est d'ailleurs assisté d'un Français, Fabien Castel.


J'ai adoré le nez de cette syrah. Franchement, je ne pense pas qu'à l'aveugle je serais parti vers la Californie. La classe, la beauté épicée de ses arômes d'encens, de mûre, de poivre blanc m'aurait sûrement conduit dans le Rhône nord, ou en Suisse, éventuellement en Haut-Languedoc (je pense à un domaine précisément dont je dois vous parler bientôt). La bouche, quoiqu'encore très jeune (c'est un 2010!), mûre malgré le faible degré, fait preuve d'une remarquable harmonie et d'une belle profondeur, soulignée par une légère pointe atramentaire. Bref, on en boit, et on a envie d'en reboire*, contrairement aux épaisses soupes de chêne qui ont fait la réputation des États-Unis.




* À condition toutefois d'en avoir les moyens, car cette rareté coûte quand même $75 la bouteille, ce qui est dans la norme californienne.

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